Le temps de s’ennuyer

1398684548340[1]Ne pas avoir d’activité programmée n’est pas synonyme de ne rien faire. L’enfant a parfois besoin de ces moments de tranquillité, de retour sur lui et d’appropriation des espaces. C’est un véritable choix et une véritable activité.

Le périscolaire peut lui aussi être pensé comme un temps libre dont les espaces peuvent être investis par les enfants avec des coins dans lesquels ils vont pouvoir venir jouer, bricoler, se déguiser, dessiner, construire, lire, écouter… ou ne rien faire.

« Sois présent, surtout lorsque tu n’es pas là » Fernand Deligny

Ce titre pourrait paraître provocateur. S’ennuyer est presque considéré comme un gros mot, dans le contexte actuel, où l’on cherche souvent à vouloir rendre optimum le temps. Que ce soit en famille, à l’école ou en séjour de vacances, la tendance est de planifier, prévoir, organiser et utiliser au mieux le temps pour proposer aux enfants le maximum de sollicitations.

La mise en place d’activités quantifiables et évaluables semble être un gage de sérieux et de qualité à faire valoir auprès des parents. Les exemples sont nombreux, que ce soit dans le cadre périscolaire ou dans le domaine des vacances. « Ici, ce n’est pas une garderie ! » clame en forme de slogan un organisateur en évoquant les activités qui sont proposées aux enfants à la sortie de la classe. L’intention est certes louable. On cherche à rendre les enfants plus intelligents, à développer leurs potentialités… On veut leur permettre de découvrir, d’apprendre, de s’épanouir…. Mais, cette abondance de moments contraints, dans lesquels les enfants sont en permanence encadrés et sollicités par les adultes, n’est pas toujours adaptée aux réalités éducatives et aux besoins de chacun.

DU TEMPS POUR SOI
Ne pas avoir une activité programmée, normée et organisée n’est pas synonyme de ne rien faire. L’enfant a parfois besoin de ces moments de tranquillité, de retour sur lui et d’appropriation des espaces. C’est un véritable choix et une véritable activité. Régulièrement, quelques élèves demandent à rester dans la classe pendant la récréation, ou se débrouillent pour y traîner tout seul ou à effectif très réduit au moment de la sortie. Parfois, ils ne font rien de particulier et sont simplement là.

À les voir ainsi, on pourrait se dire qu’ils s’ennuient en comparaison des autres qui jouent dans la cour. Parfois, ils dessinent, écrivent au tableau, utilisent les ordinateurs, discutent, regardent, déambulent, lisent des albums qu’ils ont pourtant en permanence à leur disposition, mais qu’ils semblent apprécier différemment… Les volontaires changent. Certains sont plus réguliers que d’autres, mais le petit groupe de 3 ou 4 enfants, pourtant sans cesse différent, semble toujours se délecter comme d’une gourmandise du fait de rester en classe. Quelles sont leurs motivations  ? Un besoin d’être tranquille et de se couper de l’agitation du grand groupe, d’être en petit comité avec des copains, l’envie de rester au chaud, de se retrouver en classe dans un autre contexte, ou simplement de prendre son temps …

DU TEMPS POUR ÊTRE AUTONOME
Laisser aux enfants des espaces et des temps qui leur permettent de pouvoir s’organiser entre eux, dans des activités qui ne sont pas dirigées par les adultes me semble aussi une donnée importante dans l’organisation du temps de l’enfant.
Ces espaces éducatifs de jeu et de relations où les enfants sont autonomes et dans lesquels il leur faut prendre en compte l’autre, négocier, s’organiser, gérer les conflits et les leaders, adapter l’activité en fonction du groupe sont d’une grande richesse dans la construction personnelle de chacun.
Or, pour certains enfants, ces temps ont tendance à se réduire. Il y a bien les récréations, mais ce sont des moments très normés institutionnellement avec une délimitation courte du temps. Ailleurs, en périscolaire, en famille, en séjour de vacances, ils ont bien souvent de moins en moins de moments pour être ensemble, jouer et s’organiser.
En classe, je rencontre régulièrement des enfants, qui éprouvent de grandes difficultés à travailler en groupe et pour lesquels la négociation avec l’autre se révèle extrêmement difficile. Comme ces quatre élèves de CE1, qui devaient ensemble trier des aliments et les classer. Ils présentèrent à la classe un document contradictoire dans lequel chacun avait gardé son idée de départ. Lorsque les autres enfants pointèrent les incohérences, la réponse fut chaque fois individuelle : « Ça, ce n’est pas moi qui l’ai fait. » Savoir observer les autres, chercher à les comprendre, s’organiser, négocier, partager des savoirs et des réflexions, mutualiser, construire ensemble ne s’apprend pas qu’en classe dans les travaux de groupe. C’est une construction lente et multiple dans laquelle ces moments informels et autonomes entre pairs pour jouer, discuter, s’ennuyer ou décider ensemble me semblent importants.
Mais, pour certains enfants, ces moments d’autonomie ont tendance à disparaître de leur environnement, avec des arguments de rentabilité et de sécurité. Une activité dirigée étant supposée plus éducative et mieux surveillée. La mise en place du temps périscolaire n’échappe pas à cette logique.

ORGANISER L’ESPACE
Pour ces activités proposées aux enfants après la classe, l‘organisation tourne souvent autour de deux préoccupations récurrentes : mais que font les animateurs ? et qui surveille ?
Cette question de la sécurité, omniprésente actuellement, a tendance à uniformiser la structure proposée et à formater ces activités périscolaires naissantes sur le modèle : l’animateur dirige et surveille son activité. Pourtant, l’animation, étymologiquement et pédagogiquement parlant, est bien plus vaste que cet espace où elle se trouve bien souvent contrainte. Fernand Deligny écrivait : « Sois présent, surtout lorsque tu n’es pas là. »
Le rôle de l’animateur est de créer ou de mettre en valeur des espaces matériels, de relations humaines et d’activité dans lesquels les individus vont pouvoir développer leurs potentialités, apprendre et se construire en fonction de leurs besoins et d’un environnement. Le périscolaire pourrait permettre d’avoir des activités autonomes. Mais cela est plus complexe à organiser et à faire vivre qu’une structure dans laquelle chaque animateur dirige et surveille son activité. Il ne s’agit pas de laisser des enfants dans une cour et d’exercer une surveillance de l’ensemble. Il s’agit d’organiser l’espace et de permettre aux enfants de se l’approprier. Mettre en place des coins dans lesquels ils vont pouvoir venir jouer, bricoler, se déguiser, dessiner, construire, lire, écouter… ou ne rien faire. Il s’agit aussi de donner la possibilité aux enfants de faire évoluer ces coins d’activités en fonction des réalités, de leur intérêt et de l’intérêt général.
« Est-ce qu’avec mon copain, on peut emporter des livres dans la cabane ? » La réponse de l’animateur va être fonction d’une réalité locale et impliquer une organisation, une gestion. Comment s’assure-t-on que les livres reviennent en état, sont remis à leur place ? C’est une situation beaucoup plus complexe à gérer que lire un conte à un groupe. Cela oblige aussi les animateurs à circuler entre les différents lieux. Ils savent où sont les enfants, viennent voir, s’adaptent à la situation.

DES ANIMATEURS QUI CIRCULENT DANS LES ESPACES
Parfois, ils sont sollicités pour un conseil, pour une participation temporaire, pour parler ; parfois le groupe est entièrement autonome et leur passage n’a pour but que de rappeler implicitement la présence d’un adulte sur lequel ils peuvent compter. Si un enfant est isolé, il faut arriver à percevoir s’il y a un problème ou s’il éprouve simplement le besoin d’être tranquille un moment.
Ces activités autonomes représentent de vrais temps d’animation. Elles ne s’opposent en rien à la richesse et l’intérêt d’activités plus guidées et structurées, mais en sont complémentaires.
Dans le contexte actuel de mise en place de projets pour l’aménagement des rythmes scolaires et du temps de l’enfant, il me semble important d’avoir à l’esprit cette multiplicité des besoins, même celui de ne rien faire. L’activité ne se limite pas à une forme dirigée. Elle peut être multiple et doit permettre aux enfants de prendre le temps d’apprendre à être autonomes.

Olivier Ivanoff

Texte paru dans le Cahier de l’Animation n°86




Objets inanimés…

1398355864982[1]Je me souviens encore du brouhaha provoqué par l’introduction du terme d’animateur dans les colonies de vacances, devenant par là même des centres de vacances et de loisirs. Le Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animation (Bafa) remplaçait le diplôme de moniteur de colonies de vacances. Nous étions en 1973. Trois ans auparavant avait été créé le Brevet d’Aptitude à l’Animation Socio-Educative (Base), qui ne fit pas tant de vagues, me semble-t-il.

Passer de la fonction de moniteur à celle d’animateur posait d’un coup la question de la fonction. Le débat fut vif, avec, sous-jacent, un refus de « donner une âme, de donner de la vie » et autres définitions toutes académiques. Les mots forts que j’entendais autour de moi disaient véhémentement le refus de considérer les sujets qu’étaient les enfants, les jeunes mais aussi les encadrants comme des objets auxquels il faudrait insuffler on ne savait quelle vie, ou quelle âme !

Le débat ne me sembla pas soulever tant de vacarme dans le milieu professionnel, lequel, bien que peu défini, existait déjà. Les « permanents » (on ne sait trop de quoi d’ailleurs) trouvaient un terme auquel se raccrocher. Le concept viendrait plus tard, nourri notamment par la mise en oeuvre du Defa (Diplôme d’État aux Fonctions d’Animation). Il faut bien évidemment rapprocher tout cela du bouillonnement de l’époque, à la fois culturel et politique – nous sommes tout proche encore de 1968. Mais on peut également le rapprocher d’un débat qui me semble conserver toute son acuité, même occulté comme il l’est aujourd’hui ; c’est celui de la mise en oeuvre du projet politique de l’Éducation populaire.

Et d’un coup nous revoilà à peu près quarante années plus tard au cœur du même débat, posé certes d’une toute autre manière. L’Animation, puisque le terme est devenu générique (même s’il recouvre tout et parfois n’importe quoi, avec autant de précision que celui de « projet ») est directement, génériquement issue de l’Éducation populaire et des valeurs qui l’ont fondée. Dans un raccourci certes discutable, on peut dire que l’on est parti d’une ambition puissante de mettre en oeuvre des pratiques dans lesquelles des sujets parlent, se parlent entre eux, s’organisent, apprennent le vivre ensemble, la liberté et la pratique collective de celle-ci. En plus clair, un projet d’émancipation, de respect d’autrui. Peut-on dire que la boucle semble se boucler, dans une sorte de « fonctionnalisation », par la vision, et je n’ose penser à un projet politique, de sujets qui animent des objets ?

Peut-on dire, dans ce débat, en le poussant à l’extrême, que la marchandisation pourrait pousser ces mêmes « sujets » à consommer des objets ? ou que ces sujets « pensants » donneraient de l’énergie à ces objets captifs pour leur apprendre à « mieux » consommer, voire se consommer eux-mêmes ? Pris dans cette spirale, le débat se perd. On peut pourtant le résumer à quelque chose de bien plus simple, quoique… Soit l’animation est le moyen d’acter, d’agir, les valeurs profondes de l’Éducation populaire, soit elle est ou sera autre chose. Le débat est donc réellement politique. Au sens profond du terme politique. Justement très éloigné des concepts gargarismes que sont l’instrumentalisation, la fonctionnalisation, la rentabilité et autre gestion. Soit elle est effectivement l’affinement jusqu’à l’absurde de ce triste constat de « sujets qui animent des objets ». C’est alors tout autre chose.

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? »
Lamartine

Alain Gheno

Texte paru dans VEN n°554




Formation professionnelle des animateurs

1398355864982[1]Les débats actuels et la mise en place très progressive de la réforme des rythmes scolaires ont mis sur la place publique les lourdes carences en formation professionnelle des animateurs. Si la situation est bien connue des principaux acteurs du champ de l’animation, en revanche le grand public a été justement choqué du décalage entre les attendus de la réforme et la triste réalité des qualifications professionnelles de ceux qui auront pour l’essentiel en charge les activités périscolaires. L’animation en tant que forme d’intervention sociale peut jouer un rôle d’éducation, de culture et d’invitation à la transformation sociale mais la bonne volonté et l’enthousiasme ne suffisent pas. Les pratiques d’animation requièrent une vision politique, des valeurs et des savoir faire. Comme tout métier, l’animation s’apprend. Pour que l’animation professionnelle soit réellement à la hauteur de ses intentions, elle a besoin d’une rénovation de son système de formation professionnelle. C’est une responsabilité qui incombe à l’ensemble des acteurs du champ de l’animation.

Entre septembre 2012 et mars 2013, le Cafemas 1 a initié une étude sur les trajectoires professionnelles des métiers de l’animation. Il s’agissait d’observer comment se déroulent les carrières. Avec quels bagages ces professionnels commencent-ils leurs activités ? Quelles sont les principales portes d’entrée ? Existe-t-il des logiques pour les évolutions de carrière ?

Une situation effectivement sinistrée
Cent quatre-vingt professionnels, animateurs, intervenants spécialisés, coordonnateurs, directeurs, tous en poste dans la diversité des structures qui mobilisent des pratiques d’animation, soumis à une enquête, ont retracé leur carrière lors d’un entretien approfondi. La qualification professionnelle était l’un des points étudiés.
Cet échantillon représentatif du champ a livré des informations précieuses sur les questions de la qualification professionnelle des acteurs. Une étude ne saurait dire toute la réalité, néanmoins, gageons que les gens du terrain quels que soit leur poste ne seront pas surpris par les informations recueillies.
– 88 % ont commencé leur activité professionnelle sans diplôme professionnel relatif à l’animation. – L’accès à une qualification professionnelle est lent, il ne concerne que ceux qui restent plusieurs années dans le métier. – Il faut en moyenne aux animateurs cinq ans dans le secteur associatif et sept ans dans la fonction publique pour accéder à un diplôme professionnel. Mais nombre d’entre eux ne font qu’un passage de quelques années dans l’animation. – Seul le secteur social présente une réelle différence avec davantage d’animateurs diplômés et un accès plus rapide à la formation. Il faut rappeler l’obligation de qualification professionnelle figurant au sein des principales conventions collectives de ce secteur. Les parcours de vie soulignent aussi l’importance des ACM 2comme porte d’entrée dans le métier d’animateur. – 75% des professionnels ont été animateurs occasionnels dans les ACM. – 79% ont entamé une formation préparant au Bafa ou au Bafd.

Cette étude confirme les carences de formation du secteur. L’état des lieux fluctue selon les domaines d’intervention et ce sont les animateurs socio-éducatifs qui connaissent les taux les plus bas de diplômés. Ainsi les professionnels qui encadrent les millions d’enfants accueillis lors des ACM et activités périscolaires sont-ils le plus souvent dépourvus de toute qualification professionnelle. Dans le meilleur des cas, le Bafa et le Bafd font office de formation professionnelle 4.
Pourtant l’animation connaît une expansion durable, les pratiques d’animation s’implantent dans des milieux les plus divers. Mais cette expansion s’effectue le plus souvent dans une spirale négative où l’absence de qualification autorise des conditions de travail et de rémunération médiocres. Celles-ci drainent vers ces activités des professionnels sans qualification. La boucle est alors bouclée et la professionnalisation de l’animation s’effectue dans la précarité des animateurs au grand détriment des publics, de la quantité des interventions et de la reconnaissance de ce métier.
Dans ce contexte sinistré, est-il toujours possible de revendiquer pour l’animation une mission d’émancipation et un rôle dans la lutte contre les inégalités sociales et culturelles ? Les espoirs et les visées d’émancipation que l’Éducation populaire revendiquait pour les activités d’animation risquent bien de se diluer dans des animations appauvries par manque de qualification.

Identifier les points de blocage
Ces constats appellent à un sursaut de l’ensemble des acteurs et à une mutation des possibilités d’accès à la qualification professionnelle avec une priorité pour les animateurs du secteur socio-éducatif. Sans prétendre à l’exhaustivité, signalons les principaux obstacles qui entravent l’accès aux qualifications.

Pas d’obligation conventionnelle de certifications
Les principales conventions collectives du champ ne mentionnent pas l’obligation de qualification professionnelle pour accéder à des fonctions d’animation, celles-ci ne sont citées qu’a titre indicatif ou d’exemple pour la classification des salariés. Ce choix qui pouvait être justifié dans le contexte de la signature de la convention collective de l’animation en 1988, est-il encore légitime ? Situation identique dans la fonction publique territoriale où une très large majorité des animateurs relève de la catégorie C, grade accessible sans obligation de certification professionnelle. Dans un contexte si peu exigeant on voit mal les employeurs associatifs et publics recruter du personnel diplômé pour les emplois les plus nombreux et s’exposer à une remise en cause des grilles de classification.

Déclassement des certifications
Comme aucune qualification professionnelle n’est exigée pour les emplois les plus nombreux de l’animation, la reconnaissance des diplômes existants se trouve tirée vers le bas. Le titulaire d’un diplôme d’animateur de niveau IV se voit alors proposer des postes avec des fonctions d’encadrement intermédiaire : coordination d’équipe ou responsabilité d’établissement à faibles effectifs. Situation identique pour la fonction publique territoriale ; les agents relevant du cadre B de la filière animation occupent le plus souvent des fonctions de coordination voire de direction avec une qualification d’animateur 6. S’illustre ici la logique absurde de la formation récompense. Ainsi, après avoir travaillé plusieurs années comme animateur sans qualification, le professionnel se voit proposer une formation d’animateur pour exercer des fonctions de coordination. Il va alors exercer de nouvelles fonctions pour lesquelles il n’aura pas davantage été formé ! Voici une variante du principe de Peter 5 qui serait drôle si elle n’était bien réelle.

Le flou réglementaire des activités d’ACM
Ces activités mobilisent une large majorité des animateurs professionnels ; de ce fait, elles influencent l’ensemble du champ sur les questions de qualification professionnelle des animateurs. Ces accueils relèvent d’une réglementation spécifique fondée sur la protection des mineurs. Celle-ci prévoit que les personnels pédagogiques soient majoritairement titulaires de diplômes spécifiques : les célèbres Bafa et Bafd 6. Il est sans doute inutile dans les colonnes de cette revue de rappeler que dans la logique d’Éducation populaire des ACM, ces brevets sont une préparation accessible à tout ceux qui souhaitent exercer occasionnellement une action éducative durant ces accueils. Pourtant, bien que sans visée professionnelle ces brevets sont massivement utilisés par les professionnels, car ils sont le plus souvent la seule exigence des employeurs 7. Officiellement, un texte est censé corriger cet usage abusif en faisant obligation de diplômes professionnels pour les directeurs d’ACM exerçant plus de quatre-vingt jours par an. Ce texte est peu respecté sur le terrain. Malheureusement, aucune obligation de qualification professionnelle n’est demandée aux « simples » animateurs professionnels. La règlementation de ces activités entrave ici l’accès à la qualification professionnelle.

Un système de formations, de certifications et de financements multiples et complexes
Le manque de coordination et de cohérence entre les différents acteurs qui conçoivent financent, organisent, prescrivent et contrôlent les possibilités de formation est sans doute la caractéristique majeure du système de qualification du champ. On y observe aussi bien des doublons, plusieurs diplômes couvrant les mêmes besoins, que des manques – absence de formation dédiée au socio-éducatif secteur dominant. L’ensemble du système est peu lisible et concurrentiel. En 2008, le très critiqué rapport Bertsch 8 s’appuyait sur cette situation pour dénoncer la jungle des 215 certifications différentes, les passerelles difficiles d’une filière à l’autre, la multiplication des ministères certificateurs et surtout l’inadéquation de l’offre à la nature des besoins. Si les oppositions à ses préconisations ont été vives et légitimes, il faut reconnaître la contradiction entre une offre pléthorique et complexe et un aussi faible pourcentage de professionnels diplômés.

L’absence de formations initiales publiques et gratuites
Il n’existe pas de système de formation initiale, publique et gratuite pour les emplois les plus fréquents d’animateurs en face à face avec un public. Un jeune qui souhaite devenir animateur ne pourra pas se préparer à ce métier dans le cadre de sa scolarité initiale. Seules les fonctions de coordination ou d’animateur concepteur sont couvertes pas un DUT Carrières sociales option animation délivré par le ministère de l’Enseignement supérieur depuis 1966 9. Cette impossibilité aberrante est sans doute la cause première des carences de qualification professionnelle de la masse des animateurs. Elle a pour conséquence de faire supporter la responsabilité du financement des formations des 165 000 animateurs :

  • Soit aux futurs professionnel ou à leur famille ;
  • soit aux aux employeurs qui vont devoir utiliser les fonds de la formation professionnelle issus des cotisations salariés et employeurs ;
  • soit aux conseils régionaux ou à Pôle Emploi dans le cadre de leur politique d’emploi en direction de la jeunesse.
    Pour les animateurs de la fonction publique territoriale l’accès à la formation est tout aussi difficile. Leur organisme de formation, le CNFPT 10, ne finance pas les formations diplômantes des agents. Les municipalité, employeurs n°1 des animateurs de face à face, doivent alors financer la formation sur leurs fonds propres sans pouvoir recourir à des fonds mutualisés. L’absence de formation initiale détourne aussi les jeunes scolarisés de leurs projets d’être animateurs. Ces jeunes s’orientent alors souvent vers la filière des carrières sanitaires et sociales plus accueillantes dans le cadre de la scolarité initiale pré-bac. Pour ceux qui persistent, l’accès à une qualification sera le plus souvent précédé par une longue période d’attente pour obtenir un financement employeur ou bien par une période de chômage et de précarité pour accéder à une formation dans le cadre des politiques de l’emploi.

Philippe Segrestan, chargé d’études animation au Cafemas militant Ceméa

Texte paru dans VEN n°554




Le droit au départ en vacances collectives : un vrai projet politique

1391614784851[1]La refondation de l’école et la réforme des rythmes éducatifs continuent de susciter bien des réactions. À croire que les enjeux éducatifs et la vision globale de l’éducation sont bien peu de choses à côté de « postures » partisanes, corporatistes ou archaïques. Même si nous avons nous aussi regretté les erreurs, les modalités ici ou là trop rapidement imposées et mises en oeuvre, mesuré les complexités inhérentes à un projet d’une telle envergure, nous soutenons « la refondation de l’École à l’oeuvre aujourd’hui ». Nous contribuerons avec vigilance et avec force, par des propositions construites sur nos compétences et nos conceptions éducatives, à la réussite de cette réforme.

Cette réforme articule et met en tension les différents temps sociaux dont l’un d’entre eux ne bénéficie pas aujourd’hui, de toute l’ambition politique qui devrait lui être apportée. Le temps libre, les temps libérés, les temps de vacances et de loisirs sont absents de la politique actuelle du gouvernement.

Les Ceméa ont toujours porté des conceptions éducatives qui combattent les dérives consuméristes, les logiques qui font des participants une clientèle. Ils privilégient des pratiques fondées sur l’émancipation des personnes, leur responsabilisation, leur apprentissage du vivre ensemble, pour mener le combat de la reconnaissance de l’éducation non formelle.
En 1988 nous organisions « 2010 l’Odyssée des loisirs » en complicité avec Joffre Dumazedier, en 2004, les journées d’étude sur les « Temps libérés » avaient permis à des chercheurs comme Jean Viard ou André Rauch, de valider ce combat pour un droit aux vacances et aux loisirs pour tous, contre les inégalités et les exclusions grandissantes.Le droit au départ en vacances, à la mobilité choisie pour découvrir l’ailleurs et s’ouvrir aux autres sont des utopies qu’il nous faut rendre concrètes pour tous.

« Valérie Fourneyron, ministre des Sports, de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative a annoncé l’ouverture d’un grand chantier visant à faire évoluer le secteur des colonies de vacances à but non lucratif et à le conforter dans sa mission principale : permettre à tous de partir en vacances collectives. » Chiche, devrions-nous dire, parce que les Ceméa soutiennent cette décision. L’analyse des raisons qui conduisent à la baisse de fréquentation ne doit pas conduire pour autant à une vision minimaliste et quelque peu nostalgique des colos. Ce sont celles de demain qu’il faut inventer !

C’est un regard politique et une ambition philosophique qui doivent conduire ces travaux. Nous contribuerons à la définition de ce projet de label. Pour des colos, mais aussi des accueils de loisirs, ancrés dans leurs milieux, qui contribuent chacun, dans leurs identités propres et complémentaires, au véritable brassage social, qui permettent une vie collective de qualité et une réelle découverte de l’ici et l’ailleurs.

Nous porterons sans relâche, au nom de la dimension éducative des accueils collectifs de mineurs, la question du volontariat dans l’animation. Loin de la caricature actuelle, dérogatoire au droit du travail. Loin de tout glissement vers la précarisation. Loin encore de la tenace illusion du « bassin d’emploi ». Un vrai projet politique qui doit donner la possibilité à des milliers de personnes de prendre des responsabilités éducatives et citoyennes sur un temps donné, dans un cadre reconnu et porté au plan européen !

Et bonne année !

Vincent Chavaroche, Directeur général adjoint des Ceméa

Texte paru dans VEN n°553




Mobile attitude

En quelques années, le téléphone mobile s’est imposé auprès des adolescents. Difficile d’y échapper pour les équipes qui encadrent les adolescents en vacances collectives. L’usage du mobile modifie la circulation de l’information avec les parents mais aussi au sein du groupe.

Aujourd’hui, la technologie a vite fait de nous rattraper et encore plus vite fait de nous dépasser. N’y voyez là aucune sorte d’amertume, d’inquiétude ou au contraire de jubilation, c’est un fait, point ! Les chercheurs, psychologues et éducateurs de tout poil, nous le disent aussi directement : les enfants et les jeunes y sont sensibles. Ils naissent avec ces nouveaux outils et se les approprient à la vitesse de la lumière. Bref, ce n’est pas difficile d’être dépassé, on sent à peine le courant d’air. Inutile aussi de résister, nous ne sommes pas de taille.

DANS LES PREMIERS ÂGES, LE TÉLÉPHONE AVAIT UN FIL
Il n’y a pas si longtemps (enfin si, quand même un peu), on découvrait les ordinateurs. Il n’y a pas si longtemps, il fallait expliquer aux enfants comment utiliser une souris ; on avait même de petits programmes ludiques pour le faire. Aujourd’hui, on dirait presque que, dès la naissance, à la manière des Japonais apprentis confectionneurs de sushis, les enfants savent se servir de la souris, Il n’y a pas si longtemps, les équipes de colos et de camps d’ados réfléchissaient à l’usage du téléphone (qui était bien souvent dans le bureau) : fallait-il ou non permettre aux parents d’appeler leurs enfants ? Aujourd’hui, la réponse est loin derrière nous tant il semble évident à tout le monde qu’enfants et parents doivent se donner des nouvelles pendant un séjour. Il n’y a peut-être que les enseignants en classe de découverte qui se posent encore la question ! Peu après, on s’est demandé comment gérer le pointphone qui a trôné dans presque tous les centres de vacances. Il n’y a pas si longtemps, nous nous sommes interrogés sur le portable pour les ados. Les réponses n’étaient pas si simples mais très peu d’entre eux étaient concernés, alors il était assez facile d’échanger avec eux et avec leurs parents. Je me souviens assez nettement de ce que nous avions écrit dans un courrier aux jeunes et aux parents avant un séjour dans les Alpes. En substance, nous disions que le portable n’était pas nécessaire, que nous donnerions des nouvelles régulièrement, que nous inciterions très fortement les jeunes à en donner aussi, par courrier et par téléphone. Nous disions encore que pour la bonne adaptation des jeunes et surtout pour permettre à chacun d’entre eux de prendre du temps et de faire l’effort de construire des relations au sein du groupe et avec les animateurs, le mobile nous semblait néfaste. Je vous assure (si, si !) que le discours était très facile à entendre par de l’ordinateur, de la tablette, des mobiles… les parents et aussi par les jeunes (si, si, vraiment, je vous assure !) et que personne n’avait apporté de portable. À cette époque (franchement pas si lointaine, ne soyez pas désagréable !), on partait en camp et le directeur, les animateurs et les jeunes ne donnaient des nouvelles à leur famille qu’une ou deux fois en quinze jours ou trois semaines. C’était même un sujet de blague entre parents : alors, t’as reçu une carte ? Elle t’a appelée pendant le séjour ? On ne comptait pas le nombre de fois où c’était arrivé tant c’était rare. Une seule main suffisait largement à plusieurs parents !

DE LA FRITURE SUR LA LIGNE
Mais aujourd‘hui, le mobile s’est tellement banalisé que plus aucune équipe ne se pose la question (en tout cas pour elle-même) de l’intérêt ou non d’emporter son portable. Les arguments sont nombreux : c’est un élément de sécurité avant tout, bien sûr, et d’organisation mais franchement, on ne se demande pas si on le met ou pas dans son sac à dos, on le prend, un point c’est tout, et on n’oublie pas le chargeur. On se demande même si on aura besoin d’un adaptateur si on part à l’étranger. Bref, pour nous, équipe, c’est réglé.

En revanche, le smartphone des ados (ils n’ont plus que ça, n’est-ce pas ?) nous pose problème. Que va-t-il se passer en cas de coup de cafard ? suite à un désaccord avec un animateur ? ou avec un jeune ? ou si la chambre n’est pas à leur goût ? un peu trop spartiate ? si les repas ne leur plaisent pas (ce qui est fréquent) ? le sac-à-dos trop lourd ? la vaisselle trop longue ? À coup sûr, ils vont téléphoner à leurs parents et ça va nous revenir aux oreilles, déformé, dénaturé, amplifié, plus vite que la lumière, façon boomerang. Ça passera même sans doute par les oreilles de l’organisateur, premier contact des parents. Et vous connaissez le principe, le petit truc insignifiant qu’on n’avait même pas vu et qui s’était réglé presque dans l’instant devient un problème incroyable, une montagne infranchissable, un machin non identifié qui va nous pourrir la vie.

LE MOBILE INTÉGRÉ AU TROUSSEAU
Et pourtant, chacun sent bien que le combat est déjà loin derrière nous : les jeunes (et maintenant les grands à partir de 9-10 ans) sont équipés, voire suréquipés.

L’organisateur ou le directeur qui interdirait les portables aujourd’hui aurait tôt fait de se faire dépasser, flouer, transgresser. Bien sûr, ils peuvent quand même le faire mais pour quel résultat ? Alors, convenons ensemble que le mobile fait partie maintenant de notre matériel de base au même titre que l’Opinel. Bref, impossible de l’interdire au risque de se ridiculiser. En équipe, il va donc falloir apprendre à faire avec, convenir de ce qu’il est possible de faire et de ne pas faire. Informer les parents de ce qui peut se passer et leur donner des clés pour réagir ; sans doute appeler le directeur pour confirmer ou infirmer une information, un mal-être, une difficulté rencontrée. Il va falloir en faire un paragraphe de notre projet pédagogique : comment va-t-on gérer le portable des jeunes, les appels à la famille mais aussi la recharge, les prises de courant, l’adaptateur et les multiprises, les convoitises, vols, pertes, immersions, ensablages, rayures et le coût ? Peut-être pourrait-on aussi voir le portable comme un élément qui va permettre la mise en oeuvre de projets que l’on n’osait pas mener. Aurais-je laissé des ados de 13-15 ans déambuler à Londres une journée entière dans des endroits différents si je ne m’étais pas assuré que chaque petit groupe avait au moins un portable chargé permettant de contacter l’équipe en cas de soucis, de problème d’itinéraire, de tickets de métro ou d’argent ?

Serais-je suffisamment serein en laissant des plus âgés prendre un bus local en Inde sans possibilité de se joindre ? Bref, n’y voyez là aucune sorte d’amertume, d’inquiétude ou au contraire de jubilation, c’est un fait, il va falloir faire avec, point !

L’été dernier, en Inde du Sud, deux itinéraires s’offraient à nous. Je pose la question au groupe, lequel préférezvous  ? Échanges, discussion, comparaison de ce que l’on va manquer dans l’un et découvrir dans l’autre. Difficile de trancher. Félix demande la parole : « Combien de temps pour chaque itinéraire ? » Après ma réponse approximative, Félix conclut « Je préfère le premier, j’ai plus beaucoup de batterie, mon IPhone ne tiendra pas pour le second ! » Le smartphone comme maître-étalon : il va falloir faire avec…

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Texte de Jocelyn Vérité, paru dans la revue des Cahiers de l’Animation N° 85, également paru dans le dossier des Cahiers de l’Animation Sur l’Adolescence.




Rythme éducatif

L’aménagement des rythmes scolaires ne concerne pas uniquement l’organisation des horaires à l’école. Poser la question du rythme de vie des élèves amène à s’interroger de façon beaucoup plus globale sur l’Éducation et la place de l’enfant et de l’adulte dans les apprentissages.

S’il n’y a pas de lien entre les règles de vie instaurées à l’école et hors de l’école, comment l’enfant peut-il construire des repères et établir une cohérence entre la règle et son rôle ? Si l’on n’a pas le droit de courir sous le préau pendant la récréation et qu’on le peut durant le temps périscolaire (ou inversement), quel sens les enfants peuvent-ils mettre à cet interdit ?

Cette rentrée scolaire repose la question du rythme de vie des enfants. Depuis le mois de septembre, certaines municipalités ont commencé à mettre en oeuvre l’aménagement des rythmes scolaires et les Projets éducatifs territoriaux. Au-delà des polémiques sur sa genèse et les conditions de son application, ce dispositif a le mérite de pointer la nécessité d’une prise en compte plus globale de la vie de l’enfant. Les temps éducatifs sont multiples et les adultes qui y participent aussi : parents, enseignants, intervenants spécialisés en temps scolaire, animateurs du périscolaire, personnel de cantine… auxquels, il faut ajouter tous les adultes qui interviennent durant les temps de vacances de l’enfant. Très souvent, ces différents espaces sont hermétiques et sans lien entre eux.

UN ANACHRONISME DE FAIT
Cette absence de vision globale dans la prise en compte du temps de l’enfant et de son éducation me semble anachronique et inadaptée à la réalité. Les apprentissages sont devenus encore plus globaux et interdépendants. Un enfant qui fait une recherche sur internet chez lui, avec l’aide de ses parents, de sa fratrie ou d’un copain, qui participe avec un animateur à un atelier informatique en périscolaire ou à la médiathèque, qui construit le blog du centre de loisirs, est-il moins en apprentissage que s’il travaille l’informatique à l’école ? Les situations ne s’opposent pas, elles se complètent avec un environnement, des spécificités et des enjeux différents. Certaines missions de l’école se sont transformées. Il s’agit moins d’apporter des connaissances, que de permettre à l’enfant de pouvoir chercher, trier, gérer, utiliser et mettre en synergie les informations auxquelles il peut avoir accès. Mon propos n’est pas de mettre sur le même plan un ensemble de situations, très différentes de par leurs enjeux, mais de mettre en évidence leur interdépendance et la nécessité de mise en relation pour construire et faire sens.

Globalité du temps de l’enfant. De même, en termes d’apprentissages sociaux, s’il n’y a pas de lien entre les règles de vie qui sont instaurées à l’école et hors de l’école, comment l’enfant peut-il construire des repères et établir une cohérence entre la règle et son rôle ? Si l’on n’a pas le droit de courir sous le préau pendant la récréation et qu’on le peut durant le temps périscolaire (ou inversement), quel sens les enfants peuvent-ils mettre à cet interdit ? Il peut y avoir des raisons objectives, liées au nombre ou à d’autres facteurs. Mais si elles ne sont pas explicitées, l’interdit devient alors purement subjectif et l’école ou le périscolaire mettent en place des règles de vie qui se coupent de la réalité et ne font plus sens. L’aménagement des rythmes amène à prendre en compte les enfants de manière plus globale, en ne considérant pas uniquement le temps scolaire, mais en y incluant également le périscolaire. Cela ouvre une porte sur la refondation de l’école et son adaptation aux réalités de la société d’aujourd’hui et de demain. Les associations d’Éducation populaire ont un rôle important à jouer dans cette dynamique pédagogique et cette réflexion pour un environnement éducatif plus global.

INSTITUER DES TEMPS DE RENCONTRE
Le terme d’association complémentaire de l’enseignement public prend tout son sens. Se compléter pour permettre une approche multiple des situations éducatives et d’apprentissages dans lesquelles les enfants se construisent. Mais cet aménagement des rythmes scolaires, s’il ouvre la porte à une prise en compte plus globale de l’enfant, amène aussi à s’interroger sur le statut et le rôle des adultes qui les encadrent. Quelle formation pour les animateurs et les intervenants du périscolaire ? Sommes-nous dans une logique d’animation volontaire indemnisée, d’animateurs professionnels ou d’« intermittents » de l’animation ? Se pose également la question du lien entre les différents partenaires de cette cogestion du temps de l’enfant. Elle nécessite d’organiser et d’institutionnaliser des moments et des cadres de rencontre. Toutes ces interrogations dépassent largement la gestion d’une simple modification horaire et induisent une réflexion de fond sur l’École et l’Éducation. Mieux adapter l’environnement éducatif et le rythme de vie aux besoins de l’enfant sont des objectifs ambitieux, qui amènent à repenser de manière profonde les pratiques pédagogiques. L’Éducation nouvelle est toujours d’actualité.

Olivier Ivanoff, rédateur en chef

Les Cahiers de l’Animation n°84




Onmas, Cafemas : jeu de domination dans le champ de l’animation ?

1382607213489[1]C’est à l’issue d’un conseil d’administration mouvementé qui s’est tenu le lundi 10 juin 2013, que le centre d’analyse des formations, des emplois, des métiers de l’animation et du sport (Gip Cafemas) a été dissous. Un arrêté lapidaire, signé en date du 5 juin par la ministre des Sports, de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative et par le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des Finances, chargé du budget en atteste. Cette dissolution brutale a pris effet au 30 juin 2013. Outre la dimension autocratique de la décision, non discutée avec les partenaires membres du Cafemas, il semble légitime de s’interroger sur les enjeux de cette abrogation.

Tout d’abord, il faut dire que le Gip Cafemas, créé pour une période de huit ans par arrêté du 29 avril 2011, n’aura vécu que deux petites années. Ce Gip avait pris le relais de l’Observatoire national des métiers de l’animation et du sport (Onmas). Cet observatoire, lui-même créé par l’arrêté du 8 mars 2002 a vu le jour à l’issue de longues discussions entre le ministère de la Jeunesse et des Sports (Marie-Georges Buffet à l’époque), le ministère de l’Éducation nationale (Jack Lang), les branches professionnelles et des représentants du monde universitaire.

Piloté par un conseil d’administration composé de dix-huit membres répartis en trois collèges (celui des pouvoirs publics, le Ministère de la Jeunesse et des Sports et ministère de l’Éducation nationale., celui des partenaires sociaux et celui des personnalités personnalités qualifiées), cet observatoire s’était donné pour principales missions de recueillir et synthétiser l’ensemble des données disponibles concernant l’adéquation emploi-formations dans les domaines du sport et de l’animation, de proposer des analyses prospectives et soumettre des propositions permettant l’amélioration de cette adéquation emploi-formations.

Au cours de la période 2002–2005, l’Onmas a participé à nombreuses études dont celle relative aux métiers de l’animation de niveau 3 et 2 (université de Rouen et Credoc) ou encore celle relative à l’analyse des besoins des partenaires sociaux de l’animation – CPNEF animation. L’Onmas a été également présent dans de nombreux colloque tels : « Branche et territoire » (CPNEF), « l’Animation à quoi sert-elle ? » (PPOA-DRDJS 34). À l’issue de cette période, l’Onmas s’est investi dans la réalisation d’un ouvrage collectifVers les métiers de l’animation et du sport : la transition professionnelle Publié à la Documentation française -2005- dirigé par Jean-Pierre Augustin – professeur d’université à Bordeaux, spécialiste de l’animation et du sport, président de l’Onmas. Après une évocation historique de l’émergence d’une société de loisirs et les prémices de la professionnalisation de l’animation et du sport, cet ouvrage collectif (plus de vingt contributeurs) propose une réflexion approfondie dans les champs concernés et se veut une entrée en matière pour comprendre comment s’organisent les négociations autour de la constitution des métiers.

À l’issue de cette période, un second Onmas (2006–2010) a poursuivi les chantiers engagés, toujours sous la présidence de Jean-Pierre Augustin accompagné par la venue d’un nouveau secrétaire général Jean-Louis Gouju (maître de conférences en STAPS et sciences de l’éducation). L’Onmas 2 a mené à bien différents travaux tels que le recensement de l’ensemble des formations aux métiers de l’animation et du sport (diplômes, institutions, lieux) ; l’identification des passerelles et des transferts possibles entre les nombreuses certifications existantes ; la mise en cohérence des certifications avec le cadre européen…

Deux grandes missions
En 2010, alors que l’Observatoire n’avait plus d’existence officielle, un pugnace et patient travail de conviction a été conduit en particulier par le président et le secrétaire général de l’Onmas pour finalement aboutir à la création au mois avril 2011 du Gip Cafemas. Celui-ci associait statutairement l’État( Ministère des Sports, de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative et ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.) et différents partenaires socioprofessionnels : le comité national olympique et sportif français (CNOSF), le fonds commun d’aide au paritarisme pour la convention collective nationale de l’animation, le fonds d’aide au développement du paritarisme pour la convention collective nationale du sport, le comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’Éducation populaire (Cnajep). L’association des Régions de France (ARF), sans être membre, a contribué financièrement et a participé aux travaux par l’intermédiaire d’une convention. Ce statut de Gip a conféré au Cafemas, au regard de la dimension collégiale qu’il induisait, une plus grande indépendance des tutelles ministérielles. En effet, celui-ci était piloté par un conseil d’administration dans lequel les dix-huit pouvoirs se répartissaient ainsi : ministère de l’Enseignement supérieur (4 voix), ministère des Sports (4 voix), ministère de la Jeunesse (2 voix), Cnajep (2 voix), Cnosf (2 voix), branche de l’animation (2 voix), branche du sport (2 voix). L’objet central du Cafemas était la relation entre l’emploi, les métiers, les certifications et les formations dans les champs de l’animation et de l’activité physique et sportive. Il en découlait deux grandes missions (Voir aussi www.cafemas.fr->www.cafemas.fr).

Une mission de synthèse des données existantes – Recueillir et synthétiser les résultats obtenus par toutes les structures régionales, nationales ou européennes sur les sujets à étudier ; – commanditer ou collaborer à des études complémentaires au cas où des données importantes seraient encore manquantes pour l’éclairage et la bonne appréhension de ce qui est étudié ; – construire les outils méthodologiques et techniques du recueil, de la synthèse et de la conservation des données sous des formes accessibles en permanence aux partenaires et permettant une mise à jour ultérieure la plus aisée possible.

Une mission d’étude et de diagnostic de la relation emplois–métiers–formations (EMF) afin d’aider aux décisions
– Analyser l’ensemble des paramètres en jeu dans la relation emploi-formation ; – organiser les collaborations pour que les diagnostics soient les plus partagés possibles ; – intégrer les éléments de prospective ; formuler des hypothèses d’actions, des recommandations.

Le Cafemas a publié des observations très poussées dans le domaine de l’emploi et des métiers. Il a livré, entre autres, sous la conduite de Jean-Louis Gouju et Philippe Segrestan, un remarquable travail présentant un « Panorama des situations professionnelles du champ de l’animation »

Alors que la qualité des travaux du Cafemas était reconnue par l’ensemble des partenaires, le ministère des Sports a fait le choix d’abroger le Gip. La dissolution de cette instance, a fait réagir vivement les membres non étatiques du conseil d’administration, mais également de nombreux acteurs impliqués dans les champs concernés, la dimension « scandaleuse » de l’opération étant souvent mise en avant.

Une raison politique

En effet, c’est sous couvert d’économies budgétaires que le ministère de la Jeunesse et des Sports a argumenté sa décision unilatérale alors que le budget global du Cafemas était équilibré en 2011 sur la base d’un peu moins de 700 000 euros : plus de la moitié étant liée à des mises à disposition de personnels de la part des ministères engagés, sur la moitié restante, 35% (130 000 ⇔) étaient financés par l’État et 65% (240 000⇔) par les autres partenaires.

En regard de la modicité des sommes mobilisées, les arguments d’économies financières présentés pour motiver la dissolution apparaissent peu convaincants, d’autant plus qu’ils ont été complétés par l’annonce de la poursuite des activités au sein du ministère des Sports et de la Jeunesse.

Autrement dit, il s’agit de faire mieux tout seul, tout en se privant d’un financement paritaire. En fait, la raison n’est évidemment pas économique mais plutôt politique pour un ministère qui oeuvre avant tout pour défendre son « territoire » de la formation, un ministère qui n’a pas encore digéré la rénovation de ses diplômes et qui ressent au plus mal le développement de l’offre des formations universitaires d’une part et des certificats de qualification professionnelle d’autre part. On peut à ce titre vivement regretter la disparition du seul dispositif capable de développer des études pertinentes à l’échelle nationale tout en donnant un cadre de travail pour des recherches plus territorialisées, le seul outil capable également d’agréger des données régionales afin de livrer des panoramas plus globaux. Espérons que les acteurs de l’animation et du sport puissent trouver une solution pour maintenir sous une forme ou une autre cet outil indispensable, qui depuis 2002 a fait un travail remarquable d’élucidation de ces deux champs complexes.

Luc Greffier, maître de conférences, IUT Michel de Montaigne ancien administrateur du Cafemas, militant Ceméa

Vers l’Éducation Nouvelle n°552




Colos saison 138

La belle histoire des colos retient souvent l’année 1876 comme date de création de la première colonie. Il en est passé de l’eau sous les ponts depuis ces 138 vacances d’été. Pour autant l’imaginaire collectif semble s’être fixé sur quelques clichés, ignorant souvent les formes renouvelées que sont les séjours de vacances collectives aujourd’hui, ignorant même les périls qui guettent cette forme de vacances.

Le 6 juillet 2013. Premier jour des vacances scolaires et premiers départs vers les colonies de vacances. C’est encore comme ça qu’on les appelle fréquemment dans le langage courant ou dans les médias, perpétuant la diffusion d’un cocktail d’images à la fois surannées et heureuses. Les « colos » donc, recouvrent des réalités qui ont pourtant souvent bien changé. Les séjours sont plus courts, voire même très courts (1 à 4 nuits) lorsqu’il s’agit de minicamp au départ du centre de loisirs. Les activités et les thématiques se sont diversifiées avec l’apparition de nouvelles pratiques (surf, séjour solidaire) et l’influence du marketing touristique voire la concurrence quand les organisateurs doivent répondre à des appels d’offre et quand émergent des opérateurs commerciaux. Les destinations se sont ouvertes à de nouveaux horizons, notamment à l’étranger pour les adolescents même si les Alpes et la côte Atlantique restent des destinations traditionnelles. La colo n’est plus l’apanage des 6-11 ans et le public adolescent est aujourd’hui majoritaire. Ce qui ne change pas, c’est l’image positive des colos auprès des familles qui font bénéficier leurs enfants de ces séjours. Elles savent y trouver une expérience propice aux découvertes, à l’autonomie et aux apprentissages sociaux. Pour ces familles « les séjours de vacances offrent une expérience de vacances spécifique,la fois ludique et éducative, qui permet aux enfants d’apprendre à vivre avec les autres » nous dit l’OVLEJ dans une enquête récente [5].

LA DÉMOCRATISATION DE L’ACCÈS AUX VACANCES EST TOUJOURS À CONSTRUIRE

Ce qui ne change pas, non plus, c’est la non démocratisation de l’accès des enfants aux vacances collectives. En 2011, seuls « 7,5% des enfants et des adolescents sont partis en vacances collectives, colonies, camps ou séjours linguistiques [6] » ; chiffre que l’on peut porter à tout juste 10 % en y ajoutant les minicamps, soit plus d’1,8 million en 2011 selon le ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Education populaire [7]. L’accroissement des difficultés économiques renforce les traits déjà présents dans la sociologie des bénéficiaires et des exclus des vacances collectives. Les facteurs du revenu de la famille et l’accès aux aides financières sont des éléments décisifs pour le départ en colo. L’enquête de l’OVLEJ montre la sur-représentation des enfants des familles les plus aisées et l’effet des politiques d’aide pour les familles très modestes. En revanche entre 1000 et 3000 euros de revenus mensuels de la famille, les enfants sont sous-représentés et parmi ceux-ci l’existence d’une aide du comité d’entreprise est décisive. Au-delà du facteur économique, la place de la colo dans l’imaginaire collectif, dans les stratégies éducatives des familles, la visibilité du secteur auprès des partenaires publics tout comme la proximité des organisateurs auprès des usagers sont des éléments à considérer par les acteurs oeuvrant pour les vacances collectives.

LE VOLONTARIAT, UN PILIER FRAGILISÉ Les séjours sont encadrés majoritairement (75 %) par des animateurs Bafa et des directeurs Bafd, dont plus de la moitié a moins de 24 ans. Acteurs, très souvent occasionnels mais indispensables de l’encadrement des séjours, ils amènent leur engagement, leur enthousiasme au bénéfice des aventures humaines et éducatives que sont les colos. Pour certains ce sera l’affaire d’un été ou deux, pour d’autres un tremplin vers un métier, pour beaucoup une ouverture aux questions d’éducation, à la prise en compte de la diversité, du collectif et de l’intérêt général, en tout cas un moment rarement anodin dans un parcours de vie. Cette activité, longtemps peu légiférée, souffre aujourd’hui d’un manque de statut pour ces acteurs volontaires et met ainsi en péril l’organisation des séjours de vacances collectives. Dans une société où l’animation est aussi devenue un métier, dans une société du chômage de masse et de la précarité, dans une société où peu d’espaces échappent aux appétits marchands, il y a urgence à créer un statut du volontariat de l’animation. « Grâce à cette forme d’engagement, les volontaires permettent aux organismes d’accueil de remplir leur mission d’organisation de vacances répondant à des objectifs sociaux et éducatifs qui définissent leur statut et qui relèvent de l’intérêt général. [8] »

Laurent Michel

Les Cahiers de l’animation n° 83




Et si on inventait le volontariat de l’animation ?

Relire les Cahiers de l’animation depuis 20 ans c’est aussi se replonger dans les questions et les problématiques qui traversent le secteur de l’animation. Le combat pour la mise en place d’un véritable statut du volontariat pour l’animation revient comme une constante dans ce paysage.

En cette fin d’année 2012, nous en sommes toujours au même point. Les animateurs qui encadrent occasionnellement les ACM durant leur temps de vacances ou de loisirs n’ont toujours pas de statut satisfaisant qui reconnaisse cet engagement.
Le CEE, contrat de travail, rattaché au code du Travail mais dérogatoire à certains points dont le temps de travail, le repos quotidien et la rémunération… reste en vigueur. Malgré un bilan très négatif sur la mise en place des nouvelles dispositions sur le repos compensateur, rien ne bouge.

QUELLE RECONNAISSANCE ?
Dans ce numéro nous fêtons les 20 ans de la revue. Nous pouvons également fêter 20 ans de combat pour une reconnaissance de l’engagement des animateurs volontaires à travers la revendication pour un statut du volontariat dans l’animation.

Ainsi, dans le numéro 7 de juillet 1994, nous écrivions : « Ni salarié à part entière, ni bénévole ».
Dans le numéro 31 de juillet 2000 nous écrivions : « C’est pourquoi les Ceméa se battent, avec d’autres partenaires, pour que soit reconnu un statut du volontariat dans les CVL »
Dans le numéro 55 de juillet 2006, nous titrions notre article sur la création du CEE « une belle idée dévoyée ».

LE VOLONTARIAT, UNE TROISIÈME VOIE AVEC LE BÉNÉVOLAT ET LE SALARIAT
Le bénévolat est une activité qui demande aux personnes d’être intégrées dans la société (c’est-à-dire de pouvoir subvenir déjà à leurs besoins en étant salarié où retraité) et il relève toujours, quelle que soit son appellation, du caritatif, ou du soin et de la réparation. Tout le monde sait que l’économie générale des ACM ne permet pas un véritable salariat.

Par ailleurs, la question n’est pas qu’économique, elle est aussi politique car la philosophie des ACM ne repose pas sur la salarisation ou la professionnalisation de tous les animateurs et directeurs.

La richesse de cette activité repose sur la rencontre et l’échange entre des animateurs professionnels et des animateurs volontaires. Entre ceux dont c’est le métier et ceux qui apportent leurs énergies, envies et projets. C’est un leurre de penser qu’il y aurait une niche d’emploi dans l’encadrement des ACM uniquement sur les vacances scolaires.

PRÉCISER LE CADRE DU VOLONTARIAT
Il reste donc une voie possible, le volontariat de l’animation. Voie qui reconnaîtrait une double dimension.

Celle de l’engagement citoyen des animateurs tant appelé par la société.
Celle d’une reconnaissance des ACM comme espace éducatif spécifique et d’intérêt général.

Un volontariat qui reconnaisse l’engagement de ces jeunes à sa hauteur, par une indemnité décente ; pas 20 € par jour ! Le montant de cette indemnité est une revendication légitime des animateurs.
Un volontariat qui permette à cette jeunesse de s’engager sans avoir à financer la formation inhérente à l’animation.
Un volontariat qui assure une réelle protection sociale en cas d’accident pendant cet engagement. Un volontariat qui soit comptabilisé pour les droits à la retraite comme le fut le Service national en son temps.
Un volontariat limité dans l’année pour ne pas se confondre avec le salariat des animateurs professionnels, dans une limite de 60 jours par an. Un volontariat réservé aux structures non lucratives de l’économie sociale et solidaire, car il n’est pas concevable que des jeunes s’engagent et s’investissent pour le profit des actionnaires d’une société, ou l’enrichissement personnel de responsables de structures marchandes.
Un volontariat qui doit pouvoir s’appliquer sur tous les séjours de vacances et accueils de loisirs. Parce qu’on peut toujours poursuivre cette utopie de lier loisirs et vacances.

LE VOLONTARIAT DANS L’ANIMATION UN ESPACE D’ENGAGEMENT À RECONNAÎTRE
Ce volontariat ne serait que le juste retour d’une société envers ses jeunes qui s’engagent auprès d’enfants et de plus jeunes pour leur faire passer des vacances éducatives. Notre société doit reconnaître et valoriser ces 300 000 jeunes qui permettent à plus de 6 millions d’autres jeunes de passer des vacances et ou des loisirs éducatifs de qualité et sécurisés. Nous pensons de même que ce volontariat permettra à un nombre encore plus important de jeunes de s’engager et de prendre des responsabilités dans les ACM, et qu’il soutiendra la revendication plus large d’un départ en vacances et d’un accès aux loisirs du plus grand nombre.

Fabrice Deboeuf

Les Cahiers de l’Animation n°81




Ça, c’est fait !

Comme il était à craindre, la mise en oeuvre de la nouvelle mouture du Contrat d’engagement éducatif n’est pas sans effets pervers. Elle conduit à des situations inadaptées aux terrains mais aussi et surtout à une perte de sens de l’action éducative. Ce constat appelle à une réflexion profonde et à l’invention de nouvelles perspectives.

Les temps sociaux dédiés aux vacances et aux loisirs sont en train de muter. Le rythme de vie des enfants et des jeunes va évoluer, inéluctablement, vers un « moins de temps scolaires et un moins de vacances » qui va nécessiter une réflexion profonde sur les terrains de chacun des partenaires éducatifs.

Après quelques balbutiements durant les vacances de printemps, soutenue par une multitude de textes explicatifs, de modèles, de tentatives de traduction en actes concrets, de circulaires, la mise en place du nouveau Contrat d’engagement éducatif (CEE) a pu s’épanouir cet été.
À lire, plus loin dans ce Cahier, ce qu’a provoqué, vu des organisateurs et des directeurs, la mise en place, on se dit que malheureusement on avait raison quand on dénonçait la nouvelle mouture du CEE !

EFFETS PERVERS…
Les équipes d’encadrement des séjours de l’été, et je serais tenté de dire toutes les équipes, ont vécu un beau moment de « grand n’importe quoi ».
Et surtout, en creux, parce que rien ne se dit de cela, la mise en place des temps de repos dans le cadre du CEE a eu et aura des effets pervers considérables, dont on peut penser que pour partie, ils sont irréversibles.
Le premier effet pervers tient justement de la notion de repos des animateurs. Cadrés dans une structuration ne tenant pas compte de la vie et de la dynamique propres aux ACM, cette réforme aura favorisé une plus grande fatigue des animateurs, appelés à se reposer quand ils n’en avaient pas besoin. L’énergie passée à tenter de planifier une organisation de la ressource humaine (au singulier c’est nettement moins propre qu’au pluriel) a été détournée au profit de l’appareil plutôt que de s’exercer au profit des jeunes et des enfants. Les équipes de direction, autant que les organisateurs se sont retrouvés à gérer l’ingérable, au risque du ridicule – obliger à des repos dans la journée et en même temps nommer l’astreinte de nuit, illégale, du doux terme de « quiétude nocturne ». Mais en toute conscience de ce ridicule, qui porte atteinte au sens même des loisirs collectifs et contraint les équipes à de douloureux reniements. Quant au souci d’équité, il a été balayé à coups de réadaptation de l’indemnité aux contraintes des temps de compensation, compensation payée ou pas d’ailleurs, à géométrie variable…

… ET PERTE DE SENS
Et puis, rien sur les enfants et les jeunes ! Rien sur la rupture de la continuité éducative. Rien sur la sécurité affective des plus jeunes, pour lesquels, parfois, l’animateur ou l’animatrice « repère » a disparu dès le deuxième jour pour cause de tableau de roulement. Rien sur les séjours supprimés, rien sur les surcoûts, supportés cette année par les associations, avant de l’être demain par les parents au travers d’une augmentation des prix. Rien. Tout c’est bien passé ! J’entends déjà les commentaires : vous voyez bien que c’est possible, ça a été fait cet été ! Pourtant, s’ouvre dans le champ de l’animation un chantier qui devrait mobiliser toutes les énergies. Les temps sociaux dédiés aux vacances et aux loisirs sont en train de muter. Le rythme de vie des enfants et des jeunes va évoluer, inéluctablement, vers un « moins de temps scolaires et un moins de vacances » qui va nécessiter une réflexion profonde sur les terrains de chacun des partenaires éducatifs. Et une coordination mieux pensée.

ÉCUEILS À L’HORIZON
Mais trois écueils déjà se profilent : la tentation de la niche d’emploi que semble offrir l’encadrement des temps de vacances scolaires (leurre d’autant plus puissant que l’emploi pérenne est en crise), la question du volontariat dans l’animation (l’animation volontaire est indispensable au bon équilibre des ACM) et la perte de sens historique de l’Éducation populaire, au moment ou le terme (à défaut du concept) sert de support à quasiment tous les diplômes professionnels de l’animation.
Pour un de ces écueils, aurons-nous le temps et la sagesse de nous inspirer des travaux de la Commission européenne qui avance à grands pas, appuyée sur des expérimentations de nombreux états européens, vers la définition d’un statut du volontariat dans l’animation ? Après tout, il est temps de recevoir du sang neuf pour revivifier et redonner sens à ce que les fondateurs de l’Éducation populaire ont créé.

Alain Gheno

Les Cahiers de l’animation n°80




APS, rien de nouveau

La réglementation des activités physiques et sportives (APS) est, à intervalles réguliers, revisitée et réinterrogée. Cette mise à jour est alors traversée par des questions qui travaillent notre société, entre désir de permettre et souci extrême de sécurité, témoignant ainsi des rapports de force entre les projets parfois divergents des acteurs de l’Ëducation populaire, ceux du sport ou bien encore ceux du tourisme. 
Les activités ayant pour finalité le jeu ou le déplacement et ne présentant pas de risque spécifique peuvent être encadrées par tout membre permanent de l’équipe pédagogique de l’ACM, sans qualification sportive particulière.

A la suite du décret du 20 septembre 2011, l’arrêté du 25 avril 2012 vient compléter la mise à jour des conditions de pratiques et d’encadrement des activités physiques et sportives (APS) en accueils collectifs de mineurs (ACM). Cette mise à jour s’inscrit dans un contexte de société toujours plus exigeant en matière de réglementation et de cadre. Et ceci dans une logique de risque zéro et d’identification des responsabilités.

Le nouveau cadre réglementaire permet d’identifier clairement les activités relevant des prérogatives de l’encadrement habituel des ACM et la limite à partir de laquelle d’autres exigences quant aux conditions d’exercice et d’encadrement s’imposent. Il permet à cette occasion de prendre en compte les nouvelles qualifications professionnelles et les évolutions des pratiques sociales sur les APS car les ACM ne sont pas en dehors de la société. Il était donc normal de revisiter ces textes réglementaires datant de 2003. Même si cela s’est déroulé sous la pression des fédérations sportives et des professionnels de l’enseignement sportif et du tourisme.

Quelques évidences à rappeler
D’abord, et c’est le plus important, la quasi-totalité des activités dites « sportives » pratiquées en séjour de vacances ou en accueil de loisirs continuera à exister et surtout à être encadrée par les animateurs habituels de ces accueils, c’est-à-dire un animateur diplômé Bafa ou un stagiaire. Car ce décret et l’arrêté ne réglementent que des activités dites « à risques » et ne concernent pas les autres. La première question à se poser est de savoir si l’activité physique en question répond aux critères suivants : elle ne présente pas de risques spécifiques ; elle a une finalité ludique, récréative ou liée à la nécessité de se déplacer ; elle est proposée sans objectifs d’acquisition d’un niveau technique ni de performance ; sa pratique n’est pas intensive ; elle n’est pas exclusive d’autres activités ; elle est accessible à l’ensemble des membres du groupe ; elle est mise en oeuvre dans des conditions de pratique et d’environnement adaptées au public en fonction de ses caractéristiques physiologiques et psychologiques. Dans ces conditions, l’activité est encadrée par les animateurs de l’accueil. Si tel n’est pas le cas, l’activité demande alors un encadrement spécifique avec un diplôme lié à l’activité en question tel que défini par l’arrêté du 25 avril. Nous pouvons donc continuer à faire de la randonnée et du vélo, à organiser des tournois de foot ou des olympiades – le débat pédagogique quant à la pratique de certaines de ces activités restant, bien sûr, ouvert.

Un esprit de loisir et de découvertes
Un animateur Bafa ou un stagiaire continue et continuera à encadrer les activités des ACM ; cela n’est pas remis en question. Pour certaines activités, ces prérogatives sont renforcées comme pour la raquette à neige. L’animateur Bafa pourra maintenant encadrer cette activité à partir du moment où elle se déroulera sur un circuit balisé dans un site bénéficiant d’infrastructures.
Il s’agit bien de pratiquer ces activités dans un esprit de loisirs et non d’apprentissage ou de préparation à des compétitions. Le ski en est un bon exemple : les animateurs continueront d’accompagner les enfants et les jeunes dans leur pratique de l’activité mais ils ne pourront pas enseigner l’activité.
Quant aux activités nécessitant un encadrement spécifique, elles restent possibles aux conditions fixées dans l’arrêté du 25 avril.

Fabrice Deboeuf

Les Cahiers de l’Animation n°79




Les colos dans la tradition tchèque

En République Tchèque la fréquentation des colonies de vacances s’inscrit dans une longue tradition et la plupart des enfants participent au moins à une colonie de vacances d’été par an. Les enfants et leur famille font leur choix parmi des propositions faites par des associations, des centres de loisirs et des entreprises.

Avec le soutien de nos partenaires de NDIM, Gabriela Kynclová et Michaela Tužilová NDIM = Národní institut d􀀀tí a mládeže = Institut national des enfants et des jeunes NIDM et les Ceméa sont partenaires depuis plus de dix ans. Leur coopération est soutenue depuis le départ, dans le cadre des protocoles d’accord bilatéraux entre la France et la République Tchèque. Ce partenariat revendique un droit au départ pour tous et une place reconnue du volontariat dans la société.

Chaque année, plus de 200 000 enfants et jeunes participent aux colonies de vacances organisées par près de 200 associations travaillant toute l’année auprès des enfants et des jeunes. Certaines d’entre elles proposent des colonies de vacances non seulement à leurs membres mais aussi à un large public. Des centres de loisirs gérés par les autorités communales, départementales et régionales organisent également ce type de séjour. Le nombre de centres de loisirs en République Tchèque est d’environ 300 et, chaque année, sont organisées près de 2000 colonies pour 70 000 enfants. Enfin, depuis le changement de système politique en 1990, de nombreuses entreprises comme les agences de voyages, mais aussi d’autres entreprises, se sont lancées dans l’organisation de colonies de vacances.

LE PLUS SOUVENT LE SÉJOUR SE DÉROULE SOUS LA TENTE Par le passé, une colonie de vacances avait une durée de trois semaines mais depuis une dizaine d’années elle ne dure plus que deux semaines – surtout à la demande des parents, mais aussi d’animateurs qui ont du mal à avoir suffisamment de temps libre pour le travail dans les colonies. La plupart des colonies se déroulent « sous tente » et typiquement avec des tentes munies d’un soubassement en bois. Idéalement, on recherche un paysage qui n´est pas encore touché par la civilisation, une forêt ou un pré, près d’une petite rivière où il y a ni foule ni embouteillage.

UNE LONGUE PRÉPARATION EN AMONT Avant le séjour, il faut d’abord gérer l’équipe de ceux qui participent à la préparation. Cela représente pas mal de démarches administratives comme envoyer une demande à la municipalité du lieu de réalisation de la colonie, informer la station régionale de l’hygiène, distribuer et ramasser des formulaires d´inscription, composer les menus de la colo, élaborer un budget ou organiser l’acheminement du matériel nécessaire. Le groupe doit en même temps se concentrer sur la création du programme qui est très souvent fondé autour d’un jeu thématique qui se joue pendant toute la colonie. Il faut se rencontrer régulièrement et tout préparer suffisamment en avance. Des questions pratiques, de technique et d’organisation sont abordées souvent dès l’automne de l’année précédente. Au-delà de cette forme classique, des séjours périurbains sont organisés à proximité des grandes villes et très souvent les participants rentrent chez eux pour la nuit. Les colonies de vacances organisées par les entreprises disposent parfois de locaux et de bâtiments pour le camping équipé de petits chalets.

Svatava SIMKOVA, Ji ZAJIC

Les Cahiers de l’Animation n°79