Marketing responsable, accompagnement des parents

1398355864982[1]En ces temps marqués par l’omniprésence d’un éditorialisme qui impose sur tous les supports un pseudo langage d’expertise et de politologue et dont la capacité de nuisance fascine désormais de plus en plus de blogueurs*, l’association Enjeux e-médias a déployé plusieurs initiatives.** Dans le cadre de la mission confiée par Mme Filippetti à Mme Sirinelli, à propos de la mise en place d’un Conseil de presse, en France, Enjeux emédias a proposé que la création de ce Conseil s’inscrive dans une orientation de co-régulation (industriels, journalistes, société civile) et non dans une autorégulation de la profession qui s’adjoindrait la présence du « public » à la marge.

Au regard de la désaffection du public et de sa perte de confiance envers les médias, l’urgence et la nécessité d’une instance de régulation des pratiques journalistiques ne sont plus à démontrer. Enjeux e-médias souhaite donc que la création d’un tel Conseil soit posée à une échelle « politique » et « citoyenne », ce qui permettrait de « sortir » des débats corporatistes qui en bloquent toute avancée.

Fort de cette analyse Enjeux e-médias a également participé à la journée de présentation du livret de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) du secteur des médias, le jeudi 6 mars 2014.

Le collectif qui soutient également la prise en compte par les entreprises de leur responsabilité vis-à-vis des effets sur la société et sur leurs publics souhaite jouer un rôle actif en tant que partie prenante par son action au coeur des questions de déontologie de l’information, de protection des données personnelles, de prise en compte des intérêts des jeunes publics, du marketing responsable et de l’éducation aux médias. Dans la dynamique de cet espace d’échanges et de dialogues le collectif a fait la proposition au Forum Médias RSE d’entamer ou de poursuivre un travail approfondi sous forme d’ateliers de réflexion et d’échanges sur cinq des axes qui ont été retenus.

Sur le marketing responsable : la question de la publicité dans les espaces pour enfants, des jeux d’argent et de hasard, au moment où le rapport de l’observatoire mis en place pointe les effets sur les publics fragiles…

Sur l’accompagnement des parents, pour aller vers un changement d’échelle, par la diffusion large, de contenus d’éducation aux médias… Sur la protection de l’enfance par rapport à l’offre de téléréalité, aux contenus violents, à l’image des jeunes renvoyée par les médias…

Le rétablissement de la confiance du public dans les médias d’information par la création d’un Conseil de presse, à l’échelle du secteur… La valorisation de l’action des médiateurs dans les médias…

* Voir le dossier 42 de la revue Lignes consacré à la pensée critique contre l’éditorialisme. octobre 2013.

**http://www.enjeuxemedias.org/enjeux-e-medias-recue-au-ministère
http://www.enjeuxemedias.org/rapport-sirinelli-un-essai-a
http://www.cemea.asso.fr/multimedia/enfants-medias/spip.php ?article1234

Bertrand Chavaroche rédacteur en chef & Christian Gautellier directeur de la publication

Texte paru dans VEN n°554




Objets inanimés…

1398355864982[1]Je me souviens encore du brouhaha provoqué par l’introduction du terme d’animateur dans les colonies de vacances, devenant par là même des centres de vacances et de loisirs. Le Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animation (Bafa) remplaçait le diplôme de moniteur de colonies de vacances. Nous étions en 1973. Trois ans auparavant avait été créé le Brevet d’Aptitude à l’Animation Socio-Educative (Base), qui ne fit pas tant de vagues, me semble-t-il.

Passer de la fonction de moniteur à celle d’animateur posait d’un coup la question de la fonction. Le débat fut vif, avec, sous-jacent, un refus de « donner une âme, de donner de la vie » et autres définitions toutes académiques. Les mots forts que j’entendais autour de moi disaient véhémentement le refus de considérer les sujets qu’étaient les enfants, les jeunes mais aussi les encadrants comme des objets auxquels il faudrait insuffler on ne savait quelle vie, ou quelle âme !

Le débat ne me sembla pas soulever tant de vacarme dans le milieu professionnel, lequel, bien que peu défini, existait déjà. Les « permanents » (on ne sait trop de quoi d’ailleurs) trouvaient un terme auquel se raccrocher. Le concept viendrait plus tard, nourri notamment par la mise en oeuvre du Defa (Diplôme d’État aux Fonctions d’Animation). Il faut bien évidemment rapprocher tout cela du bouillonnement de l’époque, à la fois culturel et politique – nous sommes tout proche encore de 1968. Mais on peut également le rapprocher d’un débat qui me semble conserver toute son acuité, même occulté comme il l’est aujourd’hui ; c’est celui de la mise en oeuvre du projet politique de l’Éducation populaire.

Et d’un coup nous revoilà à peu près quarante années plus tard au cœur du même débat, posé certes d’une toute autre manière. L’Animation, puisque le terme est devenu générique (même s’il recouvre tout et parfois n’importe quoi, avec autant de précision que celui de « projet ») est directement, génériquement issue de l’Éducation populaire et des valeurs qui l’ont fondée. Dans un raccourci certes discutable, on peut dire que l’on est parti d’une ambition puissante de mettre en oeuvre des pratiques dans lesquelles des sujets parlent, se parlent entre eux, s’organisent, apprennent le vivre ensemble, la liberté et la pratique collective de celle-ci. En plus clair, un projet d’émancipation, de respect d’autrui. Peut-on dire que la boucle semble se boucler, dans une sorte de « fonctionnalisation », par la vision, et je n’ose penser à un projet politique, de sujets qui animent des objets ?

Peut-on dire, dans ce débat, en le poussant à l’extrême, que la marchandisation pourrait pousser ces mêmes « sujets » à consommer des objets ? ou que ces sujets « pensants » donneraient de l’énergie à ces objets captifs pour leur apprendre à « mieux » consommer, voire se consommer eux-mêmes ? Pris dans cette spirale, le débat se perd. On peut pourtant le résumer à quelque chose de bien plus simple, quoique… Soit l’animation est le moyen d’acter, d’agir, les valeurs profondes de l’Éducation populaire, soit elle est ou sera autre chose. Le débat est donc réellement politique. Au sens profond du terme politique. Justement très éloigné des concepts gargarismes que sont l’instrumentalisation, la fonctionnalisation, la rentabilité et autre gestion. Soit elle est effectivement l’affinement jusqu’à l’absurde de ce triste constat de « sujets qui animent des objets ». C’est alors tout autre chose.

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? »
Lamartine

Alain Gheno

Texte paru dans VEN n°554




Le droit au départ en vacances collectives : un vrai projet politique

1391614784851[1]La refondation de l’école et la réforme des rythmes éducatifs continuent de susciter bien des réactions. À croire que les enjeux éducatifs et la vision globale de l’éducation sont bien peu de choses à côté de « postures » partisanes, corporatistes ou archaïques. Même si nous avons nous aussi regretté les erreurs, les modalités ici ou là trop rapidement imposées et mises en oeuvre, mesuré les complexités inhérentes à un projet d’une telle envergure, nous soutenons « la refondation de l’École à l’oeuvre aujourd’hui ». Nous contribuerons avec vigilance et avec force, par des propositions construites sur nos compétences et nos conceptions éducatives, à la réussite de cette réforme.

Cette réforme articule et met en tension les différents temps sociaux dont l’un d’entre eux ne bénéficie pas aujourd’hui, de toute l’ambition politique qui devrait lui être apportée. Le temps libre, les temps libérés, les temps de vacances et de loisirs sont absents de la politique actuelle du gouvernement.

Les Ceméa ont toujours porté des conceptions éducatives qui combattent les dérives consuméristes, les logiques qui font des participants une clientèle. Ils privilégient des pratiques fondées sur l’émancipation des personnes, leur responsabilisation, leur apprentissage du vivre ensemble, pour mener le combat de la reconnaissance de l’éducation non formelle.
En 1988 nous organisions « 2010 l’Odyssée des loisirs » en complicité avec Joffre Dumazedier, en 2004, les journées d’étude sur les « Temps libérés » avaient permis à des chercheurs comme Jean Viard ou André Rauch, de valider ce combat pour un droit aux vacances et aux loisirs pour tous, contre les inégalités et les exclusions grandissantes.Le droit au départ en vacances, à la mobilité choisie pour découvrir l’ailleurs et s’ouvrir aux autres sont des utopies qu’il nous faut rendre concrètes pour tous.

« Valérie Fourneyron, ministre des Sports, de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative a annoncé l’ouverture d’un grand chantier visant à faire évoluer le secteur des colonies de vacances à but non lucratif et à le conforter dans sa mission principale : permettre à tous de partir en vacances collectives. » Chiche, devrions-nous dire, parce que les Ceméa soutiennent cette décision. L’analyse des raisons qui conduisent à la baisse de fréquentation ne doit pas conduire pour autant à une vision minimaliste et quelque peu nostalgique des colos. Ce sont celles de demain qu’il faut inventer !

C’est un regard politique et une ambition philosophique qui doivent conduire ces travaux. Nous contribuerons à la définition de ce projet de label. Pour des colos, mais aussi des accueils de loisirs, ancrés dans leurs milieux, qui contribuent chacun, dans leurs identités propres et complémentaires, au véritable brassage social, qui permettent une vie collective de qualité et une réelle découverte de l’ici et l’ailleurs.

Nous porterons sans relâche, au nom de la dimension éducative des accueils collectifs de mineurs, la question du volontariat dans l’animation. Loin de la caricature actuelle, dérogatoire au droit du travail. Loin de tout glissement vers la précarisation. Loin encore de la tenace illusion du « bassin d’emploi ». Un vrai projet politique qui doit donner la possibilité à des milliers de personnes de prendre des responsabilités éducatives et citoyennes sur un temps donné, dans un cadre reconnu et porté au plan européen !

Et bonne année !

Vincent Chavaroche, Directeur général adjoint des Ceméa

Texte paru dans VEN n°553




Rapport sans suite ?

Depuis l’été 2012, les animateurs occasionnels œuvrent dans les séjours de vacances sous l’égide d’un contrat d’engagement éducatif (CEE) replâtré, peu adapté et difficilement mis en place laissant craindre une nouvelle fragilité juridique préjudiciable aux colonies de vacances. Le rapport d’information/ parlementaire rendu en juillet dernier réaffirme la nécessité de créer un statut du volontariat de l’animation, dans les 21 propositions qu’il formule.

Le 10 juillet 2013, le député Michel Ménard a remis aux membres de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le rapport d’information sur l’accessibilité des jeunes aux séjours collectifs et de loisirs. Comme le député le rappelle devant la commission en présentant ce rapport, celui-ci s’inscrit dans la continuité des initiatives parlementaires restées sans suite de la précédente mandature tendant à faciliter l’accès des mineurs aux vacances et aux loisirs par l’instauration d’un volontariat de l’animation. « La mission d’information avait donc pour objectif initial de préciser les conditions dans lesquelles pourrait être mis en place ce volontariat. Notre champ d’investigation a été d’emblée élargi afin de dresser un état des lieux des accueils collectifs de mineurs avec hébergement. » Et, c’est en effet une analyse en profondeur, fine et fouillée du secteur des colos et de ses problématiques qui nous est proposée. Afin de produire cette analyse, la mission d’information s’est appuyée sur une littérature abondante mais souvent éparse qu’elle a pris soin de rassembler et d’éclairer par l’audition d’une soixantaine d’acteurs entre janvier et juin 2013. La baisse de fréquentation des colos que le rapport fait remonter à 1995 est l’occasion d’étudier les ressorts profonds des colos, leur impact éducatif, leur fréquentation, les publics et les acteurs mais aussi les évolutions liées à l’apparition des accueils de proximité, au changement de regard des familles sur les colos, à la segmentation des séjours selon l’âge et l’origine sociale d’un secteur devenu marché. C’est d’ailleurs le facteur économique que le rapport interroge prioritairement pour expliquer la situation actuelle. « Des séjours devenus trop chers » dit-il, notamment pour les classes moyennes et populaires qui échappent aux aides dont les seuils d’accès en matière de revenus sont particulièrement bas sous le coup de politiques publiques réorientées pour l’essentiel vers l’aide aux accueils de loisirs.(
Le rapport examine également les causes sociologiques (lien entre les familles et les colos), les causes réglementaires et bien évidemment les conditions d’engagement (CEE) des animateurs et directeurs occasionnels qui encadrent cette activité.

21 PROPOSITIONS
Les propositions formulées proposent une politique globale et cohérente portée par l’ambition de promouvoir l’accès du plus grand nombre d’enfants aux séjours collectifs de vacances en prenant soin d’assurer la mixité sociale. Les mesures proposées précisent le rôle de l’État, invité à jouer un rôle de régulateur, de soutien d’un secteur qui serait animé exclusivement par des associations d’Éducation populaire en faveur de séjours éducatifs. Une autre série de propositions met en lumière l’importance de préserver un patrimoine bâti permettant l’hébergement collectif. Enfin le rapport conclue sur ce qui était son point de départ, l’instauration « d’un volontariat de l’animation, régi par une charte de l’encadrement occasionnel, auprès d’organismes sans but lucratif, des accueils collectifs de mineurs avec hébergement et des séjours de vacances adaptées pour les personnes handicapées. Ce volontariat s’inscrirait dans le cadre du projet éducatif de l’organisme et s’exercerait tout au long de la vie pendant une durée annuelle limitée et fractionnable. Il donnerait lieu à une formation, une indemnisation et une protection sociale du volontaire. »

ET MAINTENANT ?
Si, de notre point de vue, il faut saluer le travail et les propositions effectuées, nous restons interrogatifs sur les possibilités réelles de voir ces propositions se concrétiser. Le contexte social, économique et politique semble peu propice et qui plus est, l’actualité du secteur de l’animation, notamment sur le terrain du périscolaire à l’occasion de la réforme des rythmes éducatifs donne des signaux contraires à la création d’un statut du volontariat. C’est à nouveau le Bafa et le Bafd, diplômes non professionnels et occasionnels qui sont mis en avant pour encadrer les temps périscolaires quand en toute logique pour des fonctions permanentes comme l’encadrement quotidien du périscolaire, il faut envisager a minima un certificat de qualification professionnelle ou un diplôme d’animateur professionnel. On continue donc de renforcer l’employabilité du Bafa dont la philosophie et l’histoire relèvent d’une toute autre logique, comme le rappelle le cadre réglementaire : Le Bafa et le Bafd sont destinés à permettre d’encadrer à titre non professionnel et de façon occasionnelle, des enfants et des adolescents en accueils collectifs de mineurs, dans le cadre d’un engagement social et citoyen et d’une mission éducative. C’est pourquoi, il faut œuvrer à l’émergence d’un volontariat de l’animation tel que le propose le rapport parlementaire, un statut qui permette une nécessaire élucidation des rôles respectifs de l’animation professionnelle et volontaire.

Laurent Michel

Texte paru dans la revue des Cahiers de l’Animation N° 85.




Et si on inventait le volontariat de l’animation ?

Relire les Cahiers de l’animation depuis 20 ans c’est aussi se replonger dans les questions et les problématiques qui traversent le secteur de l’animation. Le combat pour la mise en place d’un véritable statut du volontariat pour l’animation revient comme une constante dans ce paysage.

En cette fin d’année 2012, nous en sommes toujours au même point. Les animateurs qui encadrent occasionnellement les ACM durant leur temps de vacances ou de loisirs n’ont toujours pas de statut satisfaisant qui reconnaisse cet engagement.
Le CEE, contrat de travail, rattaché au code du Travail mais dérogatoire à certains points dont le temps de travail, le repos quotidien et la rémunération… reste en vigueur. Malgré un bilan très négatif sur la mise en place des nouvelles dispositions sur le repos compensateur, rien ne bouge.

QUELLE RECONNAISSANCE ?
Dans ce numéro nous fêtons les 20 ans de la revue. Nous pouvons également fêter 20 ans de combat pour une reconnaissance de l’engagement des animateurs volontaires à travers la revendication pour un statut du volontariat dans l’animation.

Ainsi, dans le numéro 7 de juillet 1994, nous écrivions : « Ni salarié à part entière, ni bénévole ».
Dans le numéro 31 de juillet 2000 nous écrivions : « C’est pourquoi les Ceméa se battent, avec d’autres partenaires, pour que soit reconnu un statut du volontariat dans les CVL »
Dans le numéro 55 de juillet 2006, nous titrions notre article sur la création du CEE « une belle idée dévoyée ».

LE VOLONTARIAT, UNE TROISIÈME VOIE AVEC LE BÉNÉVOLAT ET LE SALARIAT
Le bénévolat est une activité qui demande aux personnes d’être intégrées dans la société (c’est-à-dire de pouvoir subvenir déjà à leurs besoins en étant salarié où retraité) et il relève toujours, quelle que soit son appellation, du caritatif, ou du soin et de la réparation. Tout le monde sait que l’économie générale des ACM ne permet pas un véritable salariat.

Par ailleurs, la question n’est pas qu’économique, elle est aussi politique car la philosophie des ACM ne repose pas sur la salarisation ou la professionnalisation de tous les animateurs et directeurs.

La richesse de cette activité repose sur la rencontre et l’échange entre des animateurs professionnels et des animateurs volontaires. Entre ceux dont c’est le métier et ceux qui apportent leurs énergies, envies et projets. C’est un leurre de penser qu’il y aurait une niche d’emploi dans l’encadrement des ACM uniquement sur les vacances scolaires.

PRÉCISER LE CADRE DU VOLONTARIAT
Il reste donc une voie possible, le volontariat de l’animation. Voie qui reconnaîtrait une double dimension.

Celle de l’engagement citoyen des animateurs tant appelé par la société.
Celle d’une reconnaissance des ACM comme espace éducatif spécifique et d’intérêt général.

Un volontariat qui reconnaisse l’engagement de ces jeunes à sa hauteur, par une indemnité décente ; pas 20 € par jour ! Le montant de cette indemnité est une revendication légitime des animateurs.
Un volontariat qui permette à cette jeunesse de s’engager sans avoir à financer la formation inhérente à l’animation.
Un volontariat qui assure une réelle protection sociale en cas d’accident pendant cet engagement. Un volontariat qui soit comptabilisé pour les droits à la retraite comme le fut le Service national en son temps.
Un volontariat limité dans l’année pour ne pas se confondre avec le salariat des animateurs professionnels, dans une limite de 60 jours par an. Un volontariat réservé aux structures non lucratives de l’économie sociale et solidaire, car il n’est pas concevable que des jeunes s’engagent et s’investissent pour le profit des actionnaires d’une société, ou l’enrichissement personnel de responsables de structures marchandes.
Un volontariat qui doit pouvoir s’appliquer sur tous les séjours de vacances et accueils de loisirs. Parce qu’on peut toujours poursuivre cette utopie de lier loisirs et vacances.

LE VOLONTARIAT DANS L’ANIMATION UN ESPACE D’ENGAGEMENT À RECONNAÎTRE
Ce volontariat ne serait que le juste retour d’une société envers ses jeunes qui s’engagent auprès d’enfants et de plus jeunes pour leur faire passer des vacances éducatives. Notre société doit reconnaître et valoriser ces 300 000 jeunes qui permettent à plus de 6 millions d’autres jeunes de passer des vacances et ou des loisirs éducatifs de qualité et sécurisés. Nous pensons de même que ce volontariat permettra à un nombre encore plus important de jeunes de s’engager et de prendre des responsabilités dans les ACM, et qu’il soutiendra la revendication plus large d’un départ en vacances et d’un accès aux loisirs du plus grand nombre.

Fabrice Deboeuf

Les Cahiers de l’Animation n°81




Ça, c’est fait !

Comme il était à craindre, la mise en oeuvre de la nouvelle mouture du Contrat d’engagement éducatif n’est pas sans effets pervers. Elle conduit à des situations inadaptées aux terrains mais aussi et surtout à une perte de sens de l’action éducative. Ce constat appelle à une réflexion profonde et à l’invention de nouvelles perspectives.

Les temps sociaux dédiés aux vacances et aux loisirs sont en train de muter. Le rythme de vie des enfants et des jeunes va évoluer, inéluctablement, vers un « moins de temps scolaires et un moins de vacances » qui va nécessiter une réflexion profonde sur les terrains de chacun des partenaires éducatifs.

Après quelques balbutiements durant les vacances de printemps, soutenue par une multitude de textes explicatifs, de modèles, de tentatives de traduction en actes concrets, de circulaires, la mise en place du nouveau Contrat d’engagement éducatif (CEE) a pu s’épanouir cet été.
À lire, plus loin dans ce Cahier, ce qu’a provoqué, vu des organisateurs et des directeurs, la mise en place, on se dit que malheureusement on avait raison quand on dénonçait la nouvelle mouture du CEE !

EFFETS PERVERS…
Les équipes d’encadrement des séjours de l’été, et je serais tenté de dire toutes les équipes, ont vécu un beau moment de « grand n’importe quoi ».
Et surtout, en creux, parce que rien ne se dit de cela, la mise en place des temps de repos dans le cadre du CEE a eu et aura des effets pervers considérables, dont on peut penser que pour partie, ils sont irréversibles.
Le premier effet pervers tient justement de la notion de repos des animateurs. Cadrés dans une structuration ne tenant pas compte de la vie et de la dynamique propres aux ACM, cette réforme aura favorisé une plus grande fatigue des animateurs, appelés à se reposer quand ils n’en avaient pas besoin. L’énergie passée à tenter de planifier une organisation de la ressource humaine (au singulier c’est nettement moins propre qu’au pluriel) a été détournée au profit de l’appareil plutôt que de s’exercer au profit des jeunes et des enfants. Les équipes de direction, autant que les organisateurs se sont retrouvés à gérer l’ingérable, au risque du ridicule – obliger à des repos dans la journée et en même temps nommer l’astreinte de nuit, illégale, du doux terme de « quiétude nocturne ». Mais en toute conscience de ce ridicule, qui porte atteinte au sens même des loisirs collectifs et contraint les équipes à de douloureux reniements. Quant au souci d’équité, il a été balayé à coups de réadaptation de l’indemnité aux contraintes des temps de compensation, compensation payée ou pas d’ailleurs, à géométrie variable…

… ET PERTE DE SENS
Et puis, rien sur les enfants et les jeunes ! Rien sur la rupture de la continuité éducative. Rien sur la sécurité affective des plus jeunes, pour lesquels, parfois, l’animateur ou l’animatrice « repère » a disparu dès le deuxième jour pour cause de tableau de roulement. Rien sur les séjours supprimés, rien sur les surcoûts, supportés cette année par les associations, avant de l’être demain par les parents au travers d’une augmentation des prix. Rien. Tout c’est bien passé ! J’entends déjà les commentaires : vous voyez bien que c’est possible, ça a été fait cet été ! Pourtant, s’ouvre dans le champ de l’animation un chantier qui devrait mobiliser toutes les énergies. Les temps sociaux dédiés aux vacances et aux loisirs sont en train de muter. Le rythme de vie des enfants et des jeunes va évoluer, inéluctablement, vers un « moins de temps scolaires et un moins de vacances » qui va nécessiter une réflexion profonde sur les terrains de chacun des partenaires éducatifs. Et une coordination mieux pensée.

ÉCUEILS À L’HORIZON
Mais trois écueils déjà se profilent : la tentation de la niche d’emploi que semble offrir l’encadrement des temps de vacances scolaires (leurre d’autant plus puissant que l’emploi pérenne est en crise), la question du volontariat dans l’animation (l’animation volontaire est indispensable au bon équilibre des ACM) et la perte de sens historique de l’Éducation populaire, au moment ou le terme (à défaut du concept) sert de support à quasiment tous les diplômes professionnels de l’animation.
Pour un de ces écueils, aurons-nous le temps et la sagesse de nous inspirer des travaux de la Commission européenne qui avance à grands pas, appuyée sur des expérimentations de nombreux états européens, vers la définition d’un statut du volontariat dans l’animation ? Après tout, il est temps de recevoir du sang neuf pour revivifier et redonner sens à ce que les fondateurs de l’Éducation populaire ont créé.

Alain Gheno

Les Cahiers de l’animation n°80




Onze heures à vivre

L’obligation faite d’une rupture quotidienne de onze heures, mentionnée dans les attendus du Conseil d’État quant à la légalité du contrat d’engagement éducatif, est incompatible avec le fonctionnement en continu des séjours de vacances. Cette obligation d’une rupture temporelle ressort d’une logique d’un travail salarié quand celle du centre de vacances découle d’un principe de vie.

Depuis 2006, l’assise juridique du contrat d’engagement éducatif (CEE) est bancale. Ce dispositif bien qu’émanant d’une « loi sur le volontariat associatif » réfère au salariat. C’est son talon d’Achille originel, révélateur des questions non résolues ou trop bien identifiées, c’est selon. Il n’a depuis cessé d’être décrié et régulièrement attaqué juridiquement. La saisine de la Cour de Justice de l’Union Européenne a conduit le Conseil d’État à prendre la décision, en octobre 2011, de rappeler que le CEE référait bien au droit des salariés et que s’imposait donc la nécessité d’un repos quotidien minimal de onze heures consécutives. Nous voici donc une nouvelle fois à la croisée des chemins, entre l’étude de solutions techniques dans le cadre du dispositif actuel, celui du salariat, ou la remise à plat complète du dossier dans le cadre d’un véritable statut pour l’animation volontaire. En attendant, les séjours organisés pour les prochaines vacances scolaires naviguent en eaux incertaines.

PERTE DE SENS
Pour qui fréquente les centres de vacances, ou les a fréquentés un temps soit peu, l’obligation faite d’une « disparition » quotidienne de onze heures semble en complet décalage avec les ressorts profonds qui animent ces communautés temporaires. C’est une logique de vie qui y est à l’oeuvre, en continu. Et la première des aventures qui s’y vit est celle qui naît de la rencontre des enfants et des animateurs. Souvent, les liens qui s’y tissent sont très forts parce que construits au fil de la vie, de la vie toute entière, en continu, du matin au soir et du soir au matin. Manger, se laver, jouer… se reposer aussi. Et les enfants ne disparaissent pas la nuit. Ils dorment, ils rêvent, bâtissent des châteaux en Espagne et ailleurs. Ils sont aussi parfois malades, anxieux. Comme dans la vraie vie, comme à la maison, comme avec leurs parents.

DONNER, RECEVOIR
Ceux qui les encadrent s’abandonnent un peu effectivement. Et ils le savent. En redemandent souvent même, tant la parenthèse est enchanteresse. Ils en parlent encore des années après, légèrement nostalgiques d’un temps heureux. Mais cela oblige ceux qui les accueillent. Sans doute, le premier de ces devoirs est-il d’assurer la formation de ceux qui s’engagent dans l’animation. L’assurer sur le terrain en plaçant ce rôle de formation au coeur des missions des équipes de direction mais aussi l’assurer en prenant part au financement des frais des formations théoriques qui ne peuvent être laissés à la seule charge des animateurs volontaires et de leurs familles. Le volontariat, par définition, ne peut s’imposer à la personne et pour qu’il soit autre chose qu’un vain mot dont on peine à vivre le sens, cette question du financement de la formation devra trouver des réponses dans la rénovation du statut de l’animateur volontaire.

AVANCER VERS UN RÉEL STATUT D’ANIMATEUR VOLONTAIRE
S’il y a grand risque à plonger la vie dans le formol bureaucratique, les centres de vacances, les colos ont su survivre aux méthodes HACCP concernant l’hygiène alimentaire et autres procédures de télédéclaration, faisant preuve de vigueur et d’une grande adaptation aux mutations de la société. Gageons que cela est encore possible. Dans une société du chômage de masse et de la précarité instituée, le volontariat des animateurs ne peut s’exprimer que dans un cadre clairement identifié, suffisamment valorisé et articulé à ceux dont c’est le métier, les animateurs professionnels. Le modèle des pompiers souvent évoqué en est une illustration possible. Bien évidemment, dans une société de la concurrence, le recours à ce type de statut ne peut être limité qu’à des missions ponctuelles, d’intérêt général, non lucratives et au caractère éducatif affirmé, s’adressant donc de fait à des associations, des comités d’entreprise et des collectivités publiques et non au secteur marchand.

Laurent Michel

Les Cahiers de l’Animation n°78




Lettre ouverte à un animateur

Animateur, animatrice, le dispositif dans lequel tu agis, le CEE, Contrat d’engagement éducatif, est remis en cause. Sa double logique de salariat et d’engagement volontaire le rend illégal au regard de la directive européenne sur les temps de repos.

Tu as fait la Une de la presse régionale et parfois nationale, cet été ! Joli coup quand on connaît la rareté de cette attention pour notre secteur, mis à part l’événementiel ou l’anecdotique trop souvent de mise dans la logique médiatique. Te voilà au coeur d’un débat politique ! Faut-il maintenir un statut dérogatoire sur plusieurs points au droit du travail ou faut-il reconnaître le volontariat dans l’animation ?

L’ANIMATION VOLONTAIRE EST-ELLE UN ESPACE D’ENGAGEMENT ?
Bien sûr ! L’engagement qui est le tien est un acte conscient ! Il faut cesser de te prendre, de vous prendre pour des êtres irresponsables et sans jugement. Tu fais des colos et des centres de loisirs parce que tu le décides ! Cet engagement est une expérience pour toi, une possibilité de t’investir dans une action éducative, reconnue comme telle. Tu y viens aussi, dans un cadre réglementé, pour t’occuper d’enfants, être avec d’autres jeunes, prendre des responsabilités dans un espace où les enfants font l’apprentissage de la vie collective, de la solidarité et du lien social. Bien évidemment, tu souhaites gagner un peu d’argent, ce qui est normal. Chacun sait que c’est aussi une reconnaissance de ce que l’on fait. La question est alors de savoir si notre pays veut toujours disposer d’un espace d’engagement pour des dizaines de milliers de jeunes, dans une logique de volontariat complémentaire au travail salarié des professionnels de l’animation ! Et s’il fallait parler en deux mots de sécurité, les colos et les centres de loisirs sont et restent des lieux éducatifs dans lesquels la sécurité des enfants est plus forte que dans leur famille. Le savais-tu ?

L’EUROPE : LE MAUVAIS OBJET FACILE
Comme si nous étions uniquement face à une attaque en règle de l’Europe. Ce sont les États membres qui font l’Europe. Le courage politique des gouvernements ou son absence sont lourds de conséquence sur les décisions prises au niveau européen. « Il faudra tenir compte du droit européen », indique la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et de la Vie associative. En termes de droit du travail, oui, il le faudra. En termes de volontariat, il le faudra aussi ! C’est pour cela que nous demandons la reconnaissance européenne d’un statut du volontariat dans l’animation socio-culturelle.

L’ENJEU ÉCONOMIQUE POUR LES ACM
Tu n’es pas un élément technique d’un puzzle économique. Si les centres de vacances et de loisirs sont ces lieux éducatifs particuliers, c’est justement parce que des personnes, en l’occurrence toi, animateur ou animatrice volontaire sont là, sans être des professionnels de l’éducation, dans une logique d’engagement éducatif. L’enjeu économique existe, il est indéniable. Il est aussi indissociable d’une réelle politique en faveur du droit au départ en vacances pour tous. Une politique qui considère que l’éducation n’est pas une marchandise, que les ACM sont un des éléments fondamentaux d’une politique solidaire en matière d’éducation. Force est de constater que ce n’est pas le cas aujourd’hui en France.

L’AMALGAME ENTRE TRAVAIL SALARIÉ ET VOLONTARIAT
Nous entendons la lecture faite par des syndicalistes. Mais, à notre sens, ce n’est pas le CEE en tant que tel qui est « un vrai scandale », « exploitant de manière éhontée les jeunes 24 heures sur 24 », c’est sa double référence, au droit du travail avec des dérogations et à l’engagement volontaire. Il faut donc un cadre clair pour le volontariat dans l’animation des ACM. Non pas, comme certains le disent, pour revenir en arrière, par nostalgie du passé ou utopie naïve, mais parce que nous pensons que tous les espaces d’activité humaine dans notre société, ne doivent pas relever de la seule logique marchande, de la seule logique de l’emploi et du travail salarié ou encore du strict bénévolat. Dans ces conditions, et dans un dispositif spécifique qui valorise l’engagement, le protège des dérives, un espace de volontariat indemnisé, considéré comme une expérience de vie citoyenne possible pour une partie de la jeunesse serait une innovation politique en ces temps de pré-campagne…

Et toi, animateur volontaire, tu en penses quoi ?

Vincent Chavaroche Paris, 26 septembre 2011

Les cahiers de l’Animation N°76




BAFACM et vice versa

À la lumière de l’histoire de l’Éducation populaire, on constate que l’animation volontaire s’est organisée dans un même mouvement et un même élan à mesure que se développaient les centres de vacances et de loisirs, désormais accueils collectifs de mineurs (ACM). L’évolution de ce secteur oblige aujourd’hui à penser plus encore la relation entre animation volontaire et animation professionnelle.

Aujourd’hui quasiment plus qu’hier, les ACM n’existent que dans un maillage fort et générique, entre animation volontaire et animation professionnelle. Ainsi dans la formation Bafa, le stage pratique est sous la responsabilité du directeur de la structure, lequel est très majoritairement un professionnel de l’animation.

Nous avons déjà dit, dans ces colonnes, que les ACM, dans la forme déterminée par leur histoire, ne pouvaient exister que dans la même dynamique que celle de l’animation volontaire. L’affirmation valant d’ailleurs par son contraire. Non que « l’animation professionnelle  » soit étrangère au phénomène, mais parce que sa place n’y est pas de même nature. Il est étrange que l’expression « animation volontaire » fonctionne de façon autonome, au contraire de celle d’« animation professionnelle ». En effet, quand, au hasard des conversations, on évoque les animateurs « volontaires », implicitement, on parle quasiment toujours d’animateurs Bafa. Et voilà une fonction, une responsabilité, une façon d’entrer dans la vie sociale qui se définit par sa formation ! Comme si on pouvait dire : « Tiens, ce matin j’ai amené ma voiture chez mon garagiste CAP ou mon garagiste Bac pro ». Au-delà de la boutade, on peut y voir une autre réalité.

LES PARTICULARITÉS DU BAFA

Le Bafa est en effet une formation particulière, pour de multiples raisons. Diplôme non professionnel, il valide une démarche d’animation volontaire, totalement liée aux principes et aux valeurs de l’Éducation populaire, sans jamais y faire référence dans ses attendus réglementaires. Rappelons-nous que les diplômes de l’animation professionnelle font eux, explicitement référence à l’Éducation populaire. Autre particularité, c’est spécifiquement une formation en alternance, dont l’axe fort, pour ainsi dire « le juge de paix » reste le stage pratique, confrontation au réel, temps fort de la formation pour le stagiaire, en même temps que dynamisation des pratiques sur le terrain, soutien quasi logistique de l’augmentation du nombre des participants sur les temps de vacances scolaires et temps fort du travail et de la responsabilité des directeurs de structures, chargés de cette formation, à ce moment-là. Dernière particularité, en tous cas en ce qui concerne notre propos, c’est une formation courte, pour un temps de pratique sur le terrain qui s’amenuise (de 3 ans de durée moyenne d’activités dans les années 1980 et 1990, à moins de 18 mois actuellement), et qui laisse des traces indélébiles dans les mémoires, autant pour la personne qui l’aura suivie, que pour les structures qui auront bénéficié de l’apport de cette animation volontaire. Vu sous l’angle de ce qui précède, les ACM ne vaudraient que par l’activité des animateurs (et, même s’ils sont de moins en moins nombreux) des directeurs « volontaires » ? Ce serait un déni de réalité !

UN LIEN ÉTROIT ENTRE VOLONTAIRES ET PROFESSIONNELS

En réalité, aujourd’hui quasiment plus qu’hier, les ACM n’existent, et à notre avis, ne pourront exister que dans un maillage fort et générique, entre animation volontaire et animation professionnelle. Cela est vrai dans le cadre de la formation Bafa. Le stage pratique est sous la responsabilité du directeur de la structure, lequel est très majoritairement un professionnel de l’animation – il était auparavant bien souvent un professionnel de l’éducation, au sens large. En raccourci, le champ de l’animation professionnelle prend en charge, pour le moins, la moitié de la formation des futurs animateurs. Pour autant, ces mêmes directeurs sont-ils préparés à cette responsabilité ? Si dans le cadre du Bafd, autre diplôme non professionnel, préparant spécifiquement à la direction, le rôle formateur est un des piliers de la formation, l’est-il dans les formations à l’animation professionnelle ? L’accueil, le suivi, la formation initiale (parce que les trois temps de la formation Bafa restent de la formation initiale) des stagiaires Bafa, des animateurs volontaires font-ils partie, suffisamment, de la formation des cadres de l’animation professionnelle ? Pourtant, c’est bien dans cette fonction de formation de l’autre, de formation à une fonction, mais aussi d’accompagnement vers une citoyenneté concrète et active, que les professionnels de l’animation assurent leur « vocation » d’acteurs de l’Éducation populaire.

Alain Ghéno

Les Cahiers de l’Animation n°75




Un vrai statut pour l’animation volontaire

L’actualité est rarement sans ironie. 2011 est déclarée Année européenne du volontariat quand, dans le même temps, son principal support juridique pour l’animation volontaire en France, le contrat d’engagement éducatif, est remis en cause. C’est le moment de revendiquer un vrai statut pour les animateurs des accueils collectifs de mineurs

Une autre dynamique est également en marche, celle de la mobilité européenne des animateurs et animatrices volontaires qui demain sera une réalité. Cette mobilité suppose la création de passerelles et de reconnaissances entre des pays où les cultures et les dispositifs varient mais qui s’accordent sur l’essentiel dans une plate-forme commune.

L’année 2011 : Année européenne du bénévolat et du volontariat. La Commission européenne qui a lancé cette initiative, souhaite en faire, avec ses partenaires institutionnels et les réseaux associatifs un événement qui montre la place incontournable occupée par cette forme d’engagement dans la société d’aujourd’hui. De nombreuses manifestations auront lieu pour valoriser le bénévolat et le volontariat sous toutes leurs formes et dans tous les secteurs : le volontariat de service civique, le service volontaire européen, le volontariat de solidarité internationale, mais aussi, le volontariat avec les pompiers !

ET L’ANIMATION VOLONTAIRE ?
Elle a toute sa place dans cette grande opération de valorisation de l’engagement des personnes, des jeunes en particulier, dans un engagement volontaire, pour la prise de responsabilités, d’initiatives au service des autres, pour la réalisation d’actions solidaires, éducatives, qui contribuent au lien social. En effet, à travers l’animation volontaire notre société trouve une occasion de dire à une partie de sa jeunesse qu’elle a confiance en elle, qu’elle lui permet de prendre de vraies responsabilités, dans un cadre défini et avec des adultes qui les accompagnent. C’est une relation institutionnellement non hiérarchisée, indemnisée, construite sur un projet ponctuel, et à durée courte, prenant en charge les vacances collectives des enfants et des jeunes. Le problème est que l’animation volontaire, n’est qu’en partie reconnue dans le volontariat ! Aujourd’hui, elle se traduit par un dispositif, le contrat d’engagement éducatif (CEE) qui n’a jamais répondu totalement aux attentes pour le secteur des accueils collectifs de mineurs. Celui-ci propose un engagement volontaire traduit par un statut salarié avec des dérogations au code du travail concernant la question des repos. Ce dispositif fait l’objet d’une remise en cause par la Cour européenne de justice concernant le temps de repos minimum car « il ne prévoit pas de repos quotidien ou, au minimum de périodes équivalentes de repos compensateur adaptées aux contraintes particulières de l’exercice. » Ce CEE, s’il a permis de trouver en 2006 une solution technique pour le secteur, n’a pas résolu les questions du sens de l’engagement volontaire dans l’animation. Nous pensons qu’il est temps de réouvrir le débat au plan politique pour trouver une solution alternative à la situation présente et définir un statut du volontariat dans l’animation, totalement déconnecté du droit du travail comme c’est le cas pour d’autres dispositifs d’engagement volontaire tels le volontariat de service civique, le service volontaire européen.

SON AVENIR EST EUROPÉEN
L’Année européenne du bénévolat et du volontariat se situe aussi dans un contexte où l’animation volontaire occasionnelle est en phase de reconnaissance et de valorisation. Une dynamique est en marche, la mobilité européenne des animateurs et animatrices volontaires sera demain une réalité. Nous partageons, en termes de structuration et de réglementation ce concept du volontariat dans l’animation des accueils collectifs de mineurs pendant les temps dits de loisirs, qui existe sur le plan européen, sous différentes formes, appellations, au travers des différentes cultures, réalités et divers dispositifs. Les Ceméa portent avec plusieurs partenaires européens, une plate-forme pour l’animation volontaire en Europe. L’idée fait son chemin ! La reconnaissance de la prise de responsabilités éducatives par des « amateurs », engagés, reconnus par les institutions et les adultes qui les accompagnent, est un objectif partagé par les acteurs éducatifs européens. Les politiques aussi, puisqu’il est en est question dans une résolution du Conseil de l’Union européenne relative au domaine de la jeunesse pour la période 2010-2018. Le moment est venu, revendiquez d’être reconnus, en cette année symbolique, comme de véritables volontaires éducatifs.

Vincent Chavaroche

Les Cahiers de l’Animation n°74




Il n’y a pas de fatalité

Un texte de loi est passé au printemps. Très ambivalent, presque paradoxal. Il n’est pas certain que toutes les conséquences aient été perçues. Mais déjà, ou encore, il alimente un débat qui ne pose pas les véritables enjeux.

L’engagement éducatif fait beaucoup parler de lui en cette période d’après campagne d’été des séjours de vacances collectifs d’enfants et de jeunes. On a surtout entendu dire n’importe quoi. On assiste à des prises de positions radicales face à ce dispositif, quelques semaines après sa mise en œuvre. Entre les confusions syndicales qui le dénoncent et les chantres de la marchandisation des loisirs qui se réjouissent de son ouverture au privé pour le bonheur des citoyens, il est vrai qu’il est difficile de trouver le sens profond de ce dispositif.

Polémique, amalgames, débat syndical déplacé, vision techniciste de l’animation, confusion avec un petit boulot technique, vision d’adultes formatés par leur propre rapport à l’engagement, à la solidarité, adultes enfermés dans une conception monochrome et linéaire de l’activité humaine, tout y passe ! L’engagement éducatif est une belle idée dévoyée, comme le dit le directeur général des Ceméa dans le dernier numéro des cahiers.

Effectivement, le choix de situer l’engagement éducatif en dérogation au droit du travail lui fait perdre beaucoup de son sens, philosophique, celui de l’acte d’engagement solidaire au service de l’intérêt collectif. Du coup, la loi votée ne fait qu’améliorer un peu juridiquement la situation des animateurs occasionnels, comme le dit la Jeunesse au Plein Air. Le sens de cet engagement est, lui, absent du débat. Il nous faut sans cesse le rappeler, afin que les vraies questions de société qui sont sous jacentes, ne soient pas évacuées.

Nous affirmons, dans les orientations des Ceméa et ce depuis plus de dix ans, que : « L’engagement volontaire dans les CVL permet aux jeunes d’entrer dans la société des adultes à travers “un rite de passage” en vraie grandeur. » Il faut également que les CVL, espace social porteur de citoyenneté pour les participants, le soient aussi pour les encadrants en permettant à des non-professionnels de faire acte de solidarité et de citoyenneté en venant, sur leurs temps de loisirs, s’occuper d’autres plus jeunes qu’eux.

L’éducation est l’affaire de tous et il est important que des volontaires puissent continuer de s’engager dans cette action. Les professionnels qui les accueillent, doivent les accompagner et les encadrer, ce qui met en acte l’éducation populaire dans l’animation.

Ils y apportent une dimension pédagogique spécifique, un engagement et une dynamique remarquables, une qualité relationnelle et des compétences particulières.

[…] Ces jeunes prennent, dans un cadre défini et avec l’aide d’adultes, des responsabilités vraies. Cela contribue à leur insertion dans la société des adultes puisque celle-ci les reconnaît et leur fait confiance en leur confiant ses enfants ». Le discours majoritaire cet été d’une certaine presse régionale parlant des animateurs occasionnels montre bien la méconnaissance des enjeux de l’engagement volontaire dans l’animation. Il propage la confusion, la pensée unique libérale en n’abordant la question que par le rapport salarié, en dénonçant les petits salaires, les sous-smicards de l’animation du fait d’un dispositif bâti pour l’exploitation de la jeunesse.

Chacun n’entend que ce qui conforte sa propre vision des choses et parmi les analyses et les critiques, la parole des premiers intéressés est souvent occultée ou orientée.

On n’entend pas les animateurs et animatrices « occasionnels » dire en quoi cette expérience les a fait grandir, en quoi ils savent qu’il ne faut pas faire ça pour l’argent. Et pourtant, ils sont nombreux à dire que « là », ils ont le sentiment d’être utiles, de servir un projet social et éducatif. Certes, et c’est heureux, ils ne sont pas en arrivant tous des militants chevronnés de l’éducation populaire. Ils prennent conscience de leur contribution à une action éducative et sociale. Ils disent en quoi le fait de vivre ces expériences d’encadrement de séjours et de centres de loisirs dans un collectif d’adultes, souvent une vraie équipe, leur a permis de mesurer l’importance du relationnel, de l’échange, de la négociation, du respect des décisions prises ensemble.

Ils témoignent d’aventures réellement éducatives, pour eux comme pour les enfants qui ont participé aux séjours et autres centres de loisirs. Ils disent enfin qu’ils sont le plus souvent pleinement acteurs, pas simples exécutants, à condition que les adultes dirigeant et organisant ces accueils les prennent en compte et assument leurs responsabilités d’accompagnement. Vous avez dit éducation populaire ? Vous avez dit occasionnels ou volontaires ? Le volontariat éducatif dans l’animation, même si le dispositif qui le cadre juridiquement n’est pas satisfaisant, est un élément central de l’identité de l’éducation populaire dans le secteur des vacances collectives de mineurs. Il est le révélateur de sa bonne ou mauvaise santé.

Les positions extrêmes opposées, entre certains acteurs se réclamant de l’éducation populaire, des syndicats et les responsables des sociétés commerciales bénéficiant de l’ouverture de ce dispositif pourraient bien se rejoindre et porter ensemble la responsabilité de la fragilisation de ce dispositif d’engagement volontaire, voir son anéantissement. Ceux qui en doutent au sein du secteur associatif et syndical, risquent de devoir assumer la fin de l’éducation populaire dans l’animation, favorisant de fait l’action du secteur privé, basée sur la marchandisation des loisirs qui se réjouit, elle, de l’ouverture du dispositif de l’engagement éducatif. Les Ceméa continueront pour leur part à défendre le volontariat dans l’animation des CVL.

Vincent Chavaroche

Article extrait de CA n°56 – D’un été vers l’autre



Une belle idée dévoyée

La « fameuse » annexe 2 de la convention collective de l’animation socioculturelle a vécu. Au terme d’un très long processus, dans lequel les Ceméa ont pris toute leur place de façon tenace, une loi sur le volontariat associatif a vu le jour. Oui, mais…

Le projet de loi sur le volontariat associatif et l’engagement éducatif a été voté le 9 mai par le Sénat dans les mêmes termes qu’à la Chambre des députés, le 17 janvier. La navette parlementaire s’arrête donc là et le texte peut être promulgué en l’état. Pour qu’il soit applicable, il est néanmoins nécessaire que les décrets qui y sont associés soient eux aussi promulgués. Sur le fond, les Ceméa défendaient, depuis plusieurs années, l’idée que l’engagement volontaire dans les centres de vacances et les centres de loisirs devait sortir d’une logique de dérogation du droit de travail pour se situer résolument dans le cadre d’un réel volontariat. Cette position n’est pas celle choisie par le gouvernement qui, dans sa loi, a créé deux cadres distincts :

  • L’un consacré au volontariat associatif qui est bien un volontariat réel (c’est le titre I du projet) ;
  • l’autre consacré à l’engagement éducatif qui concerne les animateurs, directeurs et formateurs occasionnels des centres de vacances et des centres de loisirs et qui est un cadre dérogatoire au droit du travail – c’est le titre II. Ce choix nous paraît dommageable par rapport à la logique même de l’engagement. Néanmoins, il fallait absolument sortir de l’imbroglio actuel créé par la loi Aubry vis-à-vis de l’annexe II de la convention collective de l’animation et préserver ces activités éducatives et sociales. Le projet du ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative permettait malgré tout de sécuriser la situation des animateurs et directeurs occasionnels et des organisateurs de ces activités. Mais en élargissant le champ d’application de cet engagement éducatif aux entreprises marchandes du secteur des loisirs, les députés ont modifié profondément et subrepticement la philosophie même du projet. Ils ont en même temps détruit la part de cohérence qui pouvait exister entre le volontariat associatif et l’engagement éducatif au sein d’un même projet de loi. Nous sommes, bien sûr, en désaccord total avec cet élargissement. On avait pu penser malgré les imperfections et les limites de son texte, que le gouvernement manifestait néanmoins par là un certain soutien à la vie associative et à l’économie sociale de ce secteur construite sur d’autres logiques que celles du marché. On peut aujourd’hui en douter !

Jean-François Magnin

Article extrait de « CA n°55 – Et les parents alors ?«