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Des vacances pour se découvrir et apprendre

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L’aventure en CVL ?

L’aventure commence à l’aurore, à l’aurore de chaque matin… Ce sont les premières paroles d’une des toutes premières chansons de Jacques Brel… Quand c’est la quotidienneté qui devient aventure, quand c’est ce que nous oublions de voir chaque jour.

Je suis toujours convaincu que le centre de vacances ou de loisirs reste, encore maintenant, le seul lieu organisé dans lequel des enfants et des jeunes peuvent vivre des projets, leurs projets. Ceci à condition que les adultes qui les accompagnent leur laissent l’espace de liberté nécessaire et suffisant pour que cela soit possible ou encore, pour être plus clair, que les animateurs n’obligent pas les enfants à rentrer obligatoirement dans des projets qu’ils auraient préconçus avant le séjour. Malheureusement, on s’aperçoit que les directeurs ont des demandes très précises quant au « remplissage » de tous les moments du centre de vacances ou de loisirs. Combien de réunions de préparation de centres sont exclusivement consacrées à la conception de plannings d’activités dans lesquels les enfants devront entrer coûte que coûte ? Je crains qu’elles ne soient très nombreuses ! Or, si on veut que les enfants puissent avoir leur place dans la construction de leurs vacances et de leur loisirs, tout ne peut être pré-inventé, préconçu, préparé par les animateurs sinon on accepte que, certes, les animateurs aient des projets pendant les séjours mais que les enfants, eux, ne peuvent pas en avoir. C’est quoi, alors, des projets d’enfants ? Il peut y en avoir de plusieurs sortes. Ils ne sont pas vraiment hiérarchisables, ils sont seulement repérables si l’on se donne un peu de disponibilité pour le faire. Il peut y en avoir des petits et des grands ou mieux des plus courts et des plus longs. L’intérêt de permettre aux enfants d’avoir leurs propres projets crée les conditions de l’aventure. Les adultes étant là pour accompagner, aider, rechercher avec les enfants ce que ceux-ci auront prévu, imaginé, initié, conçu… Bien entendu, tout ne sera pas possible et qu’importe d’ailleurs, le fond étant bien, pour les animateurs, de se doter d’une attitude qui permette l’aventure. Les aventures sont nombreuses en centres de vacances et de loisirs et elles ne revêtent pas forcément un habit innovant – « l’innovation » étant devenu une espèce de leitmotiv alors que certaines « innovations » sont parfois bien pauvres. L’aventure collective est incontestablement devenue une aventure incroyable aujourd’hui. Permettre à des enfants d’être en relation avec d’autres (et pas seulement à côté des autres), de construire, d’inventer avec d’autres est sans doute un levier puissant pour combattre l’individualiste croissant qui s’impose à nous. Evidemment, cette aventure n’est pas vraiment télévisuelle : pas de milieu hostile, pas d’animaux sauvages, de forêts impénétrables, de concurrence entre les personnes, pas de premier ou de dernier, non, juste des individus auxquels est donnée la possibilité de construire des relations, de mettre en place des choses qui leurs sont propres. Cette aventure-là est, finalement, à la portée de tous, petits et grands. Il est nécessaire, en réunion de préparation des séjours, de ce poser cette question centrale : comment allons-nous organiser la vie collective pour que les enfants y trouvent leur place, ou mieux y prennent leur place ? Je crois que la première chose dont il faudra nous convaincre, c’est qu’il n’y a pas nécessité, comme on l’entend souvent, de « limiter les contraintes de la vie collective » mais au contraire d’utiliser la vie collective comme une occasion extraordinaire de faire ce que l’on ne pourrait faire sans les autres. En ne voyant la vie collective que comme une succession de contraintes qu’il faudrait nécessairement limiter, on s’empêche de penser que les possibilités de construire à plusieurs sont infiniment plus nombreuses que celles de construire seul.

L’autre point, qui à mon sens, constitue une vraie aventure dans nos séjours, est la conquête de l’autonomie – conquête comme on dirait conquête de l’espace. C’est aussi une aventure extraordinaire qui n’est d’ailleurs pas dissociée de la précédente, elle y est nécessairement attachée (ou alors on considère que les enfants ne peuvent pas s’apprendre entre eux). La conquête de l’autonomie revêt bien des formes, traverse tous les âges : s’habiller seul, choisir ses vêtements, couper sa viande, se servir, faire une cabane, couper une planche pour son camion ou une branche pour son arc, organiser une randonnée, préparer son matériel, allumer un feu, prévoir, discuter, organiser, réorienter, aménager,… C’est une aventure que l’on fait, comme l’autre, sous le regard et avec les conseils des animateurs.

Laissons donc les enfants se construire leurs vacances et leurs loisirs en réorientant nos projets pédagogiques qui ne sont bien souvent que des succession de phrases théoriques vides de sens et qui ne disent pas comment les adultes vont associer les enfants à leurs vacances, ne demandons pas aux animateurs de produire uniquement des plannings bien ficelés où les activités proposées ne sont conçues que sur le mode individualiste (chacun fait son truc), ne nous enfermons pas dans le tout sécuritaire où la législation (et surtout ce que l’on imagine de la législation) prend le pas sur la vie, lâchons un peu les brides et pensons à donner un peu de pouvoir aux enfants. Je ne doute pas que les centres de vacances et de loisirs soient une aventure pour les animateurs et les directeurs, un des enjeux est qu’ils soient aussi une aventure pour les enfants.

Jocelyn Vérité

Article extrait de CA n°57 – 70 ans, déjà ?
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