Utilisateur

7 + 8 =


Des vacances pour se découvrir et apprendre

You need to install or upgrade Flash Player to view this content, install or upgrade by clicking here.

La compétence de l’animateur

La définition usuelle du mot « compétence » est : « connaissance approfondie, reconnue, qui confère le droit de juger, ou de décider en certaines matières » (Le Petit Robert). Le Dictionnaire historique de la langue française nous précise l’origine du mot, son utilisation dans le domaine juridique, et son glissement de sens vers : « capable par ses connaissances et son expérience ». Notons au passage que de la racine latine de compétence (competentia) naîtra le mot compétition. Mais compétence a aujourd’hui bien d’autres définitions, peut-être trop, qui rendent cette notion transversale ambiguë. Cette dernière recouvre tellement de savoirs et de domaines d’application qu’elle risque de ne plus rien recouvrir du tout. C’est le domaine des savoirs, savoir-être, et savoir-faire. Il faut rappeler ce qui semble constituer la définition actuelle, en éducation et en formation : les compétences doivent porter sur un contenu précis, concret, un résultat attendu ; elles sont relatives à une situation donnée, concrète elle aussi, et elles résultent d’une interaction entre plusieurs types de savoirs. Notons, pour conclure cette très brève présentation que certains sociologues dénoncent la notion de compétence, tant celle-ci est devenue hégémonique, au détriment de la prise en compte des relation sociales, évacuant les notions d’identités propres de l’activité d’animation. N’oublions pas au passage que la notion de compétence est montée en puissance en même temps que celle d’évaluation dans le champ de la formation quand il s’est agi de tenter d’objectiver les actes d’animation, autant que ceux de l’instruction ou de l’éducation, qui eux, dans ce domaine, avaient de l’avance. Mais c’est une autre histoire. Pourquoi donc cette introduction ? Peut-être parce qu’il est important de resituer des termes, de les ré-éclairer pour tenter de comprendre les dérives quand on parle de la compétence de l’animateur, des compétences des animateurs. La première question devrait porter sur : quel animateur ? Certes, un référentiel (en ouvrant un tiroir dans « compétence », on trouve toujours référentiel) indique toutes les compétences nécessaires à une action, une activité, mais il indique surtout des compétences attendues à terme. Pour ce qui concerne l’animation, les compétences attendues d’un animateur sont souvent celles attendues d’un expert animateur, d’un modèle figé, virtuel, modélisé. Et cela est compréhensible. Comment faire des demi-mesures quand on doit définir ce à quoi doit aboutir une formation ou l’exercice d’une profession ? En posant la question de la compétence de l’animateur, il est donc obligatoire de se poser la question de quel animateur, puis, du moment de l’évaluation de ses compétences.

Les animateurs sont incompétents !

Quittons alors le domaine des définitions savantes pour interroger les abus, les dérives. Les animateurs sont incompétents. Le pluriel, la massification du terme le rend de fait inopérant et déforme au passage la notion même de compétence. Mais on peut noter d’autres dérives, plus contemporaines : les animateurs dits Bafa sont moins compétents que les animateurs professionnels. Fâcheux glissement vers l’opinion largement répandue qui dit qu’il faut être professionnel pour être compétent et, plus fâcheux encore, qu’il faut être diplômé (et non pas breveté) pour être compétent. Pour pousser le paradoxe plus loin, il faudrait donc affirmer que tel animateur, certes n’ayant qu’un Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur, par ailleurs, étudiant, ou enseignant, ou soignant, ou éducateur, ou cuisinier ou je ne sais quoi, encadrant des jeunes depuis une dizaine d’années sur ses vacances, sera de fait moins compétent que celui qui vient de passer avec succès ses épreuves d’obtention d’un Bapaat (Brevet d’aptitude professionnelle d’assistant-animateur technicien) et ayant, pour ce faire, cumulé quelques semaines de pratiques en situation ? L’exemple, sans doute caricatural, nous aide à comprendre une des dérives de la notion de compétence… Elles résultent de l’interaction de plusieurs types de savoirs… « Être capable de », « capacité à » : voici des termes qui reviennent très souvent dès qu’il s’agit de compétences. Être capable de fixer une poutre dans un assemblage de charpente, exercer sa capacité à respecter les normes indiquées pour faire un pain, etc. Exercer sa capacité à prendre en compte la diversité des publics, être capable d’apprendre un chant… Parlons-nous de la même chose ? À terme oui, dans l’élaboration des fameux référentiels, oui. Mais, s’il semble possible de dire à partir de quand je sais assembler une charpente, ça l’est moins quand il va s’agir de prendre en compte la diversité des publics. Donc la compétence est en constant devenir. Elle change, elle évolue, elle n’est pas figée, d’autant moins qu’elle s’exerce, en animation, sur une matière vivante, mouvante, fluctuante, non captive, rétive sur le terrain à toute définition livresque et théorique. Une vraie compétence sera de savoir en tenir compte ! Est-ce à dire que la notion de compétence est obsolète, dépassée, non opérationnelle ? Certes non. Loin de moi l’idée de nier ou de refuser tout travail autour des notions de compétence, d’évaluation, de référentiel. Il s’agit d’éclairer différemment ou de taquiner des modèles qui se voudraient dominants.

Pour être encore plus iconoclaste

Je terminerai en parlant de la compétence de l’animateur volontaire. Celui qui n’a QUE le Bafa, celui qui n’exercera peut-être QUE trois ou quatre fois, celui que bien maladroitement aujourd’hui on taxe d’abord d’incompétent parce qu’il n’est pas professionnel, qu’il est trop jeune, qu’il est toujours « trop », sauf trop compétent. Quelles compétences peut-on attendre de quelqu’un qui arrive dans son premier contact avec des enfants ou des jeunes après huit jours de formation, de sensibilisation ? Celles qu’il a acquises pendant ces huit jours ? Alors, inquiétons-nous un peu si nos visions et nos attentes sont aussi raccourcies.

Mais : le fait d’avoir choisi de se former, même huit jours, pour s’occuper d’enfants, de manière volontaire n’est-il pas une compétence ? Ce don de soi dont on parle souvent, ce besoin d’être utile, la conscience d’agir dans la société ne seraient-ils pas des compétences (dire que ce n’est pas la réalité est d’un mépris total pour ceux et celles qui s’y engagent) ? Cet enthousiasme souvent incontrôlé, cette intuition saine de n’être pas au point techniquement, cette naïveté même, qui souvent fait des miracles quand il s’agit d’intervenir auprès d’enfants dits difficiles, ne seraient pas des compétences ? La conscience souvent clairement exprimée de ne pas agir dans la durée crée une compétence, parce qu’elle crée une capacité à être plus disponible, plus engagé, plus libre. Alors, oui… la compétence de cet animateur volontaire ne s’est pas formée en huit jours. Elle inclue des compétences antérieures. Et elle inclue que ces compétences antérieures soient prises en compte, extraites, dynamisées, valorisées. La compétence de l’animateur est constamment en devenir. Elle doit être traitée ainsi. Si on attend DES compétences DES animateurs, on risque d’être très malheureux, aigri comme l’on risque de se forger une opinion très tranchée et fort erronée.

Mais peut-être que ce qui va définir la compétence de l’animateur volontaire, temporaire, c’est justement ce qu’il amène avec lui, « son savoir-être », qui doit être travaillé, canalisé. Ce qui fait la compétence de cet animateur, c’est le respect qu’on a de son engagement. Si je devais personnaliser une définition de la compétence de l’animateur, je dirais que j’ai besoin, pour diriger un séjour d’enfants, de cette formidable et admirable incompétence consciente, de cet appétit de grandir, d’apprendre, de vouloir. Je dirai qu’il m’appartient en tant que directeur de canaliser, de former, d’informer, de donner le cadre qui transformera ce torrent en savoirs référencés. Est-ce à dire que l’animateur professionnel est celui qui se contente de compétences attestées, labellisées, standardisées ? Certes non. Peut-être qu’une de ses compétences pourrait être justement d’avoir pris conscience du moment où il a canalisé cette énergie initiale et de garder ce besoin constant de rester incompétent, donc en besoin constant de gagner sa propre compétence.

Pour finir, je ne veux pas laisser penser que je puisse être contre une notion de compétence, contre les référentiels – ce ne sont que des outils qui aident à tracer des itinéraires -, contre l’évaluation – ce n’est qu’un outil qui aide à vérifier l’itinéraire et l’arrivée au but. Loin de moi cette idée. Je tiens juste à resituer certains points dans un contexte plus souriant. Quand on demande, par enquête ce que le Bafa et l’encadrement de centres de vacances et de loisirs a apporté à d’anciens stagiaires, beaucoup répondent : à être devenu parent. Fichtre !

Au fait… le référentiel de compétences parent… je le trouve où ?

Alain Ghéno

image_pdfimage_print

Leave a Reply