Do you speak english ?

Cet été, j’étais animatrice sur un camp d’ados à dominante linguistique dans les pays anglo-saxons. L’organisateur avait fait le choix d’utiliser le support de la vie quotidienne, pour aborder la question de la langue autrement. Une animatrice “ressource” sur les questions linguistiques faisait partie de l’équipe d’animation pour faciliter et garantir le traitement de cet aspect du séjour.

Nous avions un peu la pression. Les jeunes de 13 à 15 ans étaient en vacances, certes, mais ils devaient aussi progresser en anglais ! L’équipe a toujours été vigilante à rendre les jeunes acteurs de leur rencontre avec le milieu où ils se trouvaient : renseignements sur les horaires de train, sur le chemin à prendre, courses alimentaires, moments en autonomie, ateliers d’accompagnement culturel à Brighton. Certains jeunes ont bien adhéré à cette démarche : les plus à l’aise, les plus spontanés, n’avaient aucunes difficultés à rentrer en communication, et s’impliquaient sans problème. La difficulté pour l’équipe résidait dans la volonté de faire participer ceux qui étaient moins à l’aise, peut-être au niveau de la langue, mais peut-être aussi parce qu’ils n’avaient pas envie d’entrer en communication de cette manière là ! Qu’allions nous dire aux parents s’ils nous posaient la question fatale de la pratique de l’anglais ? Étions-nous des mauvais animateurs si la réponse était négative, avions-nous une obligation de tous les faire parler anglais ? Cela nous a permis de nous creuser les méninges et de diversifier les formes possibles d’imprégnation linguistique : de l’intégration d’un ingrédient ou d’une recette anglaise, à des vidéos des Monthy Python, en passant par un travail sur un carnet de voyage et des repas en anglais en petit groupe. Nous avons également pris des jeunes en autostop et l’anglais est devenu un vecteur de communication avec des tchèques, des norvégiens…. Tout compte fait, chacun a été sollicité ou s’est impliqué. Un des jeunes peu motivé a priori a demandé avec délectation à des policiers venus nous rendre visite s’ils voulaient manger avec nous. D’autres ne se sont autorisés des échanges que lorsqu’ils étaient seuls, libérés du regard du groupe. Une jeune a ainsi parlé avec une dame d’une cinquantaine d’année pendant une demi-heure sur son travail, sa vie, en voulant savoir si elle avait rencontré les acteurs du film Harry Potter dont le train passait sur le viaduc avoisinant ! Tout cela n’aurait pas été possible si l’envie n’était pas née de la rencontre d’un ailleurs, d’un milieu différent ouvrant à la curiosité et à la découverte. La réalité interculturelle donnaient envie de rentrer en communication (est-ce vrai que vous ne mettez jamais de slip sous les tartans (kilts) ?). Tous les jeunes ont ainsi progressé, ils ont cherché à comprendre, à connaître, à partager. Il me semble que nous avons atteints nos objectifs. Il s’est agit d’un séjour linguistique, fondé sur la mise en relation avec le milieu et la vie quotidienne. Et pourtant nous n’étions pas sereins, car les parents, eux devaient avoir des attentes plus “académiques”. Si nous avions structurés des moments de “sensibilisation, pratique” de la langue nous aurions peut-être mieux rempli cette mission… De même, la personne ressource en langue était une animatrice à part entière, elle faisait partie de équipe, qui ne pouvait mener son projet à bien que si chacun de ses membres était porteur de ce projet et osait parler, quel que soit son niveau d’anglais. Il était dès lors difficile pour elle de pousser une logique spécifique dans une dynamique qui se voulait intégrée. Il s’agit d’un projet passionnant, intégrant la langue comme vecteur privilégié de la rencontre. Les partis-pris sont intéressants et je pense que nous avons été piégés par nos propres freins, notre propre représentation… Au retour, les parents étaient surtout contents de retrouver leurs enfants et de voir qu’ils avaient passé de bonnes vacances. Aucune question ne fut posée sur les « apprentissages ». La réussite a surtout résidé dans la mise en place d’une dynamique de curiosité et d’ouverture. Ce genre de séjour est intéressant car il oblige à réfléchir plus en profondeur la question de l’interculturel et de la langue. Cependant, si notre camp itinérant affichait sa dimension linguistique, qu’est-ce qui le différenciait d’autres séjours à l’étranger, soumis aux mêmes impératifs de vivre dans un environnement linguistique différent, donc avec les mêmes contraintes a priori ?

Myriam Frtitz-Legendre

Article extrait de CA n° 64 Partir en vacances, un droit !




Coopération internationale

International, universel, autant que vacances à l’étranger, exotisme ou autre mondialisation, sont des termes devenus usuels. L’étranger, dans le cadre des vacances pourrait être un produit à acheter, à consommer. Pourtant…

Aujourd’hui, de nombreux séjours de vacances collectives d’enfants et de jeunes se déroulent dans d’autres pays, avec de nouveaux partenaires. Mais pour nous, selon certains principes :

  • Lutter contre une approche consumériste du « voyage pour le voyage », permettre un départ, un accueil, une rencontre éducative, la prise de conscience d’un « ailleurs.
  • Lutter contre les cours (renforcement linguistique) et séjours linguistiques en développement, pour plutôt réfléchir aux enjeux politiques et aux pratiques sous-jacents à l’apprentissage de la langue.

Notre rapport au monde
Notre société est de plus en plus mondiale, tant dans les échanges économiques, que les déplacements de populations… Un des objectifs de l’Education Populaire est de comprendre le monde qui nous entoure pour pouvoir agir dessus. Nous militons pour une ouverture au monde, parce que partir ailleurs ce n’est pas seulement une découverte consumériste, exotique. C’est aussi prendre conscience qu’une interaction continuelle existe entre ce qui se passe dans un autre pays et notre quotidien. Créer cette interaction continuelle, en développant des projets stimulant les rencontres, entre l’ici et l’ailleurs, c’est donc contribuer à un autre rapport au monde ! Désormais les niveaux, du micro-local au global sont parfaitement interdépendants et indissociables. L’objectif à terme est de favoriser différentes formes de solidarités internationales et d’organiser une éducation au développement.

Les questions de l’immigration
La recrudescence du racisme et des peurs liées aux questions de l’immigration, des idées d’extrême droite liant les questions de l’immigration aux problèmes de chômage ou de sécurité, a renforcé une forme « d’ethnicisation » de l’immigration. Réaliser un séjour à l’étranger, se décentrer de sa propre situation peut être un outil, une occasion de mieux comprendre ce que l’on vit au local. Rencontrer l’autre pour mieux se rencontrer : cet effet miroir permet de re-visiter ses pratiques… Effectivement rencontrer l’autre c’est toujours aussi se rencontrer soi à travers l’autre comme miroir. Partir, vivre dans un autre pays d’europe ou du monde, être confronté à d’autres langues, d’autres repères quotidiens et fonctionnements sociaux (les transports, les magasins, les services publics, les rituels entre les personnes, le rapport au temps et à l’espace, etc.) peuvent contribuer à la transformation de sa propre personne.

Créer des réseaux à l’échelle européenne et internationale
Il est plus que jamais nécessaire de créer des partenariats pour fédérer des alternatives à une autre mondialisation et à une autre Europe. Nous sommes persuadés de l’importance de la réciprocité des relations, des apports croisés avec chaque partenaire, de l’innovation éducative partagée. Les objectifs à l’échelle européenne sont de plusieurs ordres :

  • Identifier les critères communs sur le sens de l’animation, de l’éducation non formelle.
  • Partager les éléments de nos réalités sur l’encadrement et sur la formation.
  • Mettre en place des échanges d’animateurs/trices et de formateurs/trices.
  • Faire une recherche sur les dispositifs existants sur l’éducation non formelle et sur la formation et faire émerger des consensus sur ce qui fait sens commun.

L’objectif à terme est de valoriser et faire reconnaître institutionnellement le sens et de rôle de l’éducation non formelle (animation) et de la formation qui en découle. C’est pour répondre à ces différents objectifs que nous nous inscrivons dans différentes actions et programmes à l’échelle européenne. Entre autre une action actuellement en cours autour d’un Programme Education et Formation Tout au Long de la Vie / GRUNDTVIG – Partenariats éducatifs avec différents partenaires : Cemea du Piémont, Institut National des Enfants et de la Jeunesse du Ministère de l’Education de la Jeunesse et des Sports de la République Tchèque, Escuela de Madrid.

Une éducation interculturelle
La question de l’interculturel pose dans un premier temps des questions sur notre rapport à l’autre. Ce rapport est complexe à mettre en oeuvre. Comment gérer le conflit accentué par les différences culturelles ? Comment accepter l’autre, vivre un rapport égalitaire malgré les différentes d’approches ? Ne pas questionner ce rapport, ces sentiments diffus et complexes c’est prendre le risque de tomber soi dans l’ethnocentrisme (peur de l’autre, refus de la différence avec une défense du moi et un repli sur soi…), soi l’exotisme (fascination sans distanciation de l’autre…). Cela nécessite de prendre conscience à la fois des enjeux de société et de la complexité de mettre en oeuvre cette éducation. Cette démarche éducative n’est en rien naturelle : elle se réfléchit et nécessite de construire des démarches particulières. « Pour arriver à créer une Europe interculturelle et une autre mondialisation, il est donc nécessaire aujourd’hui d’apprendre d’abord à connaître les autres et d’apprendre à se connaître soi-même, dans un rapport permanent à l’altérité. Il faut être conscient de sa propre culture, de ses références et entrer dans un dialogue réel avec les autres pour pouvoir ensuite construire des solutions ensemble. » (VEN n°521, Janvier 2006)

Régis Balry

Article extrait de CA n° 64 Partir en vacances, un droit !