Bientraitance ordinaire

Il serait plus simple d’ouvrir un texte sur la maltraitance. Plus usuel, peut-être, mais moins explicite. La maltraitance a un cadre juridique. Elle a un environnement réglementaire, un arsenal répressif, des accompagnements psychologiques, des pathologies, des soins. Chaque temps de vie de l’enfant doit être réfléchi. Mais de chaque enfant, parce que c’est un individu unique qui peut être touché, dans son présent et dans son devenir potentiel, par telle ou telle proposition, par tel ou tel rapport à l’autre, et parfois par l’organisation même. Il est banal de répéter que chaque enfant est unique, dans sa personne, son histoire, ses affects… Peut-être faut-il être attentif à la banalité…

La maltraitance est inacceptable. Qu’il s’agisse d’enfants, de jeunes ou d’adultes, l’âge ne fait rien à l’affaire, même si les séquelles ne sont pas les mêmes. Elle est inacceptable dans ce qu’elle porte d’atteinte aux personnes, à leur dignité, parfois à leur existence. À leur devenir, quand il s’agira des plus jeunes. Elle est dénoncée, médiatisée, étudiée, quand il s’agit de maltraitance lourde, référencée à des textes de lois. Elle est à juste titre rangée au rayon des violences. Il n’y a pas de violence ordinaire, encore que, mais il y a une maltraitance ordinaire. Une maltraitance insidieuse, ouatée, parfois étayée par les « bons » sentiments. Il pourrait, y compris, y avoir une maltraitance tolérée, sinon justifiée par quelque « projet » éducatif. Des pratiques éducatives habituelles d’hier seraient considérées comme maltraitances aujourd’hui. Cela n’excuse rien, mais permet de dire, que dans ce domaine en tous cas, on va vers le mieux. Dans les institutions éducatives, quelles qu’elles soient, une attention toute particulière est portée sur la maltraitance lourde. Dans les accueils collectifs de mineurs, cette attention est permanente. Il en est question dans les formations, chaque directeur y est attentif, et a, pour le moins, prodigué les conseils adéquats à chaque membre de son équipe. Il ne saurait être question de remettre en cause quoi que ce soit de ces procédures et de l’attention portée au problème. Si ce n’est, par précaution, de rappeler que si formations, informations et prudence sont à mettre en oeuvre, il ne faut pas que les équipes soient obnubilées par cette question, au risque de la pervertir.

LES FRONTIÈRES DE LA MALTRAITANCE INSIDIEUSE

Penchons-nous sur des aspects plus « quotidiens », plus « habituels », sur ce qu’il conviendrait parfois de traiter de « maltraitance ordinaire ». La question se pose dans des détails a priori anodins : le choix d’une activité, les goûts et dégoûts des aliments, le rapport à son propre corps, sa place dans un groupe, plus ou moins confortable, et tant d’autres choses qui constituent la quotidienneté des ACM. Il sera évidemment difficile de définir, dans ce cadre-ci, ce qui tient de la maltraitance et ce qui n’en serait pas !
Amener un enfant à faire une activité qu’il ne souhaite pas faire peut être assimilé à une maltraitance. Amener un enfant à goûter à un aliment dont il dit qu’il le dégoûte ou que tout simplement il ne l’aime pas peut être assimilé à une maltraitance. Noyer un individu dans un groupe inadapté à ses capacités en est une. Instaurer un rapport à l’autorité qui ne se satisfait que d’obéissance également. Tout autant que, même par inadvertance, réduire l’activité de l’enfant aux incompétences des encadrants ! Comment ne pas mentionner, et continuer à dénoncer, tous les jeux de brimades, jusqu’aux plus traditionnels et apparemment anodins d’entre eux comme la pièce à aller chercher avec les dents au fond d’une bassine de farine, au hasard de stands de « kermesse » qui non seulement maltraitent profondément ceux qui les subissent, mais avilissent en même temps ceux qui les organisent. La liste pourrait être longue ! Mais le but de cet « appel à bienveillance » n’est pas d’angoisser les animateurs présents et futurs. Il est simplement de rappeler que l’on peut, comme pour une porte a demi-ouverte (et donc à demifermée) faire un choix. Nous proposons de faire le choix de la bientraitance comme principe de base. C’est un choix qui, de fait, place l’enfant, le jeune, mais aussi toute personne dont un espace d’accueil collectif aurait la responsabilité, dans un cadre qui sera bientraitant. Cet angle devrait permettre non pas de vérifier que telle ou telle organisation, ou activité, ou posture, ou règle même n’est pas maltraitante, ce qui est une approche par négation, mais qu’elle est bientraitante, ce qui ouvre d’autres horizons. Nous proposons également que cette bientraitance se banalise ! Qu’elle devienne quotidienne. Pire, ordinaire !

Alain Gheno

Les Cahiers de l’Animation n°73




Il a traité ma mère

Dans les centres de vacances, il arrive que les enfants se bagarrent et se chamaillent. Ceci n’a rien de très original ou de sensationnel. Il arrive aussi que des enfants entrent dans de violentes colères, violence qui s’accompagne d’un mal-être ou qui se réitère de façon inquiétante, sans que l’enfant réussisse à trouver une alternative, malgré le cadre proposé. Cette violence là est parfois la restitution de violences vécues ou dont ils ont pu être spectateurs. Ce que les enfants ont à nous en dire peut parfois nous mener à un signalement. Mais, de façon plus générale, quel rôle l’équipe d’adulte peut-elle avoir à jouer dans l’apprentissage du vivre ensemble des enfants et des jeunes ?

Vingt six jeunes âgés de 10 à 15 ans sont accueillis dans un chalet montagnard pendant vingt jours. Ils vont devoir, avec notre aide, apprendre à vivre ensemble, à se côtoyer, à communiquer, à négocier – la répartition des tâches ménagères, par exemple… Pas si simple. Certains d’entre eux n’ont pas encore eu d’expérience de vie en collectivité en internat. Cette proximité de l’autre provoque chez eux une certaine forme d’excitation, d’exaltation, mais aussi de peur parfois : « Est-ce qu’on va me voler mes affaires ? » ; « Et pourquoi les chambres elles ferment pas à clé ? » ; « Et si quelqu’un regarde par le trou de la serrure pendant que je suis sous ma douche ! » ; « Untel m’a traité ! » ; « Machin a traité ma mère ! »… La majorité des enfants accueillis vivent durant l’année dans des quartiers défavorisés, où la violence existe. Mais pas question de généraliser ou d’en venir à des clichés : dans ces quartiers, il n’y a pas que de la violence. Chez les enfants, la violence est présente dans les discours surtout, et quelquefois dans les actes : « J’vais t’éclater », menaces et autres insultes jalonnent notre quotidien. Quelques débuts de bagarres aussi, quelques coups, plus semblables à des coups de théâtre qu’à de réelles agressions physiques. Au début du séjour, les enfants ne font jamais appel aux adultes pour les aider à régler leurs différends. Nous assistons donc à des règlements de comptes qui prennent une ampleur parfois disproportionnée compte tenu du conflit de départ. Au bout d’une semaine environ, le groupe commence à se restructurer : certains demandent à changer de chambre pour être avec leurs nouveaux copains, les sous-groupes évoluent et des rivalités se développent. Les petits groupes se provoquent, se narguent, s’insultent aussi parfois. Pour avoir de la valeur aux yeux du groupe, il semble nécessaire de donner à voir une certaine agressivité. Celui qui se met dans une colère noire, les poings en avant, provoque des exclamations d’admiration chez les autres. À ce point du séjour, la violence physique est mimée, latente, plutôt que réelle. Un genre de « jeu d’imitation » en somme ? Lors d’une réunion d’adultes en soirée, le sujet est abordé. Nous souhaitons réagir par rapport à ce que nous observons depuis deux ou trois jours. Nous sentons que si nous laissons le groupe s’installer dans ce fonctionnement, la violence deviendra, peut-être, effective. Nous souhaitons réfléchir avec les enfants à la violence en elle-même, ce qu’elle permet, ce qu’elle ne permet pas, ce qui l’explique… Nous souhaitons créer un cadre qui permette aux enfants de vivre une vie collective de qualité, ou chacun puisse avoir sa place sans en passer par des actes agressifs. Nous ne condamnons ni ne jugeons ceux qui ont eu ce type de comportements : les premiers pas de la socialisation ne passent-ils pas par une « prise de contact » parfois maladroite ? Les petits enfants en crèche commencent parfois (souvent) par mordre leurs petits camarades afin d’entrer en communication avec eux. Chez des enfants plus grands, pour certains adolescents, cette agressivité ne révèle-t-elle pas une difficulté à communiquer, à entrer en relation ? Nous décidons alors, en équipe, d’accompagner les enfants vers une transformation de cette agressivité en relation positive : négocier, discuter, prendre des décisions ensemble, dans un cadre institutionnel. Le lendemain, une réunion avec les enfants est organisée en deux temps : un temps très formel durant lequel tous les adultes et tous les enfants sont présents autour des tables disposées en carré. Durant un temps relativement court (quinze minutes environ), les adultes expliquent qu’ils n’acceptent pas les comportements de violence au sein de la colo. Une alternative est proposée aux enfants : poser les problèmes en réunion d’enfant (qui a lieu tous les deux jours). Dans un deuxième temps, les enfants se retrouvent en demi groupe avec deux animateurs et un membre de la direction. Débat du jour : « La violence ». Le débat est abordé différemment par chaque groupe. Dans le premier groupe, les enfants ont discuté et réfléchi à la différence entre un simple gros mot et une menace ou une insulte. Nous avons parlé de la Loi, qui interdit et sanctionne la violence, y compris pour les adultes. Dans le deuxième groupe, ont été abordés des sujets comme la guerre ou encore la violence dans les quartiers. Les enfants ont distingué ce qu’ils ont nommé « La petite violence » et qui regroupe selon eux les bagarres ; les insultes ; les chamailleries, provoquée par un événement ou un conflit. « Les grandes violences »quant à elles concernent la violence gratuite, les guerres, les génocides, les meurtres… Les enfants en sont arrivés à la conclusion que « la petite violence » pouvait être aussi grave que la « grande violence », et avoir des conséquences lourdes : accident, blessures, décès… Certains enfants ont posé des questions, d’autres ont fait part de leur réflexion, de leur avis, d’autres ont simplement écouté. Globalement, tous étaient d’accord pour dire que la violence était souvent une preuve d’impuissance, un moyen de dominer l’autre, et que la violence engendrait la violence. Pour certains, une prise de conscience s’est opérée : « Les violences que l’on vit ou auxquelles on assiste chez nous, à l’école, dans le quartier… ce n’est pas normal, ce n’est pas acceptable. »

Dans la suite du séjour, le comportement des enfants au sein des petits groupes d’affinité et entre les groupes a évolué. La violence n’a plus été l’objet d’une acceptation tacite. Bien au contraire, celle-ci était perçue comme anormale, comme révélatrice d’un problème à régler. Les adultes ont parfois été sollicités pour intervenir en cas de conflit, lorsque les enfants ne trouvaient pas de solutions eux-mêmes. Nous avons pu, collectivement, identifier la violence au sein de la collectivité, l’expliquer, l’analyser, et proposer des alternatives. Cette démarche collective, impulsée par l’équipe d’adultes et relayée par les jeunes a permis à chacun de se sentir en sécurité physique et affective, et reconnu dans son intégrité d’individu méritant le respect. La mise en place d’un cadre sécurisant (et non sécuritaire), l’établissement d’un climat de dialogue et de confiance, la mise en place d’un fonctionnement basé sur la bientraitance, autrement dit le respect de l’autre, l’absence de punitions (ce qui ne veut pas dire absence de sanctions…), la valorisation de l’enfant, le respect de l’intimité de chacun, le respect des besoins individuels… sont les fondements d’un fonctionnement non-violent.

Mélanie Le Fèvre

Article extrait de Les Cahiers de l’Animation n°44



Des acteurs responsables

La réaffirmation en terme de loi de leur dimension éducative constitue pour les CVL l’événement principal des année 2000. Que dire alors de la question des violences en cvl ? Il n’y a pas là matière à mobiliser l’opinion, à inquiéter les parents. De tels traitements événementiels ne peuvent que décourager et démobiliser les équipes éducatives.

Les Ceméa ne partagent pas la pression actuelle qui monte en épingle, qui médiatise et traite comme un fait marquant des années 2000 ces questions de violences dans les centres de vacances et de loisirs. Pour autant, parce qu’ils sont issus du terrain, parce que des militants agissent au quotidien, dans les équipes d’encadrement des cvl, dans l’accompagnement des organisateurs, les Ceméa repèrent bien l’existence de ce problème. Il ne s’agit pas de nier cette réalité mais d’en resituer les faits à leur place et dans leur contexte. Beaucoup d’observateurs et d’acteurs éducatifs, des représentants du ministère construisent aujourd’hui leur analyse de ces situations de violences, de ces jeunes « dits » difficiles au seul regard de leur vécu, de l’actualité telle qu’elle est traitée par les médias pour le grand public. Est-ce un hasard de voir le « dossier » de la violence dans la société, et de ses traductions jusque dans les cvl, ré-apparaître en ces périodes pré-électorales ? Le mouvement d’éducation des Ceméa, comme d’autres sans doute, n’est pas dupe face à cette médiatisation, et face au discours sécuritaire, qui veut être aujourd’hui rassurant pour les familles et leur laisser croire qu’il apporte des solutions à long terme. Faut-il que des organisateurs de vacances et de loisirs collectifs d’enfants et de jeunes, engagés sur ce champ éducatif depuis l’après-guerre donnent de la voix pour rappeler que tout cela n’est pas nouveau, que les réalités citées ici et là existent depuis bien longtemps, sans se développer comme on pourrait le croire… Rappelons-nous ces camps d’adolescents d’il y a vingt ans et plus, ces colonies de vacances aux effectifs surdimensionnés qui transportaient des enfants issus de quartiers populaires dans des contrées touristiques jugées paisibles, demandant aux équipes d’alors une attention toute particulière… Disons le clairement, les phénomènes de violences, les situations difficiles, pour les équipes d’animation comme pour les enfants existent depuis bien longtemps. Et depuis le début des cvl, les différents acteurs de ce champ éducatif travaillent sur ces questions, produisent des analyses, théorisent leur pratique et mettent en place des démarches pédagogiques, adaptables aux public accueillis. Il ne s’agit pas de sous-estimer ni de nier la souffrance de telle ou telle équipe d’animateurs en difficulté avec des enfants parfois agressifs et violents, plus dans la parole que dans les actes d’ailleurs. Il ne s’agit pas non plus de fermer les yeux sur des actes de dégradation, d’agressions verbales pour la plupart, de troubles de la tranquillité des campeurs comme c’est parfois le cas dans quelques séjours d’adolescents. Mais, contrairement à des analyses trop rapides et simplistes, il ne s’agit pas de stigmatiser les publics, de dénoncer l’irresponsabilité des parents, voire des encadrants ni de pointer la démission des organisateurs. Trop facile et trop simpliste ! Le seul traitement événementiel de cette question empêche toute prise de recul, toute compréhension des facteurs complexes et multiples qui interviennent dans l’émergence ou dans la prévention des situations de violences. Lesquelles situations ne sont pas en ce qui concerne le champ des cvl, comptabilisées et traitées en terme de statistiques, contrairement au milieu scolaire.

Le refus d’activités Une récente recherche effectuée par Philippe Lebailly, militant des Ceméa, dans le cadre d’un travail universitaire, dont la revue reparlera prochainement, montre que les cvl ne sont pas confrontés à une montée des violences dites délinquantes. Il s’agit plus de violences d’attitudes, comme des insultes, de l’impolitesse, des refus des règles de vie, des provocations. Parmi ces violences d’attitudes, il apparaît que les enfants et les jeunes en sont les premières victimes… Au moment ou l’on montre trop rapidement du doigt les publics, et en particulier les enfants et les jeunes issus des milieux défavorisés et habitant dans les quartiers difficiles, quelques éléments de cette enquête apportent un autre éclairage qu’il convient de prendre en compte, tant au niveau des organisateurs que des équipes éducatives :

  • 74% des violences ont pour cause le refus d’activités.
  • 59% sont liées au détournement d’activités. Il apparaît également que l’information des familles, des enfants et des jeunes est trop souvent insuffisante quand elle n’est pas tout simplement absente. Les relations entre les organisateurs, entre ceux qui organisent les séjours et ceux qui reçoivent les inscriptions ne permettent pas une transmission satisfaisante des informations sur les participants, leurs milieux de vie, leurs envies et leurs attentes. La manière dont les effectifs sont constitués a trop souvent des effets sur l’aggravation des phénomènes de ghettoïsation plutôt que sur la mise en acte de brassage social, de rencontre et de découverte de l’autre. Ces mêmes effectifs restent par ailleurs souvent beaucoup trop élevés, notamment pour les séjours de vacances d’adolescents. Les équipes, parfois peu préparées, mais est-ce anormal quand des jeunes s’engagent dans l’animation volontaire, ne sont pas toujours informées en amont sur la composition des groupes d’enfants ni accompagnées sur le terrain par les équipes de direction. Les dispositifs d’accueil, les premiers contacts entre les enfants et les équipes font-ils l’objet d’un travail particulier ? Les refus d’activités, représentant un pourcentage important des causes des situations de violences doivent nous interroger quand on pense que les participants, enfants et jeunes doivent au minimum être informés, et normalement associés aux choix voire à la mise en œuvre des activités… Nous pourrions être tentés ici de reparler de la légitime violence des participants qui ont le sentiment de ne pas être pris en compte, d’être des pions dans un échiquier élaboré par d’autres, entre adultes…

Une réelle politique des vacances et loisirs collectifs La première question pour tenter d’avancer dans la résolution de ce problème n’est-elle pas celle du sens de l’action, de l’existence ou de l’absence d’une réelle politique en faveurs des vacances et des loisirs collectifs, de la réaffirmation des raisons et des valeurs éducatives qui conduisent à organiser ou encadrer des séjours de vacances et des centres de loisirs ? Sans occulter le contexte social souvent difficile pour beaucoup trop d’enfants, ni les inégalités face au droit aux loisirs et aux vacances, ne s’agit-il pas tout d’abord de ré-interroger les pratiques éducatives. L’enfant n’a-t-il pas été trop souvent instrumentalisé dans des dispositifs, des plannings, des programmes où il n’est pas reconnu, voire nié dans sa personne ? Le ministère de la Jeunesse et des Sports a produit des recommandations en direction des organisateurs pour avancer dans le traitement de cette question des violences. Un autre fait, de notre point de vue beaucoup plus marquant, est la réaffirmation en terme de loi de la dimension éducative des cvl. Cette loi renforce la responsabilité de chacun, organisateurs, directeurs dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs projets respectifs, le projet éducatif et le projet pédagogique. Souhaitons qu’ils constituent les réels outils d’un projet politique en faveur des vacances et des loisirs collectifs de mineurs.

Vincent Chavaroche

Article extrait de Les Cahiers de l’Animation n°38



Responsabilité éducative face aux violences

La violence entre enfants existe bien au-delà des jeux dits "brutaux". Elle est inacceptable. Toute violence est intolérable, réagissez.*

« Maltraiter un enfant, ce n’est pas forcément agir avec brutalité, donner des coups. C’est aussi le négliger, l’ignorer ou le singulariser parce qu’il est différent ; lui faire subir des humiliations, utiliser un vocabulaire visant à le dévaloriser ; lui imposer des rythmes inadaptés ; le forcer à faire des activités contre son gré ; prendre un enfant pour cible et le persécuter par des moqueries, des brimades ; créer une ambiance de peur voire de terreur ; exercer une autorité exagérée en criant ou en menaçant de punition ; instaurer un climat ambigu : tentes et douches mixtes, langage et comportement déplacés, attouchements d’ordre sexuel ou attentats à la pudeur. »

Malgré la proclamation de ses droits, l’enfant est trop souvent victime de violences et de négligences de la part des adultes. L’actualité de ces derniers mois a fait resurgir ce phénomène qui, si il est gravissime, n’est peut-être pas plus important qu’auparavant. La médiatisation a eu un effet positif : celui de rompre le silence. Elle a eu aussi un effet négatif : celui de caricaturer, voire de faire des amalgames, entre les actes des personnes et leurs responsabilités professionnelles.

Des éducateurs responsables

Pour autant, les Ceméa ont toujours la même logique de conduite face à ces actes intolérables. Militants de l’enfance, ils dénoncent sans équivoque et avec la plus grande fermeté toutes les atteintes aux personnes dans leur intégrité morale, physique et identitaire. Les centres de vacances et les centres de loisirs sont des espaces d’éducation dans lesquels tous les intervenants adultes doivent être en capacité d’assumer leurs responsabilités d’éducateurs et de citoyens. C’est pourquoi les Ceméa informent les personnes accueillies en formation et leur rappellent le cadre de leur action dans les CVL.

Être attentif aux signes

Animateurs de centres de vacances, de centres de loisirs vous êtes des personnes « clés » du dispositif éducatif des CVL. Au contact permanent avec les enfants, vous êtes les mieux placés pour déceler, repérer et signaler un comportement inhabituel, un blocage, une souffrance. Pour cela, il faut être observateur, être à l’écoute des enfants. Cela suppose, comme les Ceméa le défendent, que les effectifs d’enfants dans les CVL soient de taille raisonnable, qu’ils permettent à chacun de trouver sa place et d’être reconnu. Il sera difficile, voire impossible de remplir ce rôle éducatif et d’accompagner les enfants dans leurs vacances s’ils ne sont que de simples numéros dans une foule anonyme.

L’équipe, un outil essentiel

Vous n’êtes pas seuls ; vous faites partie d’une équipe d’adultes, porteuse d’un projet pédagogique dans lequel l’enfant tient la place centrale. Cela vous offre des possibilités d’échanges et de discussion pour pouvoir partager, avec d’autres, vos questionnements à propos de signes de maltraitance, d’abus de toutes sortes dont les enfants que vous avez en séjour auraient été victimes.

Partager c’est commencer à agir

Au delà des autres animateurs avec lesquels il faut en parler, l’équipe de direction est là pour intervenir avec vous face à ces situations. Ne pas agir, c’est se rendre indirectement complice d’actes délictueux, cela relève de la « non assistance à personne en danger ». Il s’agit d’un devoir, de celui d’un animateur, acteur éducatif et social et non pas organisateur technique de séquences d’activités de loisirs. Il s’agit aussi d’un devoir de citoyen.

Vincent Chavaroche

* Extrait de la plaquette Que faire pour un enfant maltraité ? Prévenir, aider, accompagner destinée aux animateurs et aux responsables d’encadrement d’enfants et de jeunes et réalisé par les ministères des Affaires sociales et de la Jeunesse et des Sports

Article extrait de Les Cahiers de l’Animation n°19