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Des vacances pour se découvrir et apprendre

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Chouette, on va à l’opéra !

Oser le culturel ! Beau slogan que nous avons déjà développé dans ces colonnes. Oser l’opéra, qui plus est dans un des temples européens de la culture. Oser le culturel, c’est oser aussi l’aventure.

Nous sommes à Mariánské Lázn (ou comme on disait, à Marienbad) pour la journée et nous venons de terminer une partie acharnée de Bertole*. Tout en rangeant le matériel, je remarque que Florian, 15 ans, m’observe, l’air perplexe. Je le regarde, l’œil gauche interrogateur, et il me lance : « Dis-moi Jean-Noël, qu’est-ce qui t’a pris de te lancer dans l’animation à 64 ans ? » Le sérieux de la question et l’étonnement réel de Florian m’empêchent d’éclater de rire. Affichant seulement un sourire amusé et respectueux en préambule, je lui fais un bref historique de mon engagement dans l’animation. Oui, j’ai été « moniteur », oui, je suis directeur et depuis un bon bout de temps, je participe à des formations d’animateurs et de directeurs, et si je me trouve ici aujourd’hui, c’est que Mohamed, le directeur, m’a invité à encadrer ce séjour d’une semaine à Prague avec cette trentaine de jeunes. Je lui parle brièvement de ma rencontre avec Mohamed durant l’été précédent à Avignon où nous participions à l’accueil et à l’accompagnement de vacanciers durant le festival.

Accompagner des personnes… Faire un bout de chemin avec elles, les mettre en relation, les aider à se parler de ce qu’elles découvrent d’un environnement nouveau, d’un fragment culturel, les aider à se parler de ce qu’elles découvrent des autres et d’elles-mêmes par une mise en mots de leurs goûts, des émotions ressenties, c’est ce que je suis venu faire ici aussi. Mais ceci, je ne le dis pas à Florian.

Dans le dépliant de l’organisme qui a « vendu » ce séjour, on peut lire qu’une soirée sera prévue à l’Opéra. Prague transpire la musique de tous ses pores, mais « l’Opéra », ça fait un peu peur. Comme tous les jeunes, je ne suis jamais allé à l’Opéra… et il appartient à l’équipe de les aider au mieux !

Depuis deux jours, nous avons en poche les billets pour aller voir Nabucco. A part le nom de Verdi et Le Chœur des esclaves, je n’ai pas de quoi être fier de l’étendue de mes connaissances !

Internet faisant bien les choses, je finis par récupérer « l’histoire » de Nabucco, diminutif charmant de Nabuchodonosor. Comment vais-je m’en tirer pour en causer un peu ? Je sais que le terme d’« Opéra » comme celui de « théâtre » peut résonner dans certaines têtes comme espace « étranger à ma culture », donc comme lieu inaccessible ou interdit par ce qui s’y joue ou par le prix à payer.

Le problème financier étant résolu pour ce soir, il me faut trouver le moyen de titiller les esprits des jeunes afin de leur donner des billes pour accepter de suivre un spectacle en italien surtitré en tchèque !

Je me lance donc dans un « racontage » de cette histoire en quatre actes, avec des gentils et des méchants, comme dans les westerns ou dans Star Wars, de l’amour entre deux jeunes gens de familles opposées, l’ivresse du pouvoir, la guerre, l’oppression des uns sur les autres, la mort de la « méchante », la paix retrouvée … J’ai l’impression que je ne m’en sors pas trop mal et nous partons.

La plupart de nos jeunes ont mis du « 31 » dans leur tenue, le gel et l’eye-liner sont de sortie : « Ben quoi ! On va à l’Opéra, non ? » et nous nous retrouvons bientôt sur les marches de l’Opéra, en compagnie de Tchèques super équipés en robes longues, bijoux et costumes chics. Il est évident que nous ne jouons pas dans la même division, mais ce soir, nous serons sur le même terrain.

Hall d’entrée, dorures, lustres, larges escaliers, et nous voilà répartis quatre par quatre dans des loges au premier balcon, une moitié côté jardin, l’autre, côté cour, nous faisant face. On se fait des « coucou » en riant, prenant les autres à témoin de notre présence dans ce lieu. On en prend plein les yeux du lustre monumental, du plafond, de l’orchestre dans la fosse…

Et l’orchestre attaque… Les actes s’enchaînent plus rapidement que notre inculture ne le laissait présager. A chaque entracte, on en profite pour se parler (fort le plus souvent) des personnages, des costumes, du décor, des éclairages, pour se questionner, « réviser » l’histoire, se raconter les aventures des musiciens, celle des deux contrebassistes qui se parlaient à l’oreille, celle de l’un des clarinettistes qui se cachait derrière son pupitre pour rire tout en nettoyant son instrument…

Au bout de quatre heures, c’est le salut final, la sortie au milieu du beau monde, les retrouvailles sur les marches dans la nuit fraîche de Prague et l’on se parle encore : « Heureusement que tu nous avais raconté l’histoire, parce que sinon… C’te robe qu’elle avait la princesse ! Y bougeaient pas beaucoup les comédiens ! Je me suis un peu endormi à la fin. C’était beau tous ces fauteuils rouges ! » Après un petit moment de « récolte » d’impressions, il nous faut partir trouver de quoi manger, rentrer pas trop tard à l’auberge de jeunesse car demain, on se lève tôt, nous quittons Prague.

Moi, je sais déjà qu’une fois rentré, mon premier disque d’opéra sera Nabucco, ne serait-ce que pour retrouver de ces moments passés avec ces jeunes qui m’ont accompagné à l’Opéra.

Jean-Noël Obert

Note * Pour les règles de ce jeu, voir les Cahiers de l’Animation n° 36.

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