L’éducation à l’environnement au quotidien

Les actions d’éducation à l’environnement menées en centre de vacances posent la question de les pérenniser au -delà, dans la vie de tous les jours. Durant le séjour, on peut mesurer un changement de comportement de l’enfant. Il est plus difficile d’évaluer à long terme si l’enfant a acquis de réelles attitudes qui le rendent plus responsable de ses actes.

Durant l’été 1996, j’ai travaillé en tant qu’adjointe de direction et responsable de l’alimentation dans un centre de vacances en milieu marin au Grau d’Agde dans l’Hérault. Il y a eu sur deux mois deux cent cinquante-sept enfants qui sont venus passer une partie de leurs vacances au Centre PEP Le Cosse. Ils venaient d’Alsace et du Sud-Est de la France. Pour certains d’entre eux, le centre de vacances fut plus qu’une rupture avec leur contexte familial et scolaire. Ce fut un changement radical dans les habitudes alimentaires, autant dans ce qu’il y avait dans l’assiette que dans la manière de partager un repas. Une des orientations pédagogiques de l’équipe de direction était de faire vivre aux enfants des activités de découverte du milieu marin et d’instaurer tout au long des trois séjours une éducation à l’environnement au quotidien. En ce qui concerne la vie quotidienne, nous avions mis l’accent sur la notion de consommation alimentaire qui devait limiter les gâchis et la production de déchets en fin de repas. Il s’agissait par exemple de pratiquer la technique “ Robin des Bois ” qui consiste à aller demander aux tables des “ riches ” (ceux qui n’avaient pas tout mangé) de bien vouloir donner aux tables des “ pauvres ” (ceux qui avaient encore faim ou à qui il manquait du pain). Les enfants arrivant au début de chaque séjour n’ayant pas du tout le réflexe de passer ainsi de table en table se dirigeaient soit vers la cuisine pour demander “ du rab ” ou soit allaient jeter systématiquement à la poubelle les restes des plats ou les morceaux de pain. Il y avait intérêt à ce que les animateurs et le personnel de service soient engagés dans cette action pour pouvoir faire les relais autour de chaque table des trois groupes de vie. J’ai pu remarquer au bout de 3 à 4 jours que les enfants avaient changé de comportement. Ils passaient de table en table, jetaient de moins en moins à la poubelle et conservaient les morceaux de pain destinés à nourrir les chevaux du centre. On pouvait donc se féliciter du résultat obtenu. Cependant, notre intention éducative ne voudrait pas s’arrêter qu’à l’observation d’enfants accomplissant “ La Bonne Action ”. L’Education à l’Environnement n’a de sens que si l’action s’accompagne d’une compréhension. C’est là que le travail de chaque éducateur du centre de vacances peut aller plus loin que d’induire un comportementalisme. Il s’agit d’ajouter au comportement une compréhension de l’acte, une vision plus large qui mène à la responsabilité de ce que l’on fait. C’est ce que j’appelle acquérir une attitude, c’est mettre du sens à son acte.

Pour des actions quotidiennes telles que celles vécues à table, on peut aider l’enfant à comprendre l’importance d’un choix dans ses actes. Il est certain que d’acquérir plus qu’un comportement nécessite du temps et l’enfant ne demeure que deux ou trois semaines en centre de vacances. Et après la colo, une fois rentré chez lui, que deviennent ses attitudes embryonnaires ? L’idéal serait de pouvoir mesurer l’impact de notre action sur un plus long terme auprès des 257 enfants accueillis. Cela sous-entend de perpétuer l’action dans le milieu familial et scolaire de l’enfant. C’est donc associer les parents à notre projet pédagogique. Les parents deviendraient les partenaires d’une éducation à l’environnement au quotidien. Notre action s’étendrait à sensibiliser les adultes parents…

Dans le contexte scolaire où une grande majorité d’enfants prennent leur déjeuner, la réglementation sanitaire en ce qui concerne les repas livrés en liaison chaude ou froide est très rigoureuse. Les enfants sont habitués à jeter le restant de leurs barquettes. La rapidité des repas ne permet pas souvent un travail sur la notion de partage. Il en résulte des effets tout à fait contraires à ce que nous tentons de réhabiliter ou d’impulser en centre de vacances. Il y aurait donc dans le milieu scolaire à entamer une démarche de sensibilisation auprès des animateurs et des responsables des collectivités.

Je pense qu’il s’agit d’un projet ambitieux qui demande à être réfléchi… mais pourquoi pas ? Que ce soit auprès des parents ou dans l’école, l’intention serait de les associer dans un projet pédagogique qui se prolongerait au-delà du centre de vacances. Il est vrai que l’on peut également compter sur l’enfant, il peut conserver ses attitudes et même sensibiliser son entourage. Ne parle-t-on pas d’enfant vecteur d’éducation à l’environnement ? Il semble même que le système fondé sur le partenariat a cédé la place au pédiarcat. L’enfant a donc de plus en plus de poids dans son milieu familial…

En se projetant au-delà du centre de vacances, je veux espérer que les attitudes acquises par les enfants puissent connaître “ un développement durable ”.

Valérie Lacombe

Article extrait de Les Cahiers de l’Animation n°21



Préparer la découverte

Après plusieurs années d’encadrement du même centre de vacances, l’environnement local a été peu à peu investi : camping à la ferme ou au bord du ruisseau, sorties de pêche, balades dans la forêt de Vendôme… Mais l’impression générale qui se dégage pour notre équipe de direction est que le centre de vacances “ traverse le milieu ”, sans vraiment prendre le temps de le connaître et d’y vivre, sans entrer dans la perception et la compréhension de l’espace et de la culture qui l’environnement. Elle décide de s’approprier plus activement le parc attenant de 22 hectares, sous-exploité et d’investir l’environnement local.

L’expérience des équipes de direction et d’animation consolidées sur plusieurs années a donné envie d’aller plus loin dans la rencontre et la découverte de l’autre, dans la mesure de la différence, et au-delà dans le rattachement à de l’histoire humaine. Le côté “ nature ” vécu jusqu’ici nous semble trop restrictif, nous voulons entrer en contact avec un mode de vie, une culture, des hommes et permettre ainsi aux enfants de vivre une autre expérience d’ouverture au monde. Cela a conduit l’équipe de direction à penser la préparation comme un temps d’appropriation du projet pédagogique, à faire vivre aux animateurs une démarche de “ plongée ” dans le milieu, afin de s’en imprégner et d’y prendre des repères pour leurs projets de vie durant le séjour avec des enfants. La durée prévue initialement pour cela est trop courte. Un troisième jour serait plus propice à ce travail car le groupe ainsi constitué est peut-être plus disponible pour vivre cette démarche d’investigation. Il est important d’accompagner cette démarche pour définir des pistes d’entrée. Nous avons donc décidé de nous répartir sur trois zones géographiques : le village et ses environs immédiats, de 5 km à 10 km dans la Vallée et de 10 km à 20 km dans la Vallée. La Vallée du Loir structurera et limitera ce découpage. Pentecôte… Deux jours de travail sont déjà passés, des groupes de découverte se constituent avec des animateurs de chaque groupe d’âges. Rendez-vous est pris en fin de journée pour faire le point de nos découvertes. Avec quatre animateurs et une adjointe qui ne souhaitait pas mener le moment, je me dirige vers le village et ses environs. Première avancée timide dans le village et découverte d’un quartier inconnu de nous y compris des plus anciens dans l’équipe. Surprise, il y a des maisons anciennes. Premiers repérages d’architecture, premiers dessins. Très vite, nous avisons des puits. Leur construction, leur situation particulière nous marquent. Aujourd’hui, ils sont fleuris mais hier quelle place avaient-ils dans la vie du village ? Et aujourd’hui servent-ils encore ? Puis nous rencontrons Madame Lecure. “ Ah, c’est la colo ? Mes filles y ont travaillé, moi je l’ai fournie pendant vingt ans en fruits et légumes ”. Nous discutons. Lorraine, 8 ans, sa petite fille, nous a rejoint et projette de venir cet été. Mme Lecure nous propose de venir voir ses derniers animaux. Plus loin nous voyons un autre éleveur, un peu réticent, un peu éloigné avec vingt vaches, “ des hollandaises nerveuses ”, précise-t-il. “ Non, il ne sera pas possible de venir le voir ”. Étant en plein village, il ne les sort plus et les nourrit sur place. Déception. Nous allons voir un chevrier. “ Venir à la traite ? Oui, c’est possible mais fabriquer le fromage ?… ” et avoir sur la table, du beurre fait à la ferme, à 6 km de là. Nous somme “ hors zone ”, tant pis, nous y allons. Thérèse (on apprendra plus tard son prénom) nous accueille. On visite l’étable, la pièce où est la baratte. Premières commandes pour l’été et premier rendez-vous. Nous repartons aussi avec quelques fromages “ pour le goûter ”. Passage devant la champignonnière avec une petite route et des maisons troglodytes qui invitent à de nouveaux dessins avant de retourner au centre.

Le groupe le plus éloigné dans sa visite nous parle de Troo et de ses troglodytes, d’un habitant Pierre et de son jars Jean-Michel, d’une île sur le Loir où l’on pourrait camper, d’un chevrier à Montoire et de la possibilité de fabriquer du fromage. Le troisième groupe nous parle du château de Bonaventure, du ruisseau, le Boulon. C’est une vraie cueillette que nous partageons.

Maintenant, il s’agit de “ transformer l’essai ”. Nous disposons de trois jours avant l’arrivée des enfants, pour engager les animateurs à passer à l’aménagement d’un lieu sollicitant à construire des projets. Ces trois jours doivent alterner formation et mise en place. Il manque des compétences, aussi nous avons fait appel à une personne des Ceméa, Georges, qui viendra pour cet avant-séjour et le démarrage. Le groupe, avec Georges, va d’abord investir le parc puis les environs immédiats du centre. Première promenade à l’écoute des oiseaux, à la recherche de traces d’animaux, à l’observation des arbres… À nouveau du dessin, cette fois-ci on peint même avec des fruits et des végétaux. Promenade au village et rencontre du boulanger. Puis on aménage un poste pour observer les paons qui vivent dans le parc, on y situe des invitations à voir, on cueille des céréales ; les cernes des années sur un morceau de tronc, des cailloux, des fossiles sont mis en valeur. On a ramené des insectes d’eau du Boulon. L’aquarium est installé, tout comme la documentation. Peu à peu, le hall du château a été investi car c’est “ un endroit où tout le monde peut aller ”. Au mur, on affiche des dessins, des peintures… Un peu plus loin, dans une ancienne serre, le coin peinture s’égaye encore de nouvelles peintures à la gouache et aux éléments naturels. Chez les plus grands, on a déjà quasiment construit un rallye Nature et découverte avec Georges. Nous sommes aussi revenus chez Thérèse à “ la ferme au beurre ”. Michel, son mari se prépare pour la moisson. Sandra, une animatrice pourra-t-elle venir voir avec des enfants ? Michel est réticent, à cause de la machine dangereuse. Thérèse nous parle de la traite, et puis nous prenons nos fromages, notre crème, notre beurre. Quel succès au petit déjeuner ! Il a vraiment un goût différent et, dès leur arrivée, les enfants ne le démentiront pas. Tout est en place et le premier jour passé, très vite on fourmillera. Séverine et Hervé partiront chez le chevrier, et les grands fabriquent du fromage. Elsa ira voir la traite. Pour ce groupe, il y aura un repas à une autre heure le soir même si Michel et Thérèse nous ont proposé d’avancer l’heure de la traite.

Les petits et Elsa reviendront avec de la crème que l’on va transformer en beurre ; pour les 6-7 ans c’est une découverte. Avec d’autres enfants du même âge, Delphine va aller voir le boulanger. Cela aboutira un matin, à un deuxième pétrissage et une deuxième fournée à 8 heures.

À midi, les enfants reviendront avec leur pain. Pendant ce temps, le coin nature bouge, des dessins se rajoutent, après la libération du grillon, de la sauterelle ou du lézard. Certes, quelques grillons ou sauterelles périront mais c’est aussi Jimmy qui me dira : “ Ma sauterelle, je veux pas que les lézards la mangent, et les grillons ils sont trop gros pour être avec elle. ” L’attention aux bêtes, à leur préservation est là. Des rapports se créent. Au départ du camping le chevrier ne veut plus qu’on lui paie les fromages et préfère venir au centre. Un grand goûter de fête concocté par le groupe des grands les accueillera, lui et sa femme. Le groupe d’Elsa retournera à la ferme de Thérèse et Michel pour l’arrivée des petits cochons, pour les volailles et aussi pour la moisson. Sandra, elle, ira cueillir des cerises pour faire un clafoutis, chez Mauricette, l’aide-cuisinière du centre.

Un premier grand jeu se vit dans le village. Pour un groupe, il s’arrêtera très vite dans les branches d’un cerisier où ils seront invités à grimper ; pour un autre, dans une autre maison, ce seront un goûter et un jus d’orange. Quelle surprise pour les petits banlieusards : “ Ils sont gentils les gens ici ”. Face au repli sur soi et à l’agressivité qu’ils vivent chez eux au quotidien, ils peuvent s’ouvrir peu à peu à d’autres relations humaines. Michel viendra au centre avec Thérèse. Eux aussi découvrent un lieu, et une vallée qu’ils ne s’imaginaient pas près de chez eux.

Le maire vient. Il se propose pour organiser à l’avenir une visite du village. La dame du bureau de tabac et l’ancien maire pourront sans doute nous prêter des photos du début du siècle.

Dans cette fin de séjour, une autre aventure s’annonce déjà. Poursuivre la connaissance d’une autre façon de vivre, la rencontre de l’autre, de sa différence, de sa richesse, de tout ce qui fait encore notre quotidien.

Francis Rouquette

Article extrait de Les Cahiers de l’Animation n°21



Découvrir la nature, le milieu en CVL

Le bonheur est dans le pré. Derrière chez nouspourrait-on ajouter, comme un autre film à succès, Microcosmos, sest chargé de nous le rappeler avec une banale prairie aveyronnaise devenue plus exotique que la forêt tropicale !

Inutile souvent d’aller bien loin. Nombre de centres de vacances offrent un cadre avec un environnement riche à proximité, quand ils ne sont pas au cœur de celui-ci. Ils constituent, de façon certes temporaire, mais suffisamment significative une occasion de découvrir la nature et l’environnement.

Encore et toujours découvrir !
Découvrir, découverte, des mots magiques qui ont parfois hélas perdu de leur force. Le moteur de la découverte c’est la curiosité, et les enfants n’en manquent pas, pour peu qu’on la sollicite, qu’on lui permette de s’exprimer.

La nature constitue une source inépuisable d’observations, d’émerveillements, de questionnements, d’incitations à agir, bref de découvertes.

On oublie trop souvent que pour les enfants, il s’agit vraiment de découvertes, toutes proportions gardées, un peu comme pour les grands découvreurs.

À proximité du centre, ils peuvent découvrir « leur Amérique » tous les jours. Alors sachons favoriser leurs découvertes et garder notre capacité à nous émerveiller au moins de leur émerveillement.

Découvrir oui, mais quoi ?
Quelques centres d’intérêts majeurs traversent les générations successives et demeurent des objets de plaisir et de découverte.

Les animaux domestiques, les animaux de la ferme, attirent les enfants qui les visitent régulièrement, les soignent, les nourrissent, créant avec eux des relations affectives, apprenant à dépasser des peurs, et retrouvant les liens entre les aliments et les animaux d’élevage. Ils sont aussi un prétexte à contact avec le milieu humain, les habitants. Les animaux « sauvages » exercent toujours autant de fascination : escargots, lézards, insectes, larves, têtards et grenouilles, petits crabes… que l’on « chasse » ou que l’on « pêche », que l’on capture, que l’on observe, que l’on adopte, que l’on élève. On n’épuise pas facilement les charmes de la mare du ruisseau ou de l’étang.

N’oublions pas les trouvailles et les cueillettes. Les enfants adorent fouiner, dénicher, ramener d’innombrables « trésors » qui débordent de leurs poches et qu’ils arborent fièrement devant les copains ou les adultes qu’ils savent intéressés. La liste en serait longue : trouvailles sur la plage à marée basse, nid tombé en forêt, plumes, pelotes de rejection, petit os, cailloux sur le chemin…

Les enfants adorent aussi cueillir : champignons, fruits sauvages, baies, fleurs sont pour eux de véritables provocations, avec leurs formes, leurs couleurs, et leur goût. La possible consommation vient se rajouter à l’intérêt de la collection. En revanche, toutes ces découvertes nous posent parfois des problèmes de responsabilité, de sécurité des enfants et de respect de l’environnement. Nous devons légitimement les prendre en compte, sans justifier pour autant une profusion d’interdits ou bloquer toute initiative. Les dangers « objectifs » de certains milieux attractifs (rivière, étang…) doivent être mesurés par les adultes et expliqués aux enfants. Les interdits devront être justifiés et faire l’objet d’un suivi attentif. Ceci peut s’effectuer sur le milieu proche du centre, dans le cadre de la démarche, « carte parlante » évoquée dans un autre article. Les dangers des cueillettes n’existent que s’il y a consommation. La règle est donc simple : on ne consomme qu’en toute sécurité, avec un adulte qui connaît, qui est capable de faire respecter des consignes de cueillette un peu en hauteur (de manière à éviter les risques d’une maladie – l’échinococcose véhiculée par l’urine des renards…). Ceci dit, vive les récoltes de framboises sauvages, de fraises des bois et les tartes aux mûres ! Reste le respect de l’environnement et en particulier des êtres vivants que l’on capture. Une vigilance des adultes s’impose pour éviter des captures massives ou systématiques, les mouroirs et autres expériences scabreuses. Il faut expliquer avec doigté, aider l’enfant à comprendre comment vit cet animal, dans quelles conditions on peut le garder, veiller à le relâcher.

Mais faisons attention à ne pas banaliser la notion de protection en l’appliquant à tout et n’importe quoi. Le respect, la responsabilité suffisent parfois, et le centre de vacances doit aussi rester une occasion d’élever des têtards ou de « tûter » des grillons ! C’est en goûtant à ces plaisirs que l’on apprend à aimer la nature. Le respect suit généralement. Dans la nature profiter des « intérêts », sans toucher au « capital », comme l’écrit Louis Espinassous, voilà une belle image.

Découvrir oui, mais comment ?
La découverte n’est pas d’abord ou seulement une affaire de connaissances sur le milieu, qui se traduirait par la capacité à nommer, plantes ou animaux.

On découvre d’abord la nature, à son contact direct, en y vivant, en y jouant, en en profitant, avec tous ses sens : voir, écouter, sentir, goûter, toucher. Pour cela, il faut favoriser les occasions « sur le terrain » qui provoqueront les découvertes. Ceci ne signifie pas que le niveau des connaissances est à négliger. Il faut plutôt bien le situer en n’en faisant pas systématiquement un préalable, mais la réponse à une curiosité, un intérêt naissant, un questionnement créé. En trouvant le langage adapté qui permet de « vulgariser » tel mécanisme scientifique, en frappant l’imagination des enfants, en utilisant (humour, légendes, anecdotes, images faisant appel a leur culture, expressivité aussi…). En n’oubliant pas que le plus important est souvent d’aider à comprendre le « comment ça fonctionne ? », le « pourquoi là, comme çà, et pas ailleurs ? » le « comment ça se relie à ». Tels sont les vrais enjeux de la connaissance en matière de nature et de milieux, même si nous aurons toujours plaisir à savoir nommer. Pour tout cela, l’animateur, l’adulte doit aussi savoir compter avec une ressource documentaire qu’il faut rendre accessible aux enfants. De nombreuses situations durant le séjour, même sans être principalement axées sur la découverte, peuvent aussi la permettre : les jeux de pleine nature, les activités manuelles avec des matériaux naturels, des aménagements, des constructions de cabanes, des pique-nique, des randonnées… Reste dans ces activités à accepter la découverte et à la gérer, dans des situations où elle peut aussi bien n’être qu’accessoire ou devenir principale. D’autres activités organisées peuvent aussi stimuler la découverte : bien entendu les balades nature (avec des jeux, pour aller voir ou chercher… – voir à ce sujet le numéro 15 des Cahiers de l’Animation de juillet 1996), mais aussi de véritables rallyes nature ou grands jeux nature. Le village, le milieu humain peuvent aussi y être intégrés ou faire l’objet d’un autre rallye. Un coin permanent nature (voir le numéro 17 des Cahiers de l’Animation de janvier 1997) est encore une autre manière de favoriser la découverte, durant les temps calmes. Ceci de façon plus autonome pour les enfants, avec un effort d’incitation, de provocation des adultes et un accompagnement discret.

Il y a enfin les projets d’enfants. Des projets qui ont comme point de départ les premières découvertes que nous avons favorisé directement ou indirectement et qui ont comme moteur l’intérêt manifesté par les enfants.

« Un matin, tôt, on pourrait aller voir des bêtes », « On pourrait remonter le ruisseau comme des explorateurs », « On pourrait acheter un canard au marché et le garder avec nous dans la mare de la colo où on lui fabriquerait une maison ». On « pourrait », voilà bien ce que nous devons provoquer. Créer des intérêts qui font projeter au conditionnel, ensuite aider les enfants à lever ce conditionnel (ce qui ne veut pas dire abandonner toute condition !) pour aboutir à une action « on va ». C’est ainsi que l’on aura en CVL de réelles situations d’activités qui s’enchaînent les unes aux autres pour prendre tout leur sens auprès des enfants. À n’en pas douter, ce sont elles qui les marqueront durablement sur le plan des attitudes, des valeurs, comme sur celui des connaissances. Découvrir la nature, vivre la nature ! Serions-nous en plein recul passéiste ou nostalgique, sur une « nature » qui à bien des égards a disparue au profit d’espaces aménagés par l’homme ? Aurions-nous oublié les enjeux environnementaux, l’indispensable éducation à l’environnement urbain ? Voire le milieu humain ? Pas du tout, il s’agit de partir des réalités actuelles de l’éducation à l’environnement et du rôle des CVL. La dimension des loisirs, même s’ils sont éducatifs, y est primordiale, ce qui signifie une approche particulière que nous avons tenté d’illustrer, à partir des atouts des CVL. Parmi eux, figure la possibilité d’investir un milieu de proximité dans une durée non négligeable, et sans contrainte programmatique particulière. Le CVL est donc bien un outil privilégié d’éducation à l’environnement, complémentaire de l’école. Surtout quand on voit l’évolution actuelle des classes découverte. Sa vocation première et originale est de faire découvrir le milieu pour le comprendre, tout en apprenant à l’aimer pour aussi le respecter. Tout ceci, sans brûler les étapes, en particulier avec les enfants de 6-12 ans. Leur attrait pour la nature est fort, parfois au détriment d’un intérêt pour la dimension humaine qui est aussi un élément de l’environnement, un terrain de découverte très riche, mais parfois plus difficile à mettre en œuvre. Ce qui nécessite des démarches comme celles évoquées dans les articles de ces Cahiers de l’Animation. Mais le rôle éducatif du CVL, en matière d’environnement ne sera tout à fait complet qu’à partir du moment où ils auront aussi intégré dans leur projet et dans leur fonctionnement, la vie quotidienne du centre*. L’alimentation, la consommation d’eau, d’énergie, le bruit, les matériaux utilisés et les déchets constituent l’autre face cachée de l’éducation à l’environnement en CVL. Celle-ci mérite un effort de cohérence de la part de tous (organisateurs et directeurs pour les choix d’équipement, d’organisation, directeurs, animateurs, personnel de service pour l’éducation au quotidien). C’est cet effort rendu visible, lisible, qui permettra d’établir plus nettement les véritables liens qui existent entre un environnement de qualité, susceptible de nous procurer « les joies de la nature », les gestes de notre vie quotidienne et les choix plus collectifs d’aménagement et d’équipement. Voilà un beau défi éducatif à relire.

* – Le groupe national Éducation à l’Environnement des Ceméa, en liaison avec des organisateurs, a élaboré une charte sur l’EE en CVL et prépare, avec l’aide du Fonds National de Développement de la Vie Associative, des ministères de l’Environnement et de la Jeunesse et Sports, un dossier technique sur l’EE et la vie quotidienne en CVL.

Jean-Louis Colombiès

Article extrait de Les Cahiers de l’Animation n°21



L’espace sonore

Urgence ! Qui suis-je ? Où suis-je ? De tous côtés on me dit, on te dit que c’est ce qu’il y a de mieux ; tout est beau ! tout est bon ! Flash ! Spot ! Encart ! Plus besoin de tes yeux, plus besoin de tes oreilles. D’autres pensent pour toi ! D’autres ont vu, ont entendu pour toi. Ton cerveau servirait-il encore à quelque chose ? Décider, agir, être, reconstruire, devenir, penser, tous ces mots ont-ils encore du sens ? Je te propose de tourner tous les boutons. Éteins tout !

À l’heure où l’on parle de nuisances sonores, peut-on se construire dans le bruit ? Cette interrogation a-t-elle sa place dans la formation de l’animateur, tant dans les stages qu’au quotidien en centre de vacances ? Deux thèmes intéressants, car ils sont d’actualité, permettront d’étudier ces deux questions : pour ou contre le baladeur ? Pour ou contre la musique d’ambiance ?

Le baladeur, quelle invention !
“ Retire ça de tes oreilles, tu vas devenir sourd ! ” “ Tu ne respectes pas les autres ! ” “ Tu ne fais rien ! ” “ Tu as des problèmes ? Pourquoi t’enfermes-tu ? ” Et pourtant, combien de moments agréables avec lui ! “ Je choisis ma cassette ! ” “ Enfin je me retrouve ! ” “ J’écoute ! ” “ Je rêve, j’imagine, je m’évade ! ”

Comparons : “ Tu as des problèmes ? ” “ Non, j’ai envie de trouver un moment à moi pour écouter ce que je veux. ” “ Tu ne fais rien ? ” “ Si ! Je pense à tant de belles choses ! Et puis, toi, connais-tu ce groupe ? J’aime ce qu’il fait. Je suis d’accord avec ce qu’il dit…. ” “ Tu ne respectes pas les autres ! ” “ Les autres me laissent-ils la possibilité d’être moi ? ” Oui, ai-je la possibilité d’être moi en collectivité ? Même pour faire mon courrier, on me met de la musique. Même pour m’endormir, on me met de la musique ! Combien de “ chut ! ” ai-je pu entendre rythmer Le Grand Bleu ? Pour le petit-déjeuner, on me met de la musique. Je me suis vu un jour beurrer ma tartine avec des notes de musique. Aussi, un axe du projet pédagogique concernant le C.V. de St Hilaire de Riez que j’ai dirigé avait pour support de réflexion : L’espace sonore et la personne.

Pour ou contre le baladeur ?
Que peut apporter le baladeur à celui qui l’utilise ? Le plaisir d’écouter la musique qu’il aime. Le plaisir de se retrouver seul et de vivre un moment pour lui.

Peut-on interdire ces plaisirs ?
En tant qu’adulte, nous les recherchons. Chacun d’entre nous a envie de vivre intensément un moment de calme et de sérénité. C’est un moment pour se reconstruire, pour se détendre tout comme le conte, ce moment d’évasion. Permettons à l’enfant l’occasion de retrouver ces moments. Le baladeur apporte-t-il des nuisances ? Celui qui l’utilise : le niveau sonore et la fréquence peuvent altérer la capacité d’écoute de l’oreille. Autres : le fait de n’entendre qu’une fréquence et non toute la musique rend désagréable l’écoute. S’isoler volontairement en restant dans le groupe manque de respect par chacun des membres du groupe. Des règles de vie sont donc à instaurer pour un bon équilibre de chacun.

Pour ou contre la musique d’ambiance ?
L’espace sonore appartient à chacun d’entre nous. Nous n’avons pas le droit de nous l’approprier aux dépens d’autrui. Faisons en sorte de ne pas nuire à l’espace sonore de l’autre. Pour quelles raisons ? C’est souvent celui qui organise l’activité. Pour rendre le moment plus agréable, certainement. L’activité par elle-même ne rendrait donc pas ce moment agréable à elle toute seule ? Posons-nous la question de l’intérêt de cette activité pour qu’il y ait nécessité d’écouter de la musique d’ambiance. Parce que c’est un moment de retour au calme. Nous mettrons donc de la musique (classique ou douce) à ce moment-là. Serait-elle un calmant ? Comme on donne du théralène à de jeunes enfants pour qu’ils se calment.- Les enfants du groupe ont-ils tous décidé d’écouter cette musique ? Si oui, alors écoutons-là, et ne faisons rien d’autre, c’est bien elle l’activité à ce moment-là. Si non, alors ne l’imposons pas, parce que nous sommes adultes, parce que nous pensons que c’est bien, à celui qui n’a pas décidé d’écouter ce moment musical. C’est un manque de respect pour lui ; c’est aussi un manque de respect pour l’œuvre en question car on ne lui donne pas toute l’attention qu’elle réclame.

Écouter plutôt qu’entendre
Son application au quotidien est riche d’enseignement. Cela commence dès l’arrivée des enfants au centre de vacances. Comment faire s’installer cent trente-cinq enfants de 5 à 12 ans et les adultes qui les accompagnent sans qu’ils ne crient, ne pleurent, ne se hèlent ? La préparation y est pour beaucoup. Au niveau de l’équipe d’encadrement, permettre à chacun de s’approprier le projet, réfléchir sur les enjeux, sur les moyens à mettre en place. Au niveau du groupe enfants et de l’entité parents-enfants, il est important de les mettre en situation, de pouvoir anticiper, donc d’être informé (importance de la réunion parent-enfant-animateur) ; agissant ensuite (importance de donner les moyens, de se déterminer, d’être autonome dans les déplacements ce qui implique codage, fléchage, organisation de l’espace temps), décideur enfin ; l’adulte n’a pas à penser tout pour l’enfant mais à réfléchir sur la capacité qu’a l’enfant pour choisir sa place, son lit, sa classe… On se rend compte que la réflexion sur le cadre et surtout sur la manière dont chacun a la capacité de s’approprier ce cadre est une condition de réussite de l’installation, une conduite de sécurité tant physique qu’affective, une condition de tranquillité, de sérénité, de calme. Cette réflexion est axée sur l’équilibre, la mesure du temps. La flexibilité, la souplesse doivent permettre à chaque situation d’être vécue, analysée et solutionnée dans sa globalité. J’entends globalité dans le fait que cette situation doit être référée avec un début et une fin. Aussi, chacun sait ce qu’il a à faire, se sent décideur et non dépendant d’un emploi du temps. Les repères espace temps sont précis, non stressants et fonctionnels. Alors, nul n’est besoin de musique d’ambiance, car quelle ambiance que cette ruche qui s’installe ! Ce propos est un calque que l’on peut reporter sur tous les moments du centre de vacances.

Le choix
L’équipe d’animation détient-elle, à elle seule, le pouvoir de décider ce qui est bon de faire écouter aux enfants ? La démarche se situe plus au niveau de l’exploitation, de l’écoute. Pour ce faire, l’inventaire du matériel audio et des matériaux (C.D., cassettes…) doit devenir propriété du groupe enfants-animateurs. La connaissance de l’extérieur doit être source de sonorité, de communication. C’est bien le projet de l’enfant qui fait émerger le besoin, l’utilisation de tel moyen audio, de tel support musical… On a pu remarquer au cours de séjours que les enfants s’inscrivaient bien dans la démarche, ce qui n’était pas le cas pour les adultes.

Qui ?
La vie du centre ayant démarré calmement, sans ambiance sonore, à aucun moment les enfants n’ont été demandeurs de musique d’ambiance. En revanche, les adultes se sont vite retrouvés en manque. Alors qu’il avait été décidé de centraliser tous les moyens audio dans une pièce spécialisée avec des règles d’utilisation élaborées, collectivement, ils ont été vite demandeurs pour faire une veillée calme, un temps calme après le repas… On se retrouvait à chaque fois dans la situation d’habiller un moment et rarement dans l’exploitation de l’activité musique en l’occurrence. La richesse a été dans l’obligation de réfléchir à toutes les possibilités offertes par l’espace sonore. Il était trop restrictif de ne s’en tenir qu’à la musique. C’est alors que nous avons vu un groupe d’enfants rechercher un fond musical pour habiller un après-midi médiéval faisant suite à la fête qui s’était déroulée dans un château voisin ; un autre groupe d’enfants inviter un musicien saxo à une de leur veillée (ce musicien avait été repéré par les enfants dans les dunes alors qu’il répétait seul). Nous avons vu également arriver un musicien écossais et sa fille pour jouer de la cornemuse. Tout ce petit monde a alors organisé un repas avec eux. Quelle sympathique petite tablée !

Retrouver le sens de l’écoute
Quelle richesse de voir un groupe d’enfants accroupis, couchés dans l’herbe autour de l’animateur, silencieux, écoutant car nous sommes arrivés à ce que l’espace du centre de vacances soit calme, et le bruit que font les criquets en sautant a attiré l’attention des enfants. Ayant entendu, ils ont écouté, puis regardé (on pourrait à ce sujet développer la notion de protection de la nature du vivarium naturel). Quelle écoute avaient retrouvé ces enfants et quel plaisir de faire partager !

Il y eut d’autres moments, je pense qu’il n’est pas nécessaire d’en faire un listing exhaustif. Il importe au contraire de réfléchir sur la dimension qui a été atteinte.

Comprendre l’homme dans l’espace sonore
Pour les enfants, ils ont pu retrouver le calme d’abord et la disponibilité par rapport à l’autre, à l’environnement ensuite. Pour les adultes, ils ont réfléchi, remis en cause, évalué, pris plaisir à écouter ce que les enfants pouvaient apporter, trouver, proposer. Tous ces projets sont nés d’un déséquilibre causé par la rupture avec l’habitude, le conditionnel, la médiatisation. Cette expérience menée au cours du centre de vacances a mis les personnes en situation d’apprentissage. Apprendre à se retrouver soi, à avoir envie de, donc être capable de projet. La personne se retrouve décideur. Apprendre à être à l’écoute, redevenir responsable critique. Enfin comprendre. L’homme dans l’espace sonore doit pouvoir passer alternativement de la notion de plaisir à celle de déplaisir pour toujours se garder la faculté de réagir.

Michel Dessenne

Article extrait de Les Cahiers de l’Animation n°20