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Des vacances pour se découvrir et apprendre

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Objets inanimés…

1398355864982[1]Je me souviens encore du brouhaha provoqué par l’introduction du terme d’animateur dans les colonies de vacances, devenant par là même des centres de vacances et de loisirs. Le Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animation (Bafa) remplaçait le diplôme de moniteur de colonies de vacances. Nous étions en 1973. Trois ans auparavant avait été créé le Brevet d’Aptitude à l’Animation Socio-Educative (Base), qui ne fit pas tant de vagues, me semble-t-il.

Passer de la fonction de moniteur à celle d’animateur posait d’un coup la question de la fonction. Le débat fut vif, avec, sous-jacent, un refus de « donner une âme, de donner de la vie » et autres définitions toutes académiques. Les mots forts que j’entendais autour de moi disaient véhémentement le refus de considérer les sujets qu’étaient les enfants, les jeunes mais aussi les encadrants comme des objets auxquels il faudrait insuffler on ne savait quelle vie, ou quelle âme !

Le débat ne me sembla pas soulever tant de vacarme dans le milieu professionnel, lequel, bien que peu défini, existait déjà. Les « permanents » (on ne sait trop de quoi d’ailleurs) trouvaient un terme auquel se raccrocher. Le concept viendrait plus tard, nourri notamment par la mise en oeuvre du Defa (Diplôme d’État aux Fonctions d’Animation). Il faut bien évidemment rapprocher tout cela du bouillonnement de l’époque, à la fois culturel et politique – nous sommes tout proche encore de 1968. Mais on peut également le rapprocher d’un débat qui me semble conserver toute son acuité, même occulté comme il l’est aujourd’hui ; c’est celui de la mise en oeuvre du projet politique de l’Éducation populaire.

Et d’un coup nous revoilà à peu près quarante années plus tard au cœur du même débat, posé certes d’une toute autre manière. L’Animation, puisque le terme est devenu générique (même s’il recouvre tout et parfois n’importe quoi, avec autant de précision que celui de « projet ») est directement, génériquement issue de l’Éducation populaire et des valeurs qui l’ont fondée. Dans un raccourci certes discutable, on peut dire que l’on est parti d’une ambition puissante de mettre en oeuvre des pratiques dans lesquelles des sujets parlent, se parlent entre eux, s’organisent, apprennent le vivre ensemble, la liberté et la pratique collective de celle-ci. En plus clair, un projet d’émancipation, de respect d’autrui. Peut-on dire que la boucle semble se boucler, dans une sorte de « fonctionnalisation », par la vision, et je n’ose penser à un projet politique, de sujets qui animent des objets ?

Peut-on dire, dans ce débat, en le poussant à l’extrême, que la marchandisation pourrait pousser ces mêmes « sujets » à consommer des objets ? ou que ces sujets « pensants » donneraient de l’énergie à ces objets captifs pour leur apprendre à « mieux » consommer, voire se consommer eux-mêmes ? Pris dans cette spirale, le débat se perd. On peut pourtant le résumer à quelque chose de bien plus simple, quoique… Soit l’animation est le moyen d’acter, d’agir, les valeurs profondes de l’Éducation populaire, soit elle est ou sera autre chose. Le débat est donc réellement politique. Au sens profond du terme politique. Justement très éloigné des concepts gargarismes que sont l’instrumentalisation, la fonctionnalisation, la rentabilité et autre gestion. Soit elle est effectivement l’affinement jusqu’à l’absurde de ce triste constat de « sujets qui animent des objets ». C’est alors tout autre chose.

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? »
Lamartine

Alain Gheno

Texte paru dans VEN n°554

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