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Des vacances pour se découvrir et apprendre

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Migration : le choc de l'arrivée

1395758645922[1]Migrer, émigrer : dans tous les cas, des déstabilisations, parfois des souffrances. Changer de repères, de vie, d’aire culturelle, ce n’est pas simple même quand ça se passe plutôt bien. Alors quand ça se passe mal, quand on n’a pas vraiment choisi de par¬tir, quand on est rejeté là où on arrive, enfermé dans un groupe identitaire pour ne pas rester seul, quand on ne comprend rien à la culture du pays d’accueil, quand on est contraint de se cacher pour survivre sur les marges, devenant peu à peu errant quand on se voulait migrant… Tout cela sur notre fond républicain unificateur, de « Il est interdit de cracher par terre et de parler breton » à « Nos ancêtres les Gaulois ». Car, même mal accueilli ou recueilli, il va falloir apprendre à accueillir les différences d’ici en se conformant aux injonctions d’intégration, parfois sous la menace de se faire « cueillir » et réexpédier comme un paquet.

Il y a, évidemment, des migrations et des immigrations qui se passent « normalement bien ». Les chocs du déplacement, de la découverte et de l’adaptation à une autre culture sont anticipés, gérés, accompagnés, et sont autant de richesses. Migrations construites, choisies, pensées, qu’il s’agisse des déplacements familiaux et professionnels internationaux de cadres supérieurs et de hauts fonctionnaires, ou de migrations de « petites gens ». Nous n’en parlerons pas ici. Non pas qu’alors il ne se passe rien pour les personnes, mais parce que cela ne produit pas de dégâts, de malheurs ou de blocages chez elles.

Nous allons parler des migrations qui se passent mal, en nous centrant sur l’arrivée. Donc sur le choc entre les rêves et le réel, sur le choc avec les lois. Et parce que nous vivons dans l’Europe poli¬tique, commençons par une présentation des politiques migratoires européennes proposée par Gerda Heck, une jeune chercheuse allemande. On pourrait dire « commençons par la présentation de la façon dont l’Europe fabrique puis traite les clan-destins ». Parce que, pas d’illusions : les migrations d’aujourd’hui sont les produits de la misère et de la guerre, bien loin des rêves utilitaristes et élitistes de l’immigration choisie. Les migrants ne sont pas tous des adultes. Les « Mineurs étrangers isolés » sont légion. « Ni invités, ni attendus, ni désirés », comme le dit Loukmane Khiter, administrateur ad hoc, ne comprenant rien de ce qui leur arrive, la République les prend en ’• charge. Quel travail possible avec eux ? Ce travail avec les MEI (terrible acronyme, si ] proche de la MOI, Main-d’œuvre immi¬grée, ces migrants militants politiques de L’affiche rouge) fait aussi bouger ceux qui travaillent avec eux. Les éducateurs à leur contact sont interrogés, remués dans leurs certitudes et leurs façons de faire. Pascale Petilléon, formatrice, montre ce difficile travail de soi. Il y a donc du travail possible. Des accompagnements, des ouvertures, des prises en compte globales des personnes, comme le montre José Brito-Soares pour le Portugal. Il y a du travail « psy » possible, et nécessaire. Soutien, écoute, aide à comprendre, et parfois également accent mis sur les réa-lités. Djakaridja Kone, psychologue en PMI, insiste sur la nécessaire adaptation à la réa-lité française malgré et avec les rêves et les histoires de chacun. Charles Di, psychologue lui aussi, dans un service centré sur l’interculturalité, pousse plus loin la discussion sur la rencontre culturelle en montrant com¬ment cette rencontre assumée et intégrée par les personnes peut être un facteur d’épanouissement. À propos de la rencontre qui permet des ouvertures, Djemila Zeneidi montre com-ment les femmes marocaines employées officiellement comme esclaves modernes en Andalousie trouvent de façon inattendue des bénéfices à cette situation.

Ce qui ne justifie évidemment pas les conditions de travail qui sont les leurs !

Quand cela va vraiment mal, les services de psychiatrie sont présents et actifs. Un CMP « banal » de Rouen prend en compte les particularités et les souffrances des migrants récents ; deux soignants, Olivia Cointrel et Francis Abraham, présentent ce qu’ils font. Dans la même ville, Olivier Jan, psychologue en équipe mobile psychiatrie-précarité, est parfois confronté à l’horrible avec des patients ayant vécu l’indicible et contraints de revenir précisément dessus pour obtenir le statut de réfugié. Quel travail psy possible avec ces fantômes dans la tête, et leur réactivation administrative ? Et parce que pour nombre de ces migrants le chemin du rêve d’intégration passe par I’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), nous fermons ce dossier avec la présentation de l’impossible décision des juges de la CNDA. Mais comme le dit Jacques Rummelhardt, « La consolation, si c’en est une, est que seuls 20 % des recalés définitifs sont effectivement expulsés. Et une partie d’entre eux reviendront en France, ou ailleurs, avec de nouveaux papiers et des histoires mieux concoctées. Les filières de passeurs ne s’assèchent pas. Ou bien, ils seront morts. Personne n’en parlera. Il faudrait pourtant ». Entre les politiques européennes qui ouvrent ce dossier et le Droit qui le referme, des personnes. Ce dossier parle d’elles.

Dossier coordonné par François Chobeaux et Nahima Laieb

Texte paru dans VST n°120

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