Aventure de robinsons

cavl87L’aventure peut être au bout de la rue ou de la plage, dans de simples projets d’enfants. Construire pour devenir explorateurs du rêve, de l’imaginaire et de notre inconscient collectif.

Il n’est pas systématiquement besoin d’aller loin pour rencontrer d’autres gens et découvrir la différence, ni besoin d’être harnaché avec du matériel d’escalade pour oser et être un aventurier. L’aventure peut être au coin de la rue dit-on.

La tempête avait sévi quelques semaines plus tôt et ramené sur la plage de nombreuses laisses de mer. Canisses, morceaux de bois flottés… jonchaient le sable. Cela donna certainement des idées de robinsonnades à des enfants qui passaient par là, car l’on vit fleurir des cabanes tout le long de la plage désertée en cette période hivernale. Allant du rustique au sophistiqué, de la miniature à la cabane habitable, de la palissade dressée face à la mer, à l’organisation complexe, tout en mêlant canisses, bois, algues, sable et mer. Un paysage de créations à voir, sentir, manipuler et jouer. Une vraie aventure !

L’aventure homologue, testé et certifié
Dans un contexte actuel ayant tendance à proposer des déplacements lointains, des activités sophistiquées, ce retour vers les fondamentaux, mis sous nos yeux par des enfants, nous amène à réinterroger le concept d’aventure éducative. Est-il plus aventureux de faire un long voyage, clés en mains, où tout est prévu, organisé et balisé ou de prendre l’initiative de créer son univers de Robinson sur une plage près de chez soi ?

Est-il plus risqué d’être suspendu à plusieurs mètres au dessus du sol, harnaché et casqué, sur un parcours où tout est homologué, testé et certifié ? Ou d’aller se balader avec ses copains en ville ou dans la nature ? On a parfois tendance à mélanger l’apparence de l’impression donnée avec le fond de la situation vécue par les enfants. Je ne suis pas en train de suggérer la suppression des voyages à l’étranger ou des parcours acrobatiques. Ils peuvent bien sûr avoir de l’intérêt pour les enfants et être porteurs de sens. Mais il ne faut pas les assimiler de manière univoque à l’aventure. Il n’y a pas systématiquement besoin d’aller loin pour rencontrer d’autres gens et découvrir la différence, ni besoin d’être harnaché avec du matériel d’escalade, pour oser et être un aventurier.

Qu’est-ce que l’aventure éducative ?
L’aventure éducative, c’est avoir des projets, imaginer, agir avec les autres, découvrir, oser se projeter dans l’avenir et l’inconnu et se construire. Cela peut se vivre au quotidien et ne requiert ni homologation, ni environnement exotique et lointain. Les robinsons de la plage en sont un bon exemple. Les livres de Jules Verne ont fait rêver des générations, car ils constituent un parcours initiatique. S’imaginer seul sur une île et créer son monde en fonction de l’environnement, nous ramène à nos plus profonds fondamentaux. Ces enfants sur la plage, se sont organisés entre eux. Ils se sont adaptés à une situation, ont construit ensemble, transformé le paysage. Mêlant leurs imaginations et leurs sensibilités, ils ont eu à partager leurs conceptions, leurs rêves et leurs inquiétudes. À la fois repaire et repère, les enfants construisent des cabanes, pour s’y retrouver. Qu’ils aillent y dormir, ou qu’ils fassent semblant d’y vivre le temps d’un jeu… Elles sont porteuses d’une vraie aventure.

Quand j’étais au collège, de temps en temps, avec des copains nous prenions seuls le train omnibus pour aller à Bandol, puis un petit bateau, nous amenait dans une île, située à une centaine de mètres de la côte. Là, nous pique-niquions dans les rochers qui nous faisaient une sorte d’abri naturel. Nous discutions de tout et de rien, face à la mer, puis le soir nous revenions. Rien d’extraordinaire, juste des moments inoubliables.

L’aventure est là, dans bien des situations, de découverte et d’accession à l’autonomie. Différente pour chacun en fonction de son âge, de ses expériences et de son caractère. Il est essentiel que les animateurs sachent prendre en compte, favorisent et mettent en valeur, tous ces moments de construction. Même si ces situations de découverte et de jeu, peuvent parfois nous paraître anodines, elles ne le sont pas. Être capable de… arriver à… comprendre que… grandir… s’imaginer… oser… faire ensemble… sont des moments dans lesquels les enfants vivent leurs aventures.

Olivier Ivanoff

Texte paru dans le cahier de l’Animation N°87




Accompagner le spectateur

1382609412135[1]L’Éducation populaire est une valeur commune au festival d’Avignon et aux Ceméa. Sous l’impulsion de Jean Vilar, s’est créée l’association Centres de jeunes et de séjour du festival, qui organise des séjours culturels pour des publics d’adolescents et d’adultes. Les Ceméa en assurent l’encadrement pédagogique depuis 1959. Cet accompagnement culturel s’est également étendu à des séjours lycéens de toutes filières, qui avec leurs enseignants viennent découvrir le festival. Ce cahier central est une immersion dans l’un de ces séjours, qui accueillait des lycéens de Guyane et de Champagne-Ardennes ainsi que leurs professeurs. Ce « carnet de voyage », vous fera partager ces quelques jours d’échanges, de rencontres, de découvertes et d’ouverture culturelle. Les jeunes, encadrés par les équipes pédagogiques des Ceméa et leurs enseignants, se sont préparés à ces oeuvres théâtrales, ont vu les spectacles, rencontré des artistes, participé à des ateliers, échangé à partir de leurs expériences et de leurs impressions. Mais, sur la base d’une vie de groupe au quotidien, intégrant la dimension du lien humain dans tous ces moments. Au détour d’une réflexion, d’une attitude, on s’interroge sur le lien entre l’école, le théâtre. On se prend à rêver de projets d’enseignement dans lesquels le verbe ne soit pas considéré uniquement en fonction de l’accord avec le sujet, mais s’incarne et donne vie. À travers ce séjour on perçoit une pédagogie d’Éducation nouvelle. Mettre en mouvement chacun, quel que soit son niveau et ses a priori, nourrir et accompagner ses expériences et son cheminement et lui permettre d’oser le culturel.

Olivier Ivanoff

Accompagner le spectateur
C’est par une démarche active que ces jeunes s’approprient le théâtre et donnent du sens à ce qu’ils voient, vivent et ressentent.

Se préparer à voir une pièce, n’est pas une activité univoque, toute faite et reproductible quels que soient la situation et le public.

L’équipe d’encadrement adapte chaque fois les activités en fonction de ce vécu. Ce jour-là, les jeunes, qui n’en étaient pas à leur premier spectacle, devaient aller voir Germinal. Un nom qui évoque Zola, mais une pièce, qui se trouve pourtant sur un registre totalement différent. Les animatrices leur proposèrent simplement un petit jeu littéraire, consistant à caviarder la fiche de présentation du spectacle. Raturer des mots pour en faire ressortir d’autres et comparer aux choix des autres groupes.

Petite « mise en bouche », qui permit à ces lycéens de s’interroger sur ce titre paradoxal.

Il ne s’agissait pas de décrypter ce qu’ils allaient voir, mais simplement de se mettre en condition, de s’interroger, de s’intriguer pour se préparer à vivre ce moment de théâtre. Puis ce fut le déplacement dans les rues d’Avignon, la file d’attente longeant un canal et une roue à aubes, l’installation dans la salle… Chacun de ces moments de transition vers le spectacle s’enrichissant des relations et discussions du groupe et de l’environnement du festival.

Dans la pièce Germinal, les acteurs fabriquent un monde à partir du néant, inventant la communication et le langage et essayant de classifier ce qui les entoure. Ces réflexions de fond étant portées avec beaucoup d’humour et d’autodérision sur notre société actuelle. Peut-on classer toutes choses en deux catégories : celles qui font « poc-poc » et celles qui ne font pas « poc-poc » ? Une approche décalée, qui fut très appréciée.

En guise de retour sur le spectacle, des activités ont été proposées aux lycéens. Après un tour de table, dans lequel ceux qui le voulaient donnaient leurs impressions et leurs remarques, les animatrices proposèrent des jeux de transmission de l’information sous diverses formes, allant du contact corporel pour faire passer un message à la transition par l’écrit. Le choix de faire jouer ces ados sur le thème de la communication non verbale a donné une autre dimension à ces activités. Cela leur a permis d’oser et de s’exprimer de manière différente, d’entrer en contact avec l’autre et de percevoir certaines problématiques liées à la communication, tout en restant dans le domaine protecteur du jeu. Les animatrices ont ensuite demandé aux jeunes de chercher des mots en lien avec le spectacle. Une longue liste éclectique fut écrite sur un tableau : « Poc-poc, captivant, média, micro, surprenant, catégorisation, noir, parallépipède rectangle, communication, synchrone, gravats, langage, drôle, catharsis, porte… » L’ensemble étant assez représentatif du contexte de la pièce.

Certains jeunes ont osé demander aux autres, de leur expliquer le sens de mots qu’ils maîtrisaient mal. Montrant ainsi leur confiance dans le groupe et sa capacité de mutualisation.

Extrait du Livret intérieur paru dans la revue des Cahiers de l’Animation n° 84




APS, rien de nouveau

La réglementation des activités physiques et sportives (APS) est, à intervalles réguliers, revisitée et réinterrogée. Cette mise à jour est alors traversée par des questions qui travaillent notre société, entre désir de permettre et souci extrême de sécurité, témoignant ainsi des rapports de force entre les projets parfois divergents des acteurs de l’Ëducation populaire, ceux du sport ou bien encore ceux du tourisme. 
Les activités ayant pour finalité le jeu ou le déplacement et ne présentant pas de risque spécifique peuvent être encadrées par tout membre permanent de l’équipe pédagogique de l’ACM, sans qualification sportive particulière.

A la suite du décret du 20 septembre 2011, l’arrêté du 25 avril 2012 vient compléter la mise à jour des conditions de pratiques et d’encadrement des activités physiques et sportives (APS) en accueils collectifs de mineurs (ACM). Cette mise à jour s’inscrit dans un contexte de société toujours plus exigeant en matière de réglementation et de cadre. Et ceci dans une logique de risque zéro et d’identification des responsabilités.

Le nouveau cadre réglementaire permet d’identifier clairement les activités relevant des prérogatives de l’encadrement habituel des ACM et la limite à partir de laquelle d’autres exigences quant aux conditions d’exercice et d’encadrement s’imposent. Il permet à cette occasion de prendre en compte les nouvelles qualifications professionnelles et les évolutions des pratiques sociales sur les APS car les ACM ne sont pas en dehors de la société. Il était donc normal de revisiter ces textes réglementaires datant de 2003. Même si cela s’est déroulé sous la pression des fédérations sportives et des professionnels de l’enseignement sportif et du tourisme.

Quelques évidences à rappeler
D’abord, et c’est le plus important, la quasi-totalité des activités dites « sportives » pratiquées en séjour de vacances ou en accueil de loisirs continuera à exister et surtout à être encadrée par les animateurs habituels de ces accueils, c’est-à-dire un animateur diplômé Bafa ou un stagiaire. Car ce décret et l’arrêté ne réglementent que des activités dites « à risques » et ne concernent pas les autres. La première question à se poser est de savoir si l’activité physique en question répond aux critères suivants : elle ne présente pas de risques spécifiques ; elle a une finalité ludique, récréative ou liée à la nécessité de se déplacer ; elle est proposée sans objectifs d’acquisition d’un niveau technique ni de performance ; sa pratique n’est pas intensive ; elle n’est pas exclusive d’autres activités ; elle est accessible à l’ensemble des membres du groupe ; elle est mise en oeuvre dans des conditions de pratique et d’environnement adaptées au public en fonction de ses caractéristiques physiologiques et psychologiques. Dans ces conditions, l’activité est encadrée par les animateurs de l’accueil. Si tel n’est pas le cas, l’activité demande alors un encadrement spécifique avec un diplôme lié à l’activité en question tel que défini par l’arrêté du 25 avril. Nous pouvons donc continuer à faire de la randonnée et du vélo, à organiser des tournois de foot ou des olympiades – le débat pédagogique quant à la pratique de certaines de ces activités restant, bien sûr, ouvert.

Un esprit de loisir et de découvertes
Un animateur Bafa ou un stagiaire continue et continuera à encadrer les activités des ACM ; cela n’est pas remis en question. Pour certaines activités, ces prérogatives sont renforcées comme pour la raquette à neige. L’animateur Bafa pourra maintenant encadrer cette activité à partir du moment où elle se déroulera sur un circuit balisé dans un site bénéficiant d’infrastructures.
Il s’agit bien de pratiquer ces activités dans un esprit de loisirs et non d’apprentissage ou de préparation à des compétitions. Le ski en est un bon exemple : les animateurs continueront d’accompagner les enfants et les jeunes dans leur pratique de l’activité mais ils ne pourront pas enseigner l’activité.
Quant aux activités nécessitant un encadrement spécifique, elles restent possibles aux conditions fixées dans l’arrêté du 25 avril.

Fabrice Deboeuf

Les Cahiers de l’Animation n°79




Jeux collectifs du patrimoine mondial en Inde du Sud

De novembre 2007 à novembre 2008, les Ceméa Bourgogne ont participé à trois missions en Inde du Sud à la demande de partenaires indiens qui, suite au tsunami de décembre 2004 (près de 5000 victimes dans l’état du Tamil Nadu), ont créé l’association Nangal qui signifie « ensemble » en tamoul. Nangal tente dans le village de Thazhanguda à quelques kilomètres au sud de Pondichéry) d’améliorer l’éducation globale des enfants. Pendant ces trois missions,nous avons essayé de mettre en oeuvre la pédagogie liée à l’Education nouvelle que nous pratiquons dans nos stages Bafa. Nous avons, professeurs, animateurs, coordonateurs indiens et formateurs des Ceméa Bourgogne tenté de réfléchir ensemble à l’éducation des enfants.

Ensemble nous avons tenter de trouver des solutions pour améliorer la prise en charge éducative globale des enfants, pas seulement en essayant d’améliorer leurs apprentissages par une prise en compte plus grande de l’enfant en tant qu’individu à part entière mais aussi en essayant ensemble de comprendre les besoins des enfants indiens de Thazhanguda afin d’agir au mieux. La pratique d’activités – agir concrètement – fait partie de nos stages en France, nous avons, en Inde aussi, pratiqué ensemble diverses activités dont des jeux collectifs empruntés au patrimoine mondial. Nous avons pu voir, à 8000 km de Dijon que le plaisir de jouer était, en Inde aussi, bien réel. Les pages qui suivent présentent quelques jeux que nous avons proposés là-bas et que nous pratiquons régulièrement en stages et en accueils collectifs de mineurs, ici. Les fiches sont illustrées par des photos prises en Inde.

Ceméa Bourgogne

Jeux collectifs du patrimoine mondial en Inde du Sud




Avignon’s paradise

Festival d’Avignon, juillet 2008. C’était la première fois que je mettais les pieds dans cette ville, transformée par le festival, où le moindre petit bout de panneau signalétique, les moindres grille, grillage ou barrière deviennent pour un temps un moyen d’affichage et de publicité. Petit Mistral, c’est le nom de l’école maternelle du centre ville qui est transformée en centre d’accueil de public géré par les Ceméa. C’est dans ce lieu que je rejoins l’équipe qui est déjà là depuis une semaine. Le lieu sonne comme le calme au plein coeur de la tempête : une fois l’imposante porte refermée les bruits de la foule et de la rue hypra-animée s’étouffent pour laisser place au son des cigales. Le contraste est flagrant et très rassurant.

VOIR PLUTÔT QUE FILMER J’avais pour idée préalable de filmer des instants du festival, filmer des temps d’accompagnement culturel, garder des traces, des souvenirs. J’avais donc dans mon sac une caméra et un ordinateur pour traiter l’image. Et puis très rapidement l’idée a été mise de côté, l’envie d’aller voir des spectacles dans le Off ou de faire des siestes durant mes moments de temps libre a été plus forte que la prise d’images. Vivre pleinement les choses plutôt que m’en faire une copie. La caméra est laissée de côté, Julien, le collègue, l’utilise de temps à autre pour jouer. Dernière semaine de festival, la maison accueille désormais des festivaliers adultes et un séjour d’adolescents. Le public diffère donc légèrement des deux semaines précédentes ; nous avions eu des lycéens jusqu’alors.

Là, il n’y a plus de professeurs avec lesquels il faut s’accorder, voir temporiser. Il s’agit d’un séjour type ACM. Alors, on met en place des réunions quotidiennes : « Le but est de vous construire vos parcours de spectateurs, en autonomie. Qu’allez-vous voir aujourd’hui ? » « Et les spectacles que vous avez vu, ils étaient biens ? Vous les conseillerez ? Et le jeu d’acteur ? Et l’histoire ? Et la scénographie ? »… Les ados construisent leurs vacances : spectacles, siestes, repas, discussions, pataugeoire, ils entrent et sortent de la maison en nous donnant des horaires de retour. Certains connaissent très bien le théâtre et Avignon, d’autres absolument pas.

FILMER QUAND MÊME MAIS QUOI ? Et puis un matin où trois d’entre eux sont en vide d’activité (pas trop envie de sortir, pas envie de voir du spectacle juste pour en « bouffer » le plus possible) l’idée de jouer avec la caméra s’impose comme une évidence, l’objet attire l’envie. Mais pour filmer quoi ? Pour quoi faire faire ? Alors on part dans les rues d’Avignon, petites explications techniques de l’appareil et petits conseils : le champ et le hors champ, se déplacer les jambes fléchies pour que la caméra ne vibre pas trop. La consigne que je leur donne est de filmer ce qui les a marqués le plus quand ils sont arrivés à Avignon et tenter de le retranscrire par l’image. Unanimement cela sera l’effervescence de la rue, le flot incessant des pas, les petites manifestations en faveur des intermittents du spectacle, les petites troupes du Off qui font chacune de la pub à leur manière pendant des heures sous un soleil de plomb, la surenchère de publicités pour les spectacles du Off. Les ados réfléchissent aux cadrages. Que filme-ton  ? Comment ? On partage les ressentis et les visions différentes de chacun. Un parti pris met tout le monde en accord : ne pas filmer les visages car « dans la masse les visages ne se perçoivent plus ». Et puis à table, le soir, on discute des références filmographiques de chacun : Lynch, Tarantino, Desplechin, Ozon … et la manière dont chacun filme : « Tu as vu, dans Les Fils de l’homme, il y a un plan séquence de quinze minutes, alors que c’est une scène de combat dans des ruelles, c’est vraiment impressionnant comme technique ». Et puis à force de parler de scènes de films, on se retrouve à faire des liens avec les spectacles que l’on a vu du In et du Off : « Dans la pièce de Pommerat, la scène où il y a la chanteuse qui s’écroule alors que le chant continu et qu’on se rend compte que ce n’est pas elle qui chante, c’est comme dans la scène de Mulholland Drive. Mais je trouve que dans le film la scène est plus poignante, plus profonde, elle fait presque pleurer ». Et puis il y a le Hamlet de Ostermeier vu au Palais des Papes où la vidéo est intégré à la pièce : « C’est intéressant la manière de filmer les visages de près ». « Et puis c’est fort, c’est filmé et projeté en direct, tu vois l’acteur et celui qui a la caméra qui sont sur scène et tu as le résultat en direct de ce qu’il filme, avec l’effet sepia en plus ça rend les visages vraiment troublants  ».

POURQUOI PAS UN COURT ? A force de parler de cadrages, de plans, du style des réalisateurs, l’envie de se tester à fabriquer un court-métrage leur vient à l’esprit. L’envie d’un court-métrage « chelou » avec des plans « pas comme d’hab’ ». « On pourrait faire un truc sur une ambiance, une histoire qui n’en est pas une mais qui est juste un alibi pour mettre en place une ambiance » ; « ouais, une atmosphère d’oppression, sans bruits, un type perdu dans une foule… sans visages ». Alors les ados se sont mis à élaborer un scénario en s’attardant plus sur le cadrage, les plans pour pouvoir mettre en place une atmosphère, imaginer des angles de prises de vues pas communs en se servant des références ciné de chacun, à motiver les autres pour devenir acteurs, à réfléchir où filmer…

SE TESTER ET CRÉER Petit Mistral devient donc le lieu de la réalisation, un « type perdu qui rencontre sa folie personnalisée » circule dans le couloir là où le reste de l’année marchent des enfants de maternelle. La cour de l’école est le lieu de la scène finale, à 2 heures du matin après le spectacle, – « Comme ça avec les spots on peut vraiment créer une ambiance pesante, et on peut filmer les ombres immenses sur les hauts murs de l’école ». Les réalisateurs ont fait appel à tous le groupe d’ados pour faire cette scène, il faut créer un effet de foule.

Le temps du cinquième repas devient un temps d’activité, la réalisation se passe sous les yeux des festivaliers adultes accueillis à Petit Mistral qui se mettent alors à jouer leur rôle de spectateurs en questionnant les jeunes réalisateurs sur le pourquoi et le comment, sans jamais tomber dans la question embarrassante ou vexante qui stopperait net l’énergie du moment. Le lendemain, après l’atelier retour de spectacle, c’est au tour du montage. Les trois ados à l’origine du projet se retrouvent devant l’écran. Je leur montre comment fonctionne le logiciel de montage. La discussion commence sur ce qu’ils gardent et ce qu’ils jettent, dans quel ordre, les effets spéciaux à rajouter… Le court-métrage est projeté le soir même lors du repas dans la cour de l’école devant tous les ados et adultes de Petit Mistral. Ce n’était pas du Lynch mais l’objectif est atteint, l’ambiance d’oppression est bien réussie. Et parce que « l’acte est vierge même lorsqu’il est répété » ces jeunes se sont testés et ont créé leur style de réalisation, leurs cadrages ; ils se sont « inspirés de » et non pas « fait comme ». Le festival a permis non le mélange des genres mais la complémentarité des outils ; voir le spectacle vivant, en parler, le mettre en rapport avec le cinéma, discuter des références et des goûts de chacun et faire du spectacle vivant pour fabriquer son cinéma.

Guilhem Rivaillon

Article extrait de CA n° 67 – Les vacances : un droit ! – Juillet 2009




Catalyseurs de projets

En chimie, on parle de catalyseur lorsqu’une substance favorise une réaction sans y participer… Organiser la disposition du mobilier, ranger, décorer, afficher, accrocher… Toutes ces actions peuvent paraître sans lien direct avec les activités d’un centre de vacances, d’un stage ou d’une école. Pourtant, elles créent un environnement plus ou moins propice à l’implication des individus et à la mise en place de projets.

Stéphane Henri, Olivier Ivanoff

 Catalyseurs de projets




Qu’il est bon de jouer

Jeux vidéo : en colo ou en foyer… Si on ne veut pas, que les ACM soit des sanctuaires hors sol, le jeu vidéo doit avoir toute sa place dans les séjours de vacances et de loisirs. Il devra même trouver sa place dans les stages de formations des animateurs !

Parce que le jeu vidéo est un fait de société et une pratique ludico-culturelle des enfants, des ados, des jeunes et des adultes d’aujourd’hui (au masculin et au féminin). Parce que je refuse toutes réflexions trop rapides et trop manichéennes se fondant sur des valeurs traditionalistes. Parce que le jeu vidéo est trop souvent, sur nos terrains, relégués à un rôle péjoratif, à un rôle de simple passe-temps. Parce que bon nombre d’éducateurs et d’animateurs préfèrent éviter la confrontation avec le jeune et sa console. Parce que le jeu vidéo est un objet d’attraction fort pouvant devenir une pratique exclusive. Parce que je suis un joueur vidéo qui en a marre d’être stigmatisé sur la base d’un stéréotype. Parce que l’on a tendance à oublier que les jeux vidéo sont… des jeux ; avec certains militants des Ceméa nous avons le souhait de nous emparer d’une réflexion autour du jeu vidéo. Tout comme le sujet de la télévision il y a quelques années, la réflexion autour du jeu vidéo trouve son intérêt dans le rôle pédagogique, éducatif et/ou culturel que l’on peut lui donner. C’est sur ce point qu’il me semble ici important de s’arrêter et non pas sur l’éternel discours philosophique opposant les technophobes aux technophiles.

Les consoles sont déjà présentes sur nos terrains d’actions, mais bien souvent les enfants (lire : enfants, adolescents et jeunes, garçons et filles) ne sont autorisés à l’utiliser que lors des temps de vie quotidienne : pendant les douches en attendant que l’une d’entre elles se libère mais « à condition que la chambre soit rangée et que le linge sale soit déjà amené à la lingerie ! » Ou bien durant le temps calme, « à condition que ça reste calme ! » Certaines fois, la sanction est plus dure, les consoles sont mises hors état de nuire dès le début de la colo, dans le placard fermé à clé de l’animateur référent, sous couvert de « on avait pourtant précisé avant la colo que la Game boy était interdite sur le centre parce que tu peux te la faire voler ». Et parfois même, cet animateur(trice) se retrouvant seul dans sa chambre après le cinquième repas, va avoir le culot de piocher dans son armoire pour jouer un peu avant de se coucher ! Ces restrictions de jeu montrent que certains adultes ne voient dans la console qu’une pratique solitaire, tout comme la lecture. Pourtant il n’est pas rare de voir des enfants s’agglutiner sur le lit ou sur le banc autour de celui qui joue. Que se passe-t-il durant ce moment de regroupement ? Des conseils fusent et se confrontent, des tactiques s’élaborent à plusieurs, parfois des chamailleries éclatent, la console change de mains. N’avons nous pas ici un des éléments de vie en groupe ? N’avons-nous pas ici des enfants qui se retrouvent autour d’un objet culturel (le jeu vidéo) et d’un objectif commun nécessitant des confrontations cognitives ou stratégiques (finir le jeu) ?

passe-Temps ou addiction Certaines fois, l’animateur est avec ce groupe d’enfants, il se met à jouer avec eux, il participe au conflit cognitif, il participe à élaborer des tactiques, il conseille… mais surtout il se cache. Si ses collègues le voyaient il risquerait sûrement d’être taxé de fainéant et ça lui fait peur ! Pourtant, en quoi un animateur passant du temps privilégié avec quelques enfants, s’intéressant et participant au plus près des préoccupations de ceux-ci serait-il à blâmer ? Son collègue qui joue au billard indien avec trois autres enfants est-il plus professionnel, plus pédagogue ? Pourquoi l’un est-il vite pris de culpabilité alors que l’autre ne se pose même pas la question de savoir s’il est ou non dans son rôle d’animateur ? Peut-être que la différence se situe dans l’image qui colle à la peau du joueur vidéo ? Peut-être est-ce parce que l’on a l’habitude de ne voir le joueur vidéo que comme un marginal, quelqu’un qui a des problèmes et qui se réfugie dans le virtuel, quelqu’un d’asocial voire pire d’antisocial, quelqu’un qu’il faudrait « aider », quelqu’un qui a besoin de reprendre confiance en lui, quelqu’un qui a besoin d’un petit ami ou d’une petite amie ? Question de stigmates : le joueur vidéo est un Geek, il voue sa vie, son temps et son argent au virtuel. Mais le joueur vidéo peut aussi être quelqu’un qui va bien, qui a de multiples centres d’intérêts. Il peut aussi être quelqu’un qui prend sa vie en mains, qui a des amis, qui mange équilibré avec le reste de sa famille, qui fait du sport et du théâtre. Le joueur vidéo est d’abord quelqu’un qui joue ! On entend, souvent dans le langage commun, parler d’addiction aux jeux vidéo, de jeunes qui se coupent du monde, de Japonais trop pris dans le jeu et qui meurent faute d’avoir oublié de manger durant trois jours (!). Mais les études de sociologues et psychologues montrent qu’en fait le phénomène d’addiction au virtuel reste extrêmement rare même si certains jeux vidéo inscrivent dans leur conception même des mondes virtuels paraissant sans limites. Il y a en réalité une différence entre « passer beaucoup de temps » et « être en état d’addiction ». Cette nuance est bien souvent oubliée dans les discours communs, ce qui provoque l’effet bien connu de déformer, grossir la réalité et créer un stigmate. L’un des remèdes à ces discours alarmants peut être la pratique, l’immersion dans le virtuel afin de le comprendre. Il me semble en effet qu’un rapide passage de quelque minutes devant l’écran ne suffit pas à la compréhension des ces mondes complexes. Les consoles de jeux se multiplient dans les mains des enfants, que l’on soit pour ou contre c’est un état de fait et nos terrains d’action n’en sont pas épargnés. Et alors ? Pourquoi faire semblant d’adopter une attitude de résistance, qui en vérité est une attitude conservatrice, en les interdisant dans nos centres ou a contrario en adoptant une politique de l’autruche où l’on relègue cette activité courante chez les enfants au rang des choses futiles, débilisantes et solitaires.

Au service de l’éducateur Mon questionnement ici n’est pas tellement de savoir si les jeux vidéo rendent débile, violent et asocial (sur ce point les psychologues, plus compétents que moi, paraissent avoir des débats très divergeant ) mais est plutôt de savoir ce que, nous, adultes faisons de cet objet. De la même manière que la télévision peut ne servir que de passe-temps les jours de pluie ou de réel outil pédagogique pour faire un projet d’éducation aux media, la console vidéo est un objet de plus au service de l’éducateur, c’est donc à lui de transformer cet objet un outil pédagogique ou de l’inscrire dans des projets de loisirs diversifiés. « Les adolescents ne veulent rien faire, ils n’ont aucune motivation » m’a dit un jour un humble animateur professionnel d’une humble maison de quartier, tout en branchant une Game Cube qui sera laissée en libre disposition tout le mercredi après-midi dans la salle « Accueil Jeune »… L’action des éducateurs dans cette maison de quartier (qui n’est qu’un exemple) est exclusivement le « laisser jouer’ ». Laissant les ados entre eux, dans un monde que manifestement les adultes connaissent peu, ce qui le rend encore plus attractif.

Jouer avec L’autre position que pourrait prendre l’acteur éducatif est le « jouer avec ». À la fois pour comprendre les mondes dans lesquels s’immergent les joueurs, pour avoir une action éducative ciblée face à la gestion de la frustration de l’arrêt du jeu et face à la gestion du temps ; donc face au rapport réel/virtuel. Mais aussi pour créer des portes de sorties qui viennent de l’intérieur du monde virtuel et ouvrir les possibilités de choix (faire découvrir d’autres types de jeux, d’autres univers graphiques). L’acteur éducatif a intérêt à alterner ces deux positions. Il me semble que les variables dont l’acteur éducatif doit être regardant sont : – Le contenu du jeu, afin de ne pas mettre un enfant face à des images (situations) qu’il n’est pas prêt à recevoir. – Le temps de jeu, afin de créer un espace temps ayant un début et une fin. Une grande quantité des scénarios de jeu sont en effet construits dans la durée, certains sont sans moment de pause et d’autre jeux sont illimités et permanents sur le net. Il est désormais temps d’arrêter de stigmatiser le jeu vidéo, d’arrêter de faire la politique de l’évitement. J’irais, moi, en colo l’été prochain avec ma Wii dans le même curver qui contient mon Opinel, mes livres de contes et de chants, ma caméra vidéo et l’envie de construire des cabanes. Comme ça, on pourra jouer lors d’après-midi trop ensoleillées sous une tonnelle. Bien sûr la console ne restera sûrement pas en libre service et j’inviterai avec une même ferveur les garçons et les filles à venir jouer. Peut-être que jouer à Mario Kart leur donnera envie de construire des caisses à savon ?

Guilhem RIVAILLON

1. Virole Benoît, L’addiction aux jeux vidéo 2. L’Observatoire des Mondes Numériques en Science Humaines met en ligne des recherches universitaires, consultables gratuitement à l’adressewww.omnsh.org

Cliquez ici, pour voir le sommaire des Cahiers de l’animation N° 66, revue des CEMEA, dans lequel a été diffusé cet article.




Les petits philosophes

Les enfants, les ados, se posent autant de questions concernant les grands problèmes de la vie que nous, adultes. Il est essentiel pour eux de s’apercevoir qu’ils peuvent être producteurs d’une pensée qui leur est propre, que cette pensée est une force en elle-même parce qu’elle est mise en mots, et entendue par d’autres, et que ce sont toutes ces pensées qui font l’humanité.

Un jour, quatre garçons sont entrés dans l’infirmerie en me demandant « Clara, on veut savoir ce que tu penses de la prison » et ils ont commencé à raconter…

Un autre jour, une adolescente m’a dit : « C’est bizarre, cette infirmerie, c’est comme si on était obligé d’être nous-mêmes ; c’est l’atmosphère, on se sent en sécurité. Même quand on ne parle pas, j ‘ ai l ‘ impression que tu nous écoutes. »

Et puis, il y a eu ces fameux ateliers de philo. Ils se déroulaient après le déjeuner, « pour ceux qu’ça branche » . Quand on s’y retrouvait, le groupe choisissait le thème sur lequel il avait envie d’échanger. Pendant quinze minutes, on s’enregistrait Chacun pouvait demander le micro et parler sur le thème, moi je me taisais. Dans un deuxième temps, on réécoutait l’enregistrement et on pouvait demander à l’interrompre pour réagir à ce qu’on entendait, toujours dans l’intention de comprendre la pensée de l’autre. Moi, j’étais garante de la circulation de la parole et de la sécurité de chacun à l’intérieur du groupe. Pour cela, au début de chaque atelier, le cadre était posé : la durée, la règle de prise de parole, l’obligation de non-jugement, la confidentialité.

J’ai retranscrits ces ateliers dans l’ordre où ils ont été vécus, et de manière anonyme.

Clara GUENOUN

 Les petits philosophes




Jouer en réseau

Mais qui diable a bien pu avoir cette idée saugrenue de faire entrer une douzaine d’ordinateurs, dans ce sacro-saint lieu de rencontres, de découverte, d’éducation et de partage qui fleure bon les valeurs qui nous sont chères à nous animateurs socio-culturels ? Les jeunes ne sont-ils pas assez devant leur écran chez eux pour en rajouter « chez nous » ?

Du danger des jeux en réseau

Quand on parle jeux vidéo et plus particulièrement jeux en réseau, c’est souvent l’image du JT de Jean-Pierre Pernaut (ou autre !) qui vient à l’esprit : un joueur de plus a été retrouvé dans un piteux état chez lui après une overdose de jeux… Il ne dormait plus, ne s’alimentait ni ne s’hydratait plus (ou presque), etc., etc. Il faut bien dire qu’on l’imagine volontiers : véritable albinos, les yeux rouges, hypnotisé par son écran et tirant virtuellement sur tout ce qui bouge !

Les légendes urbaines sont décidément bien tenace et si je ne nie pas que cela puisse arriver, je me remémorerai les musiciens qui passent leur temps à jouer de leur instrument (à s’en crever les tympans !), les lecteurs invétérés (à en devenir aveugle !) qui n’arrivent pas à décoller de leur ouvrage tant qu’ils n’ont pas dévoré la dernière page et autour desquels le monde pourrait s’écrouler, les férus de nature qui vont guetter toutes les nuits un buisson, espérant découvrir quelques espèces sauvages au petit jour… Les « addictions » sont nombreuses, les passions souvent dévorantes. A chacun de les gérer et de se faire aider si besoin ! Les jeux en réseau n’échappent pas à cette règle, ils ne s’en démarquent pas non plus. Ce qui peut faire peur, c’est qu’une majorité des jeux en réseau a lieu « en ligne », entendez par là que les parties se jouent en étant connecté à internet. Elles se déroulent dans un monde virtuel persistant en constante évolution – même quand vous n’êtes pas devant votre ordinateur – puisqu’étant planétaire, il y a toujours des joueurs devant leur écran dans un hémisphère ou dans un autre. Le danger est de ne plus vouloir ou pouvoir décrocher de peur de louper quelque chose d’important. Je pense que c’est une éducation, une réflexion à apporter. On ne peut pas tout maîtriser tout le temps… Ça me fait un peu penser aux jeunes enfants qui ne veulent pas aller se coucher de crainte de manquer quelque chose. Si ce type de jeu vidéo met cette dérive en exergue, ce n’est ni exclusif ni exhaustif : on peut être accro. à l’info 24h / 24h grâce notamment à internet ou à la télé. Souvenons-nous du temps de cette bonne vieille mire, des uniques chaînes françaises nationales et de leurs programmes diffusés qu’une douzaine d’heures par jour ! Mais pourquoi le choix d’introduire le jeu en réseau dans un local jeunes ? Le jeu en réseau est un phénomène de société, on peut le nier, l’ignorer ou le prendre en compte. C’est ce dernier choix que nous avons fait. Nous avons ouvert la porte, découvert le personnage, l’avons apprivoisé. L’important est comme dans tout : ouvrir les yeux, aiguiser son sens critique et garder le meilleur en évitant le pire. Si beaucoup de jeux en réseau sont violents, tous ne le sont pas. Et quand bien même, d’autres jeux de cour ou de société ne sont-ils pas eux aussi porteurs de cette violence ? On retrouve un peu le même principe : les bons et les méchants, une ou des morales… Le réseau introduit désormais la notion de terroristes et de forces de l’ordre là où on jouait aux gendarmes et aux voleurs quand on était petit ! En invitant le jeu en réseau au local, nous nous sommes emparés de l’objet, avons ouvert le dialogue avec les jeunes. La cerise sur le gâteau, c’est que nous avons attiré un nouveau type de public qui a initié un public d’habitués qui a lui-même initié le premier aux autres activités du local.

Oui mais, avant, on jouait ensemble…

Eh bien, encore un truc qui n’a pas changé ! Si chacun est seul face à son ordinateur, les joueurs sont généralement répartis par équipe. Les stratégies se créent au fil de la partie comme dans un bon Douaniers-contrebandiers ou dans une bonne partie du jeu de société Dune. La réflexion, la stratégie et les échanges entre coéquipiers sont primordiaux ; de leur qualité dépendra la victoire ou la défaite. Les joueurs sont ainsi amenés à s’entraider pour éliminer un démon dans World of Warcraft. Ages of empires incite également à échanger des denrées et des matières premières pour évoluer et faire évoluer ses compagnons de route… Avec parfois des joueurs à l’autre bout de la planète, ce qui donne l’occasion de réviser sa géographie, de s’enquérir du temps qu’il fait en Australie ou aux Etats Unis et de parfaire son anglais ! L’échange se fait pendant la partie mais aussi, bien souvent, après : on refait le match et on souligne les actions remarquables comme on pourrait le faire après un bon match de rugby ! Ennemis et alliés sont oubliés : il n’y a plus que des joueurs sans étiquette, des participants au même moment ludique.

Trop de jeu tue le jeu

Le jeu en réseau confirme la règle : trop d’exclusivité tue l’exclusivité et donc trop de jeu tue le jeu. C’est là qu’intervient l’animateur : faire en sorte que les jeunes ne fassent pas que fréquenter leur ordinateur mais qu’ils découvrent et pratiquent d’autres activités… Ce qu’ils faisaient en rechignant un peu au départ est devenu normal et vécu avec plaisir aujourd’hui. Le jeu en réseau est devenu une activité comme les autres, parmi les autres. L’animateur, on en a peu parlé pour le moment alors que sa place est primordiale. En étant attentif, à l’écoute, en étant partie prenante dans les parties de jeu en réseau, il a été l’élément fédérateur entre joueurs initiés et débutants, le garant des règles de fonctionnement et de bonne conduite – au moins le temps que chaque jeune les intègre et en soit garant à son tour – l’élément modérateur quand il le fallait, l’incitateur vers d’autres activités, l’éveilleur d’esprit critique. Lors des dernières vacances, nous avons monté un atelier de modélisation afin qu’une partie des jeux puisse se dérouler dans des lieux imaginés par les jeunes. Avec leur animateur, ils se sont lancés dans la reproduction du local jeunes et d’une partie du centre-ville avec un logiciel d’image 3D. Ils ont dû se concerter, se répartir les différentes tâches. Ils ont relevé les côtes des différents bâtiments en les mesurant mais aussi en utilisant les plans du cadastre récupérés auprès de la Mairie. Ils les ont reconstitués à l’échelle sur ordinateur, sont partis les photographier pour récupérer les bons coloris et motifs des façades et des revêtements de sol… Puis le travail de chaque groupe a été rapatrié sur un seul et même ordinateur chargé d’amalgamer tous ces petits bouts pour obtenir un ensemble définitif, cohérent et utilisable dans les jeux. D’une activité virtuelle souvent décriée est né un vrai projet de jeunes, bien inscrit dans le réel. Qui prétendra que le jeu en réseau n’est pas une activité digne de ce nom ?

Stéphane Esquirol

Article extrait de CA n°60 – Je, jeux, enjeux



Sortir du jeu imaginaire

Comment faire admettre aux enfants que le village de lutins qu’ils ont observé pendant une semaine est un jeu avec un début, une fin et des règles qu’ils ont construites au fur et à mesure du jeu ?

Quelle place donner à l’imaginaire, jusqu’où faut-il aller pour ne pas mettre en péril la sécurité affective des enfants ? A-t-on le droit de mentir aux enfants ? Inventer une histoire pour les faire entrer dans le jeu, est-ce leur mentir ? Tant de questions auxquelles il est nécessaire d’avoir réfléchi avant de se lancer dans cette merveilleuse aventure de l’imaginaire avec de jeunes enfants.

Une partie du groupe des petits a été invitée à explorer la forêt pour y découvrir des maisons de lutins disposées ça et là par un animateur pendant la nuit. Très vite, les enfants se prennent au jeu et décident de leur donner à manger, de leur faire des cadeaux… Chaque jour débute une nouvelle aventure, une nouvelle histoire avec ces petits personnages qu’ils ne voient jamais mais qui toutes les nuits laissent des traces de leurs passages. Pour relancer chaque journée, l’animateur confectionne de nouvelles maisons… De plus en plus intrigués, les enfants construisent des détecteurs de lutins pour tenter de les localiser. Ils partent alors en expédition dans la forêt. Afin de « pimenter » le jeu l’animateur les emmène sur la piste d’un ours qui habite la forêt et menace le village des lutins. Les enfants chuchotent, se cachent… pour ne pas se faire remarquer par l’animal. Aucun signe de nervosité, de peur apparente, tous les enfants sont dans le jeu. Le lendemain après-midi, un petit garçon ne veut pas rejoindre son groupe, il reste avec nous à l’infirmerie. Au moment du goûter, il va avec les autres, mais il refuse de monter dans la prairie. Nous mettons cela sur le compte de la fatigue et sur le fait que sa maman lui a dit le matin même que le lendemain il resterait à la maison avec elle. Le soir, à l’arrêt du bus, nous expliquons cela à sa maman ainsi que nos différentes hypothèses. Elle nous dit alors que son fils a cauchemardé la nuit, qu’il a eu peur de la forêt, qu’il lui a dit ne plus vouloir y retourner…

Nous n’avons pas vu ou n’avons pas su décoder les signes de crainte chez cet enfant. Sans doute qu’à un moment donné nous n’avons pas fait la différence entre un sourire d’amusement et un sourire de façade qui masque la peur. Nous n’avons peut-être pas pris suffisamment de temps avec lui pour expliquer qu’on joue à faire semblant, que l’ours n’existe pas, que c’est un jeu Le soir en réunion nous évoquons la fin de cette aventure, comment amener les enfants à bien prendre conscience que c’est un jeu qu’ils ont construit ensemble, que tout cela n’existe pas ? Se pose alors la crainte de leur avoir menti, de les avoir trahi. Il s’agit de leur faire comprendre qu’on a joué à « faire semblant ». L’animateur peut retourner sur les lieux pour leur dire et leur montrer tout ce qu’il a fait lui-même… Ce serait, au contraire, plus dangereux de ne pas leur dévoiler le jeu, de les laisser croire aux lutins, aux ours dans la forêt, de les laisser grandir avec toutes ces fausses idées vectrices de craintes. U ne deuxième piste a été de redonner à la forêt un caractère « concret » en y pratiquant un jeu qui ne fasse pas du tout appel à l’imaginaire, mais qui l’utilise pour ses qualités propres. L’idée retenue a été un jeu de cachette : retrouver un objet bien connu des enfants qui a été préalablement caché par l’animateur. Pour cela, il est nécessaire de baliser le terrain de manière très précise. Tout cela dans le but de ne pas insécuriser les enfants. Si le jeu avec l’imaginaire est nécessaire, il est tout aussi indispensable de pouvoir en sortir.

Marlène Mouillaud

Article extrait de CA n°56 – D’un été vers l’autre



Chouette, on va à l’opéra !

Oser le culturel ! Beau slogan que nous avons déjà développé dans ces colonnes. Oser l’opéra, qui plus est dans un des temples européens de la culture. Oser le culturel, c’est oser aussi l’aventure.

Nous sommes à Mariánské Lázn (ou comme on disait, à Marienbad) pour la journée et nous venons de terminer une partie acharnée de Bertole*. Tout en rangeant le matériel, je remarque que Florian, 15 ans, m’observe, l’air perplexe. Je le regarde, l’œil gauche interrogateur, et il me lance : « Dis-moi Jean-Noël, qu’est-ce qui t’a pris de te lancer dans l’animation à 64 ans ? » Le sérieux de la question et l’étonnement réel de Florian m’empêchent d’éclater de rire. Affichant seulement un sourire amusé et respectueux en préambule, je lui fais un bref historique de mon engagement dans l’animation. Oui, j’ai été « moniteur », oui, je suis directeur et depuis un bon bout de temps, je participe à des formations d’animateurs et de directeurs, et si je me trouve ici aujourd’hui, c’est que Mohamed, le directeur, m’a invité à encadrer ce séjour d’une semaine à Prague avec cette trentaine de jeunes. Je lui parle brièvement de ma rencontre avec Mohamed durant l’été précédent à Avignon où nous participions à l’accueil et à l’accompagnement de vacanciers durant le festival.

Accompagner des personnes… Faire un bout de chemin avec elles, les mettre en relation, les aider à se parler de ce qu’elles découvrent d’un environnement nouveau, d’un fragment culturel, les aider à se parler de ce qu’elles découvrent des autres et d’elles-mêmes par une mise en mots de leurs goûts, des émotions ressenties, c’est ce que je suis venu faire ici aussi. Mais ceci, je ne le dis pas à Florian.

Dans le dépliant de l’organisme qui a « vendu » ce séjour, on peut lire qu’une soirée sera prévue à l’Opéra. Prague transpire la musique de tous ses pores, mais « l’Opéra », ça fait un peu peur. Comme tous les jeunes, je ne suis jamais allé à l’Opéra… et il appartient à l’équipe de les aider au mieux !

Depuis deux jours, nous avons en poche les billets pour aller voir Nabucco. A part le nom de Verdi et Le Chœur des esclaves, je n’ai pas de quoi être fier de l’étendue de mes connaissances !

Internet faisant bien les choses, je finis par récupérer « l’histoire » de Nabucco, diminutif charmant de Nabuchodonosor. Comment vais-je m’en tirer pour en causer un peu ? Je sais que le terme d’« Opéra » comme celui de « théâtre » peut résonner dans certaines têtes comme espace « étranger à ma culture », donc comme lieu inaccessible ou interdit par ce qui s’y joue ou par le prix à payer.

Le problème financier étant résolu pour ce soir, il me faut trouver le moyen de titiller les esprits des jeunes afin de leur donner des billes pour accepter de suivre un spectacle en italien surtitré en tchèque !

Je me lance donc dans un « racontage » de cette histoire en quatre actes, avec des gentils et des méchants, comme dans les westerns ou dans Star Wars, de l’amour entre deux jeunes gens de familles opposées, l’ivresse du pouvoir, la guerre, l’oppression des uns sur les autres, la mort de la « méchante », la paix retrouvée … J’ai l’impression que je ne m’en sors pas trop mal et nous partons.

La plupart de nos jeunes ont mis du « 31 » dans leur tenue, le gel et l’eye-liner sont de sortie : « Ben quoi ! On va à l’Opéra, non ? » et nous nous retrouvons bientôt sur les marches de l’Opéra, en compagnie de Tchèques super équipés en robes longues, bijoux et costumes chics. Il est évident que nous ne jouons pas dans la même division, mais ce soir, nous serons sur le même terrain.

Hall d’entrée, dorures, lustres, larges escaliers, et nous voilà répartis quatre par quatre dans des loges au premier balcon, une moitié côté jardin, l’autre, côté cour, nous faisant face. On se fait des « coucou » en riant, prenant les autres à témoin de notre présence dans ce lieu. On en prend plein les yeux du lustre monumental, du plafond, de l’orchestre dans la fosse…

Et l’orchestre attaque… Les actes s’enchaînent plus rapidement que notre inculture ne le laissait présager. A chaque entracte, on en profite pour se parler (fort le plus souvent) des personnages, des costumes, du décor, des éclairages, pour se questionner, « réviser » l’histoire, se raconter les aventures des musiciens, celle des deux contrebassistes qui se parlaient à l’oreille, celle de l’un des clarinettistes qui se cachait derrière son pupitre pour rire tout en nettoyant son instrument…

Au bout de quatre heures, c’est le salut final, la sortie au milieu du beau monde, les retrouvailles sur les marches dans la nuit fraîche de Prague et l’on se parle encore : « Heureusement que tu nous avais raconté l’histoire, parce que sinon… C’te robe qu’elle avait la princesse ! Y bougeaient pas beaucoup les comédiens ! Je me suis un peu endormi à la fin. C’était beau tous ces fauteuils rouges ! » Après un petit moment de « récolte » d’impressions, il nous faut partir trouver de quoi manger, rentrer pas trop tard à l’auberge de jeunesse car demain, on se lève tôt, nous quittons Prague.

Moi, je sais déjà qu’une fois rentré, mon premier disque d’opéra sera Nabucco, ne serait-ce que pour retrouver de ces moments passés avec ces jeunes qui m’ont accompagné à l’Opéra.

Jean-Noël Obert

Note * Pour les règles de ce jeu, voir les Cahiers de l’Animation n° 36.

Article extrait de CA n°55 – Et les parents alors ?



Créer une chanson

Chanter ses textes et sa musique, un projet mené avec des enfants de 8 et 9 ans qui les a amené à avoir une écoute et une perception différentes des chansons.

Nous avons commencé notre projet en prenant le temps d’écouter de nombreuses chansons avec des formes textuelles et musicales très variées. Certaines de celles avec lesquelles le groupe accrochait le plus, ont été apprises. La dynamique s’est créée et les enfants se sont mis à apporter de chez eux des enregistrements de chansons qu’ils aimaient bien et qu’ils voulaient faire connaître aux autres. C’est ainsi, que nous avons découvert des chanteurs turcs que leurs « fans » ont eu un plaisir évident à nous présenter. Prendre le temps de l’écoute a permis de dépasser l’image qu’ils pouvaient avoir de la chanson telle qu’ils l’entendent et la voient quotidiennement sur les médias, sans pour autant faire l’impasse de cette réalité.

Les enfants ont élargi leur répertoire, leur culture musicale. Ils ont appris à découvrir, à percevoir les finesses du lien texte musique et cela a certainement eu des incidences sur les stratégies qu’ils ont mises en place lors de la création de chanson. Mais cette écoute a également amené à la découverte de la langue française sous un nouveau jour. Dans les chansons on trouve du vocabulaire, des structures de phrases, des procédés littéraires qu’il n’est pas toujours facile d’assimiler dans un autre contexte, mais qui là, sont liés à un projet. La forme chantée leur a permis de s’imprégner plus facilement de toutes ces structures de langage et de les mémoriser. Dans le cadre de cette sensibilisation, nous avons lu des poèmes. Nous avons ensuite écouté ces textes mis en musique par des chanteurs. Des enfants qui avaient souvent du mal à apprendre des poésies ont constaté qu’aidés par le support musical, ils en étaient capables. Les enfants peuvent s’imprégner de cette manière de beaucoup d’éléments syntaxiques et lexicaux.

Écrire les textes / Jouer avec les mots Le choix du sujet s’est fait par tâtonnement et en fonction de l’avancée de nos essais et expériences. Pour les couplets, nous sommes partis d’un petit jeu que chacun a dû faire un jour : changer les paroles d’une chanson. Nous avons choisi une des chansons que les enfants avaient apprises et ils ont cherché à en modifier le texte. Dans un premier temps, uniquement la rime et la musique des mots ont été recherchées. Puis, des associations d’idées se sont dégagées. Enfin, un choix a été opéré entre plusieurs thèmes qui apparaissaient et le texte s’est affiné. Tout ce travail s’est d’abord fait à l’oral. Puis, nous avons écrit les propositions qui commençaient à prendre forme et dont nous voulions garder une trace. Cette élaboration a pris plusieurs séances, au cours desquelles les propositions ont été reprises et modifiées en fonction de nos critiques. Pour le refrain, nous avons eu la démarche inverse. Nous avons créé une musique, puis les enfants ont cherché des mots et des sons en fonction du thème, de la mélodie et du rythme. Chaque phrase du refrain a été modifiée plusieurs fois. Là aussi, l’oral a été premier et des notes ont été prises en fonction du choix et de la nécessité de se souvenir de certaines propositions. Durant l’élaboration des textes, les enfants ont eu à rechercher individuellement, à travailler en petits et en grand groupe. La principale difficulté de ce travail sur les textes aura été de faire en sorte que chacun s’en sente co-auteur, et que les modifications, les adaptations et les choix successifs ne soient pas perçus comme des mises à l’écart, mais comme des étapes du projet.

Créer des chansons, c’est pouvoir jouer avec les sons, les mots, les sous-entendus. Les enfants ont pris un réel plaisir à s’amuser avec le langage. Ils ont pu percevoir de manière plus fine les différents niveaux de lecture d’un texte. Mais cela a également permis une certaine démystification de l’écrit. On peut jouer avec les mots et se faire plaisir en les manipulant. Lire et écrire ne sont pas invariablement liés à la notion de rendement, de réussite et d’échec.

Créer une musique De nombreux jeux mélodiques et rythmiques, ainsi qu’un travail sur les rimes en poésie ont été vécus avant la phase de composition. Pour les couplets, les enfants ont cherché, puis chanté différentes propositions qui ont été enregistrées. Ces mélodies ont été réécoutées, puis retravaillées en fonction des remarques et des critiques. Les enfants ont chanté de nouvelles propositions qui ont été elles aussi enregistrées. À partir de ces enregistrements, des mélanges et des choix ont été faits. La mélodie choisie a été enregistrée, puis apprise et chantée. Des passages se sont modifiés, en fonction du chant en groupe. Pour les refrains, un accompagnement de base a été joué en boucle. Les enfants l’ont écouté puis ont essayé individuellement de fredonner une mélodie. Ces propositions ont été enregistrées. Cette élaboration a pris plusieurs séances, au cours desquelles les propositions ont été reprises et modifiées en fonction de nos critiques. Les choix se sont faits non par rapport à un produit fini, mais dans le cadre d’une recherche collective et sur des avancées progressives.

Chanson ne rime pas forcément avec paillettes Lorsque notre chanson a été terminée, un arrangeur professionnel en a réalisé l’orchestration. Les enfants ont été fascinés de voir la traduction de leur travail sous forme de partition et d’entendre leur chanson accompagnée par plusieurs instruments.

C’était exactement leur création, mais elle prenait un autre relief, ils pouvaient la percevoir sous un angle différent, avec du recul par rapport à tout ce qu’ils avaient vécu. Nous sommes ensuite allés enregistrer notre chanson, qui devait paraître sur un CD collectif.

Les enfants ont chanté, accompagnés par des musiciens. Le choix avait été de privilégier ce lien direct lors de l’enregistrement, par rapport à une bande enregistrée.

Ils ont vu les instruments, côtoyé les musiciens, vécu l’ambiance du studio et ont perçu certaines des difficultés de la prise de son. Ils ont aussi découvert que musique ne rime pas forcément avec paillettes.

Olivier Ivanoff

Article extrait de Les Cahiers de l’Animation n°47