Quelques accrocs

Le paysage des centres de vacances et de loisirs a changé. Après les centres aérés et les centres de loisirs, les colonies de vacances et les centres de vacances, voici venir les accueils collectifs de mineurs. Sans aucun doute, la nouvelle réforme des accueils n’est pas qu’une modernisation des noms. Une nouvelle vision de l’enfance et de la jeunesse semble en être à l’origine, de même qu’une évolution de la réglementation.

Les services extérieurs du ministère de la Santé et de la Jeunesse et des Sports, ainsi que les services du ministère ont engagé un travail d’évaluation des nouveaux dispositifs. Certains aspects de ces dispositifs sont aujourd’hui questionnés, les incidences créées sur le terrain également, et de possibles évolutions sont à l’étude. Mais il reste intéressant d’écouter comment elles sont reçues et vécues. Et de noter qu’il sera nécessaire, pour longtemps encore, nous l’espérons, de lutter collectivement pour que les réglementations concernant les mineurs, leurs loisirs, leurs vacances, en bref leur éducation, soient des réglementations qui permettent plutôt que des réglementations qui interdisent. Former de futurs citoyens responsables et autonomes est à ce prix.

Les Types d’accueil et de public oubliés
Tout accueil d’enfants et de jeunes est désormais régi par la réglementation du ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative et doit être déclaré auprès de la DDJS dès lors qu’il accueille plus de sept enfants pendant quatorze jours sur l’année… Cette évolution part certainement de bonnes intentions, à commencer par celle d’y voir plus clair dans le panel des offres socio-éducatives et de pouvoir assurer un contrôle nécessaire. Le souci est qu’elle ne prend plus en compte les spécificités de certains types d’accueils et de publics. Tout d’abord, on peut s’interroger sur l’âge minimum, les accueils pouvant être ouverts aux enfants de 2 ans. Certaines écoles acceptent les enfants à partir de cet âge, souvent pour ne pas fermer de classe, et la question que se posent les structures périscolaires sur le fait de les accepter ou non posait de nombreuses questions… Mais on peut encore toujours s’interroger sur le bien-fondé de cet accueil pour le bien-être des enfants.

La question reste ouverte
La notion d’animation de rue est également absente. Ce type d’animation est soumis à la même réglementation que n’importe quel accueil dans une structure « en dur » et ne prend pas en compte l’impossibilité de faire des inscriptions préalables, de prévoir finement le nombre de participants à l’avance… Que dire aussi de la nécessité de définir à l’avance l’âge et le nombre de participants à telle ou telle date et à tel endroit ? Du coup, on a le choix entre bloquer le nombre d’enfants ou de jeunes qui participent aux activités hors les murs en fonction du nombre d’animateurs en présence ou de se mettre hors la loi en ne respectant plus le taux d’encadrement… Autre problème posé : celui de l’animation-jeunes… Avant, le choix était laissé de se déclarer ou non. Bien souvent les locaux-jeunes ne l’étaient pas car lors de ces temps d’accueil informel le public peut varier fortement en nombre, un peu comme dans l‘animation de rue.

Plus ou moins ? il faut choisir
Désormais, nous sommes tenus de nous déclarer et de gérer les entrées et sorties des jeunes en fonction du nombre d’entre eux déjà présents dans les locaux : l’animateur se transforme en compteur – puis en videur ? Plus question non plus qu’un animateur travaille sur un projet avec vingt jeunes… Il faut soit diminuer leur nombre, soit augmenter le nombre d’animateurs pour être en règle. « C’est simple alors, il suffit d’augmenter le nombre d’animateurs ! » Nous ne demanderions pas mieux si on nous en donnait les moyens. La question est qui ?!? Le ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative ne subventionne plus le fonctionnement – parfois encore quelques projets,– la Caisse d’allocations familiales se recentre sur le public enfants en essayant au mieux de maintenir les financements actuels ; donc sans augmentations… Il ne reste plus qu’à faire payer nos « usagers » : les jeunes, les enfants fréquentant les animations de rue et leurs parents ! Une belle façon de renforcer la fracture sociale quand on connaît les difficultés de ces publics, non ?

Une spécificité « accueil de jeunes »
L’idée est louable et on se dit : « Chouette, enfin de la prise en compte du public. » Là encore, ce n’est que déception pour deux raisons. D’une part, on apprend que le cadre renvoie la responsabilité à chaque direction départementale de la Jeunesse et des Sports laquelle pourra mettre en place avec l’organisateur « une convention fixant les conditions d’encadrement selon les situations ». Cela pose des questions de cohérence puisqu’il s’agit d’une négociation entre chaque organisateur et la direction départementale de la Jeunesse et des Sports, ce qui départementalise de fait l’activité…. Ensuite, le jeune est défini comme une personne entre 14 et 17 ans. Donc avant, on est un enfant et on dépend de la réglementation commune sur les accueils de mineurs. Mais alors quel casse-tête quand dans le même local sont accueillis des mineurs de 11 à 17 ans. Cela en est-il fini du montage de projets communs ?

Autre cas particulier : les miniséjours
D’une durée obligatoirement inférieure à quatre nuits, les miniséjours sont désormais des « séjours accessoires », eux aussi soumis à déclaration… Ce qui signifie de les prévoir avant l’ouverture du centre et de renoncer à la mise en place de camping à la demande, imaginé et préparé avec les enfants ou les jeunes. Cette nouvelle réglementation de « Protections des mineurs accueillis hors du domicile parental à l’occasion des vacances scolaires, des congés professionnels et des loisirs » semble presque oublier le public pour lequel elle est faite. Les spécificités en termes d’âges, de lieu de vie, d’aspirations, de niveau socioculturel, de possibilité de fréquenter des structures locales d’animation ne sont nullement prises en compte. Sont-ce vraiment les mineurs que l’on souhaite protéger ou souhaite-t-on se protéger des risques qu’ils pourraient causer, directement ou indirectement ? Et si la meilleure façon de protéger les enfants et les jeunes était de donner plus de liberté aux animateurs et aux éducateurs ? De leur permettre de créer du lien au lieu de compartimenter… De leur donner les moyens humains et donc financiers de mettre en place des actions qui correspondent à la réalité de leur territoire, aux besoins et aux aspirations de leur public…

Stéphane Esquirol

Article extrait de CA n°61 – S’autoriser l’autorité