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Des vacances pour se découvrir et apprendre

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Agir la laïcité

Si la laïcité était un dogme, elle serait à combattre ; si elle n’était qu’une image, elle deviendrait rapidement floue. La laïcité ne peut exister qu’en mouvement, en chaque lieu ou des hommes et des femmes, des enfants, des adolescents ont à vivre ensemble.

Être conscient des injustices sociales pour les combattre et pour faire advenir ce monde. Un projet non pas comme unité mystifiante qui serait donnée ou révélée et ouvrant des clivages réels entre les hommes mais comme idéal de référence, idéal humaniste et rationaliste, s’il en est, qui apparaît comme un point de repère régulateur dans notre conduite d’homme et de femme. Il convient pour ce faire de distinguer la sphère privée collective de la sphère privée individuelle. Est public ce qui est de tous les hommes ; est collectif ce qui est de certains hommes. La laïcité reposant sur la liberté de conscience la plus radicale est donc liée à l’éducation. Elle suppose de ne pas confondre ou de rapporter à ses croyances, ses savoirs. Elle suppose une distance à soi. Et nous, éducateurs, nous sommes là pour former l’esprit critique. « * Ce texte, extrait du projet associatif des Ceméa pour les années de 2002 à 2005, constitue le cadre dans lequel nous essayons d’inscrire notre action. Mouvement d’éducation globale, mouvement d’éducation nouvelle, l’idéal laïque est un des moteurs qui conduit notre volonté de transformer la société pour qu’elle soit plus juste, plus solidaire et au service de tous. La laïcité, pour nous, c’est toujours le combat au quotidien contre l’intégrisme, contre toutes les formes d’obscurantisme, c’est aussi le combat pour la liberté d’expression des convictions de chacun, tout en refusant toutes formes d’enfermement dans ses différences.  » Tout être humain, sans distinction de sexe, d’âge, d’origine, de convictions, de culture, de situation sociale a droit à notre respect et à nos égards.  » Ce principe, est une des certitudes qui guide notre action. Il y a toujours une difficulté pour donner une définition consensuelle à la laïcité. C’est un idéal, nous essayons d’en faire une utopie concrète. Notre conception de l’éducation nous pousse à en faire un chantier. Plus qu’une idéologie, elle est une dynamique qui questionne les valeurs et même les élabore, elle est ouverte sur le sens et génératrice de la pensée. En ne lui donnant pas une définition au préalable, nous la donnons à comprendre, nous en faisons une pratique d’éducation nouvelle. Cette conception dynamique de la laïcité, nous essayons de la mettre en pratique dans nos formations et en particulier dans nos formations à l’animation volontaire. Les sessions, organisées dans le cadre du Bafa ou du Bafd, sont l’occasion de vivre des situations de confrontation des différences, où ses capacités de respecter l’autre, ses limites de tolérance, ses certitudes, ses croyances, sont questionnées, voire mises à mal. Les formateurs, traversés par les mêmes phénomènes, mais soucieux de transformer le saisissement ou le rejet découlant de ces expériences, aident les participants, en même temps qu’ils le font pour eux-mêmes, à opérer la mise à distance qui va permettre à la pensée de s’exprimer, de s’élaborer au contact et à l’écoute de la différence, de se construire à la recherche de nouveaux repères qui se nourriront aussi bien des références puisées dans son histoire et sa culture, que dans celles de ses interlocuteurs. L’alimentation, les convictions religieuses, les habitudes culturelles, les rythmes de vie, les goûts musicaux, les modes vestimentaires, les formes de langages, les différences de sexe ou d’âge, sont des occasions de confrontations, de peurs, de rejets, de replis, de regroupements par clans autour d’une caractéristique identitaire.

Créer du sens La tentation serait grande, pour les formateurs, au nom d’un principe laïque dogmatique, d’énoncer des principes du vivre ensemble et de stigmatiser tel ou tel comportement en le classant d’asocial ou sectaire, en oubliant, que ces principes sont souvent dictés par une idéologie dominante sur laquelle on n’a pas forcément prise. Plus exigeant, mais ô combien plus riche et sans doute producteur du plaisir de créer du sens et d’inventer de la connaissance, est de se mettre, et de permettre au groupe en crise de se mettre, dans une posture de construire ensemble autour du thème :  » Je ne te comprends pas, tu ne me comprends pas, ni toi, ni moi n’avons la solution à notre problème, mais ce que je sais, c’est qu’ensemble nous pouvons la trouver, si nous nous écoutons, si nous nous regardons et si nous avons chacun envie de faire un pas l’un vers l’autre.  » Petit à petit, les valeurs de laïcité feront sens dans cette dynamique, elles s’inventeront. Au-delà du mot, la laïcité prendra corps, se construira en continu, alimentée et enrichie par les différents acteurs du collectif en interaction. L’objectif est bien de permettre à ces femmes et à ces hommes, souvent jeunes, de se placer dans une posture d’ouverture, non pas pour se perdre dans l’autre, mais pour s’accueillir afin que chacun puisse faire un pas dans la connaissance de l’autre et de soi. Cette formation de la personne à cette dynamique de laïcité a pour vocation aussi de faire en sorte que le futur animateur ou le futur directeur de centre de vacances ou de loisirs permettent que l’enfant ou l’adolescent dont il aura la charge, puisse également vivre des expériences d’une réelle rencontre de l’autre différent et découvrir ce qui les unit. Les centres de vacances et de loisirs ont toujours été des lieux précurseurs de l’inter-culturalité. Les Ceméa ont toujours été les initiateurs quand il s’agissait d’oser des rencontres de la différence : mixité, laïcité…

Une laïcité active Aujourd’hui, les loisirs restent un lieu privilégié de rencontres inter-culturelles, d’apprentissage de la différence, de la complexité et de la complémentarité. Avec l’école, ils permettent à des enfants et des adolescents issus de cultures différentes, non seulement de se côtoyer, mais de vivre ensemble. Plus que l’école, les loisirs et les vacances permettent à ces jeunes de se confronter dans une dynamique d’apprentissage de l’autre autour d’un projet commun ou de la vie quotidienne. Un centre de vacances peut être un véritable bouleversement pour un enfant ou un jeune. Non seulement, il va rencontrer d’autres jeunes, de souche française ou issus de l’immigration, installés en France depuis plusieurs générations ou récemment arrivés, jeunes de milieux populaires ou de milieux plus favorisés, mais il va découvrir aussi un espace différent de son lieu de résidence, en France (milieu rural, montagnard ou maritime) ou à l’étranger. Les conditions d’une laïcité active sont en place, encore faut-il savoir la mettre en jeu. Si l’adulte aura eu lui-même cette expérience de l’autre dans l’expression d’une laïcité qui s’agit, et aura trouvé d’autres adultes pour l’accompagner dans sa construction du vivre ensemble, il pourra à son tour créer les conditions pour que ce dépaysement géographique et humain devienne richesse et que le jeune s’en sorte grandi et heureux, ayant construit une nouvelle facette de sa personnalité qui lui permettra de cheminer d’une façon plus confortable dans sa conquête du monde et de l’autre. Il deviendra un acteur de laïcité qui continuera à se construire, et permettra à d’autres de se construire, dans les rencontres qu’il fera.

Marc Keim

Note * Extrait du Projet Associatif 2002 – 2005 des Ceméa.

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