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Des vacances pour se découvrir et apprendre

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L’espace sonore

Urgence ! Qui suis-je ? Où suis-je ? De tous côtés on me dit, on te dit que c’est ce qu’il y a de mieux ; tout est beau ! tout est bon ! Flash ! Spot ! Encart ! Plus besoin de tes yeux, plus besoin de tes oreilles. D’autres pensent pour toi ! D’autres ont vu, ont entendu pour toi. Ton cerveau servirait-il encore à quelque chose ? Décider, agir, être, reconstruire, devenir, penser, tous ces mots ont-ils encore du sens ? Je te propose de tourner tous les boutons. Éteins tout !

À l’heure où l’on parle de nuisances sonores, peut-on se construire dans le bruit ? Cette interrogation a-t-elle sa place dans la formation de l’animateur, tant dans les stages qu’au quotidien en centre de vacances ? Deux thèmes intéressants, car ils sont d’actualité, permettront d’étudier ces deux questions : pour ou contre le baladeur ? Pour ou contre la musique d’ambiance ?

Le baladeur, quelle invention !
“ Retire ça de tes oreilles, tu vas devenir sourd ! ” “ Tu ne respectes pas les autres ! ” “ Tu ne fais rien ! ” “ Tu as des problèmes ? Pourquoi t’enfermes-tu ? ” Et pourtant, combien de moments agréables avec lui ! “ Je choisis ma cassette ! ” “ Enfin je me retrouve ! ” “ J’écoute ! ” “ Je rêve, j’imagine, je m’évade ! ”

Comparons : “ Tu as des problèmes ? ” “ Non, j’ai envie de trouver un moment à moi pour écouter ce que je veux. ” “ Tu ne fais rien ? ” “ Si ! Je pense à tant de belles choses ! Et puis, toi, connais-tu ce groupe ? J’aime ce qu’il fait. Je suis d’accord avec ce qu’il dit…. ” “ Tu ne respectes pas les autres ! ” “ Les autres me laissent-ils la possibilité d’être moi ? ” Oui, ai-je la possibilité d’être moi en collectivité ? Même pour faire mon courrier, on me met de la musique. Même pour m’endormir, on me met de la musique ! Combien de “ chut ! ” ai-je pu entendre rythmer Le Grand Bleu ? Pour le petit-déjeuner, on me met de la musique. Je me suis vu un jour beurrer ma tartine avec des notes de musique. Aussi, un axe du projet pédagogique concernant le C.V. de St Hilaire de Riez que j’ai dirigé avait pour support de réflexion : L’espace sonore et la personne.

Pour ou contre le baladeur ?
Que peut apporter le baladeur à celui qui l’utilise ? Le plaisir d’écouter la musique qu’il aime. Le plaisir de se retrouver seul et de vivre un moment pour lui.

Peut-on interdire ces plaisirs ?
En tant qu’adulte, nous les recherchons. Chacun d’entre nous a envie de vivre intensément un moment de calme et de sérénité. C’est un moment pour se reconstruire, pour se détendre tout comme le conte, ce moment d’évasion. Permettons à l’enfant l’occasion de retrouver ces moments. Le baladeur apporte-t-il des nuisances ? Celui qui l’utilise : le niveau sonore et la fréquence peuvent altérer la capacité d’écoute de l’oreille. Autres : le fait de n’entendre qu’une fréquence et non toute la musique rend désagréable l’écoute. S’isoler volontairement en restant dans le groupe manque de respect par chacun des membres du groupe. Des règles de vie sont donc à instaurer pour un bon équilibre de chacun.

Pour ou contre la musique d’ambiance ?
L’espace sonore appartient à chacun d’entre nous. Nous n’avons pas le droit de nous l’approprier aux dépens d’autrui. Faisons en sorte de ne pas nuire à l’espace sonore de l’autre. Pour quelles raisons ? C’est souvent celui qui organise l’activité. Pour rendre le moment plus agréable, certainement. L’activité par elle-même ne rendrait donc pas ce moment agréable à elle toute seule ? Posons-nous la question de l’intérêt de cette activité pour qu’il y ait nécessité d’écouter de la musique d’ambiance. Parce que c’est un moment de retour au calme. Nous mettrons donc de la musique (classique ou douce) à ce moment-là. Serait-elle un calmant ? Comme on donne du théralène à de jeunes enfants pour qu’ils se calment.- Les enfants du groupe ont-ils tous décidé d’écouter cette musique ? Si oui, alors écoutons-là, et ne faisons rien d’autre, c’est bien elle l’activité à ce moment-là. Si non, alors ne l’imposons pas, parce que nous sommes adultes, parce que nous pensons que c’est bien, à celui qui n’a pas décidé d’écouter ce moment musical. C’est un manque de respect pour lui ; c’est aussi un manque de respect pour l’œuvre en question car on ne lui donne pas toute l’attention qu’elle réclame.

Écouter plutôt qu’entendre
Son application au quotidien est riche d’enseignement. Cela commence dès l’arrivée des enfants au centre de vacances. Comment faire s’installer cent trente-cinq enfants de 5 à 12 ans et les adultes qui les accompagnent sans qu’ils ne crient, ne pleurent, ne se hèlent ? La préparation y est pour beaucoup. Au niveau de l’équipe d’encadrement, permettre à chacun de s’approprier le projet, réfléchir sur les enjeux, sur les moyens à mettre en place. Au niveau du groupe enfants et de l’entité parents-enfants, il est important de les mettre en situation, de pouvoir anticiper, donc d’être informé (importance de la réunion parent-enfant-animateur) ; agissant ensuite (importance de donner les moyens, de se déterminer, d’être autonome dans les déplacements ce qui implique codage, fléchage, organisation de l’espace temps), décideur enfin ; l’adulte n’a pas à penser tout pour l’enfant mais à réfléchir sur la capacité qu’a l’enfant pour choisir sa place, son lit, sa classe… On se rend compte que la réflexion sur le cadre et surtout sur la manière dont chacun a la capacité de s’approprier ce cadre est une condition de réussite de l’installation, une conduite de sécurité tant physique qu’affective, une condition de tranquillité, de sérénité, de calme. Cette réflexion est axée sur l’équilibre, la mesure du temps. La flexibilité, la souplesse doivent permettre à chaque situation d’être vécue, analysée et solutionnée dans sa globalité. J’entends globalité dans le fait que cette situation doit être référée avec un début et une fin. Aussi, chacun sait ce qu’il a à faire, se sent décideur et non dépendant d’un emploi du temps. Les repères espace temps sont précis, non stressants et fonctionnels. Alors, nul n’est besoin de musique d’ambiance, car quelle ambiance que cette ruche qui s’installe ! Ce propos est un calque que l’on peut reporter sur tous les moments du centre de vacances.

Le choix
L’équipe d’animation détient-elle, à elle seule, le pouvoir de décider ce qui est bon de faire écouter aux enfants ? La démarche se situe plus au niveau de l’exploitation, de l’écoute. Pour ce faire, l’inventaire du matériel audio et des matériaux (C.D., cassettes…) doit devenir propriété du groupe enfants-animateurs. La connaissance de l’extérieur doit être source de sonorité, de communication. C’est bien le projet de l’enfant qui fait émerger le besoin, l’utilisation de tel moyen audio, de tel support musical… On a pu remarquer au cours de séjours que les enfants s’inscrivaient bien dans la démarche, ce qui n’était pas le cas pour les adultes.

Qui ?
La vie du centre ayant démarré calmement, sans ambiance sonore, à aucun moment les enfants n’ont été demandeurs de musique d’ambiance. En revanche, les adultes se sont vite retrouvés en manque. Alors qu’il avait été décidé de centraliser tous les moyens audio dans une pièce spécialisée avec des règles d’utilisation élaborées, collectivement, ils ont été vite demandeurs pour faire une veillée calme, un temps calme après le repas… On se retrouvait à chaque fois dans la situation d’habiller un moment et rarement dans l’exploitation de l’activité musique en l’occurrence. La richesse a été dans l’obligation de réfléchir à toutes les possibilités offertes par l’espace sonore. Il était trop restrictif de ne s’en tenir qu’à la musique. C’est alors que nous avons vu un groupe d’enfants rechercher un fond musical pour habiller un après-midi médiéval faisant suite à la fête qui s’était déroulée dans un château voisin ; un autre groupe d’enfants inviter un musicien saxo à une de leur veillée (ce musicien avait été repéré par les enfants dans les dunes alors qu’il répétait seul). Nous avons vu également arriver un musicien écossais et sa fille pour jouer de la cornemuse. Tout ce petit monde a alors organisé un repas avec eux. Quelle sympathique petite tablée !

Retrouver le sens de l’écoute
Quelle richesse de voir un groupe d’enfants accroupis, couchés dans l’herbe autour de l’animateur, silencieux, écoutant car nous sommes arrivés à ce que l’espace du centre de vacances soit calme, et le bruit que font les criquets en sautant a attiré l’attention des enfants. Ayant entendu, ils ont écouté, puis regardé (on pourrait à ce sujet développer la notion de protection de la nature du vivarium naturel). Quelle écoute avaient retrouvé ces enfants et quel plaisir de faire partager !

Il y eut d’autres moments, je pense qu’il n’est pas nécessaire d’en faire un listing exhaustif. Il importe au contraire de réfléchir sur la dimension qui a été atteinte.

Comprendre l’homme dans l’espace sonore
Pour les enfants, ils ont pu retrouver le calme d’abord et la disponibilité par rapport à l’autre, à l’environnement ensuite. Pour les adultes, ils ont réfléchi, remis en cause, évalué, pris plaisir à écouter ce que les enfants pouvaient apporter, trouver, proposer. Tous ces projets sont nés d’un déséquilibre causé par la rupture avec l’habitude, le conditionnel, la médiatisation. Cette expérience menée au cours du centre de vacances a mis les personnes en situation d’apprentissage. Apprendre à se retrouver soi, à avoir envie de, donc être capable de projet. La personne se retrouve décideur. Apprendre à être à l’écoute, redevenir responsable critique. Enfin comprendre. L’homme dans l’espace sonore doit pouvoir passer alternativement de la notion de plaisir à celle de déplaisir pour toujours se garder la faculté de réagir.

Michel Dessenne

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