La logique de l’absurde

Situations de découverte d’un environnement inconnu, vie collective, activités nouvelles mais aussi balades, jeux tranquilles, coins lecture, discussions paisibles entre copains et copines à l’ombre, baignade et autres randonnées ont constitué le menu de ces moments éducatifs que sont les accueils collectifs de mineurs. Malheureusement, nous ne pouvons occulter les rares, très rares, accidents qui ont endeuillé ce secteur des « colos ».Nous avons été sensibles aux réactions posées et pertinentes des représentants de l’Etat, ne cédant pas à une pression médiatique trop souvent avide de sensationnel dramatique. Il nous faut maintenant, avec toute la prudence et la dignité que cela impose, tenter de contribuer à un travail d’analyse afin de ne pas laisser la tendance du tout sécuritaire chercher des solutions tendant au risque zéro. Existe-t-il ? On sait bien que non. La question de la qualification, de la surqualification des encadrants doublée d’une réglementation étouffante ne règlent rien et ne régleront rien. Les plus hautes qualifications professionnelles ne garantiront jamais le risque zéro. Disons-le tout net, il ne faudrait pas que de nouveaux accidents, aussi dramatiques soient-ils, servent de support à une nouvelle volonté de diminution de l’espace d’action éducative des CVL en renforçant une réglementation déjà existante. La situation appelle d’autres analyses plus complexes, certes, mais qui touchent au sens même des accueils collectifs de mineurs. Plusieurs points à livrer en débat sont le consumérisme et la logique de prestation.

La logique consumériste, de plus en plus présente dans les contenus des séjours, doit retenir l’attention des penseurs du futur cadre des CVL. Elle conduit à une pratique intensive, à un activisme qui n’a pas sa place en séjour de vacances ou en accueil de loisirs. Elle n’a pas sa place parce qu’elle ne permet pas à l’enfant, au jeune, de se construire une expérience suffisante pour pouvoir accéder à un degré d’autonomie minimum. La seule logique est donc la consommation, plus ou moins passive, source de plaisir, dans l’instant, mais sans aucun sens éducatif. La prestation de service, les prestataires, comme on les qualifie souvent dans notre milieu, pour citer aussi bien l’association qui organise le séjour pour un CE ou une collectivité locale que pour nommer les structures et les professionnels qui vendent une activité, le plus souvent dans le domaine des activités à risques, réglementation oblige. Cette logique de prestation est une machine à détruire le sens éducatif des CVL pour peu que la priorité soit donnée au paraître, à la mode, au détriment de la spécificité de l’activité. Elle est aussi un cadre de travail qui peut mettre une pression terrible sur ces acteurs professionnels, chargés de mettre en œuvre un contrat, avec des prestations programmées et vendues… On sait bien qu’il peut être difficile de résister à la pression d’un contrat, comme à celle d’un groupe qui piaffe d’impatience de sortir en activité après une période de mauvais temps alors que la fin du séjour approche… On est loin des projets d’activités, des situations où les enfants peuvent s’initier, se confronter à des matériaux, à un milieu, à une pratique dans lesquels ils prennent du plaisir et accèdent à l’autonomie dans le cadre du séjour… Certes, il est des situations dans lesquelles les prestataires sont associés à la conduite d’un projet pédagogique respectant les besoin et envies des enfants et des jeunes, mais cela reste pour le moins marginal. Et si toutes les activités n’avaient pas leur place en séjours de vacances collectives comme en accueil de loisirs, non pas par interdit réglementaire, mais simplement parce qu’elles n’ont pas de sens ici ! Chercher à coller à tout prix la réalité commerciale, sportive, médiatique de l’activité continue de mettre à distance les enfants et les jeunes de cette même activité. La meilleure des structures de vacances est très certainement celle qui offre des vacances ! Une lapalissade ? A réfléchir !

Vincent Chavaroche

Article extrait de CA n°60 – Je, jeux, enjeux