Vous avez dit petit et gentil !

Tu dis : “ Ils sont petits, ils ont besoin de moi ”, mais en es-tu si sûr ? Tu dis aussi : “ Ils me font craquer, ils sont nature, j’ai toujours aimé les petits mômes. ” Tu dis encore : “ On en fait ce qu’on en veut, ils veulent bien tout, c’est plus facile ! ” Vraiment, en es-tu si sûr ? Toi qui as choisi de leur faire passer de bonnes vacances, comment vas-tu accepter que celui-ci s’oppose ? (“ Non, il ne veut pas aller aux toilettes maintenant et surtout pas avec les autres ! ”) Que celui-la trépigne ? (“ Non, il ne donnera pas la main à son voisin pour faire la ronde ! ” ) Que celui-là encore refuse d’ôter son anorak ! ou que celui-là crache sur l’autre animatrice qui lui propose un goûter ! Et que parfois, entre eux, ils ont de biens vilains gestes… Les accuseras-tu de caprices et de comédie ? Évoqueras-tu leur mauvaise éducation et les désordres familiaux ? Cela, tu en conviens, ne résout rien. Devant la salle d’eau inondée, la chambre sans dessus dessous, leurs conflits, leurs bagarres, leurs chahuts, tu te demandes tout à coup si tu as appris quelque chose au stage “ Approfondissement : Jeunes enfants ”. “ Ils n’agissent ensemble, ajoutes-tu, que dans mon dos et pour faire des bêtises ! ” Tu les croyais confiants et coopérants parce qu’ils étaient petits, tu les découvres volontaires et entreprenants ! Il te reste donc à te repositionner : observe ce qui se passe… Ils bougent, ils se déplacent, ils jouent seul ou à plusieurs, ils touchent à tout, ils viennent vers toi… Alors, sois attentif, disponible à leurs initiatives, à leurs itinéraires, à leurs jeux ! “ Ils sont si turbulents ”, dis-tu. À mon avis, ils sont seulement très actifs. Encourage-les dans leurs entreprises, autorise-les à bouleverser ce qui a été mis en place : ils expérimentent ! Aide-les à tâtonner, à recommencer s’ils se trompent et s’ils le souhaitent ! Soutiens leur désir ! Communique avec eux ! Agis avec eux mais pas à leur place !

Vois ce qu’ils font mais pas ce qu’ils produisent ! Et, là, sous tes yeux, là, au comptant, tu peux mesurer les résultats de ton travail d’animateur de jeunes enfants :

  • ils rincent les pinceaux avec sérieux ;
  • ils apportent le plat sur la table ;
  • ils s’inquiètent des activités du lendemain auprès de toi ;
  • ils vont seuls aux toilettes sans ouvrir tous les robinets, leurs rires éclaboussent notre fin d’après-midi.

Accompagne-les, discret et émerveillé de leurs découvertes, de leurs joies, de leurs vacances. Réjouis-toi de les voir grandir par eux-mêmes, pour eux-mêmes, libres de leurs mouvements et de leur formidable soif de vivre ensemble tout ce qui s’offre à eux. Prends ton temps pour que le leur leur appartienne. Il y a, vois-tu, égale dignité à encadrer des jeunes enfants ou des plus grands, égales responsabilités et difficultés aussi. Le tout petit enfant est une personne et il sait bien nous rappeler quels sont ses droits. À nous de nous en souvenir pour que tout se passe au mieux.

Nine Tapin

Article extrait de Les Cahiers de l’Animation n°29